Quelle solution de substitution à la ville?

Martin Neff, Raiffeisen

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Le mot d’ordre sera bientôt de quitter la ville plutôt que d’y venir. Les gens auront toujours tendances à s’installer là où il y a du travail et non là où le logement est le plus avantageux.

Je me suis récemment entretenu, en marge d’une manifestation, avec un couple d’Allemands originaires de Berlin qui s’est installé en Suisse depuis quelque temps. Ils ne tarissaient pas d’éloges sur notre pays. Ici tout fonctionnerait à la perfection. Les trains circuleraient à l’heure, les villes seraient beaucoup plus propres et l’on ne verrait pratiquement pas en Suisse tous ces mendiants que l’on trouve dans toutes les villes allemandes. Ils s’inquiétaient en outre de leur bien immobilier à Berlin, après la mise en place du plafond des loyers par le gouvernement rouge-vert. Celui-ci prévoit une réglementation stricte des loyers. Les appartements sont subdivisés en 17 catégories, selon l’âge des bâtiments. L’emplacement et l’aménagement des appartements n’entrent pas en ligne de compte dans cette affectation, seule l’existence d’un chauffage central ou d’une propre salle de bain influe sur la classification. Selon la proposition du Sénat de Berlin, le loyer de base maximal possible doit s’élever à 7,97 euros par mètre carré et par mois. La valeur la plus basse des 17 catégories est de 3,42 euros. A titre de comparaison: à Karlsfeld, la ville allemande la plus chère, le loyer de base net par mètre carré est de 10,62 euros, à Munich il est de 10,45 euros et à Stuttgart, la troisième ville la plus chère selon l’index allemand des loyers, il est de 9,97 euros.

Dans un îlot de cherté tel que la Suisse, même le loyer maximal berlinois serait évidemment une aubaine. En pourcentage, c.-à-d. à l’aune du revenu du ménage, les ménages allemands dépensent toutefois à peu près autant pour le logement qu’un ménage suisse moyen. Car les salaires en Allemagne sont nettement moins élevés qu’ici. Trouver un appartement de 100 mètres carrés à moins de 1000 francs par mois relève toutefois de l’impossible en Suisse. A Berlin, ces 1000 francs sont censés constituer le plafond et qui sait, peut-être en sera-t-il bientôt de même dans d’autres grandes villes allemandes. Le couple allemand se plaint sans doute à juste titre de cette atteinte à la liberté de propriété. Le marché du logement à Berlin devra ainsi se baser, à l’avenir, sur les prescriptions et non plus sur les lois du marché. Et les propriétaires immobiliers devront peut-être bientôt s’y conformer. Or les loyer se contentent de suivre les lois du marché. Ils augmentent le plus là où la demande d’espace habitable est la plus forte. Et il se trouve que Berlin est très demandée. La population berlinoise augmente principalement à cause d’un excédent de naissances et d’une immigration étrangère; elle n’attire donc pas la clientèle la plus fortunée, ce qui se traduit par des pénuries correspondantes sur le marché du logement.

Les villes sont demandées. L’urbanisation progresse inexorablement. Selon l’UN World Urbanization Prospects, il y aura 662 villes de plus d’un million d’habitant dans le monde en 2030 (dont Zurich), contre 500 aujourd’hui. Pour la première fois dans l’histoire de notre planète, les villes comptent plus d’habitants que les campagnes depuis 2007. En 2035, 62% de la population vivra déjà en ville. L’accumulation locale de capital humain dans les agglomérations libère sans aucun doute des synergies, au plan économique. La productivité augmente grâce à la concentration spatiale et les services publics sont plus avantageux, grâce aux économies d’échelle. Le véritable défi induit par l’urbanisation réside dans la fourniture appropriée de surfaces abordables aux entreprises et aux ménages qui s’installent. Les centres étant généralement déjà occupés, les ménages arrivants trouvent rarement des espaces habitables aux meilleurs emplacements et lorsque c’est le cas, ceux-ci sont inabordables pour la plupart d’entre eux. Ce phénomène se manifeste également en Suisse. Mais pas partout.

Zurich et le reste 

L’examen des principales villes suisses, notamment Zurich, Berne, Bâle, Genève, Lausanne, Saint-Gall, Lucerne et Lugano montre qu’il existe différents schémas d’urbanisation. Zurich occupe une place à part, car c’est la seule grande ville suisse à enregistrer une progression particulièrement élevée, tant comme lieu de travail que de vie. L’accroissement de la population y est de loin le plus important. Saint-Gall se classe certes loin devant Zurich (3e place) et Lugano (2e ) en termes de progression de l’emploi, mais l’accroissement de la population y est très modeste et même à Lugano, celui-ci est inférieur à l’augmentation des emplois. Cela implique par conséquent un plus grand volume de pendulaires à SaintGall et Lugano. L’accessibilité étant devenu le facteur critique non seulement dans l’agglomération zurichoise, mais aussi ailleurs en Suisse où le nombre d’heures d’embouteillage ne cesse de progresser, les villes devront progressivement se positionner davantage comme des lieux d’habitation attrayants, pour ne pas avoir à pâtir du flux croissant des pendulaires. Les esprits (politiques) divergent cependant quant à la définition d’un lieu d’habitation attrayant. Ce qui attire est en effet recherché et donc cher. Bon marché et attrayants sont à l’évidence antinomiques et le modèle berlinois pourrait bien se solder par un effet contraire en nuisant à l’attractivité de Berlin. Nous aimons bien observer les évolutions inhabituelles ou prétendument nouvelles chez notre voisin du nord et nous avons tendance à en adopter un bon nombre. Il ne reste qu’à espérer que Berlin ne fera pas école à Zurich ou dans d’autres villes suisses. Sinon, le mot d’ordre sera bientôt de quitter la ville plutôt que d’y venir. Comme à l’époque de l’exode urbain, qui n’a pas du tout réussi à Zurich, comme nous le savons tous. Les gens auront toujours tendances à s’installer là où il y a du travail et non là où le logement est le plus avantageux. Voici ce qu’on peut dire de l’urbanisation dans un premier temps.

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