Prix alimentaires et inflation – Macro Pulse d’Indosuez WM

Paul Wetterwald, Indosuez Wealth Management

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En 2019, le rebond des prix alimentaires observé jusqu’ici influence également l’inflation, poussant l’indice des prix à la consommation total vers le haut.

Bien que les ménages des économies matures ne dépensent pas une large partie de leurs revenus pour l’alimentation, le poids de ce poste dans le panier du consommateur se situe encore aux alentours de 10% en Allemagne ou en Suisse, légèrement moins aux USA. A contrario, la pondération de l’alimentation dans le panier du consommateur des pays émergents est au moins de 30%. Nous n’analysons pas ici les changements structurels de moyen-terme liés au réchauffement climatique, mais nous restreignons à des déterminants de court-terme. 

El Niño/ La Niña 

Ces noms définissent des phénomènes naturels qui s’avèrent être des facteurs-clés au niveau mondial pour le secteur agricole parce qu’ils contribuent à des situations météorologiques extrêmes. 

Un épisode El Niño sévère pourrait mettre en danger la récolte de certaines denrées alimentaires, conduisant par la suite à des prix de l’alimentation plus élevés. Lorsque le phénomène crée des situations de sécheresse en Inde et en Thaïlande, tout en provoquant en même temps des pluies abondantes au Brésil, alors la production globale de sucre s’en trouve réduite. Un temps plus sec lié à El Niño pourrait également impacter quatre grands exportateurs de riz, à savoir l’Inde, la Thaïlande, le Vietnam et le Pakistan, ce qui amènerait à une réduction de l’offre. 

Des épisodes El Niño/La Niña marqués sont-ils à prévoir prochainement? Pour tenter d’apporter une réponse quelque peu fondée, nous nous référons à l’indice El Niño–Southern Oscillation (ENSO) calculé par le Bureau australien de météorologie. Ce dernier a établi que l’ENSO se trouve actuellement en position neutre, c’est-à-dire qu’il n’annonce pas d’épisode El Niño ou La Niña. Bien que l’éventualité de tels épisodes ne puisse être totalement exclue pour 2019, la zone tropicale de l’océan Pacifique devrait rester dans une phase neutre au cours de prochains mois, ce qui veut dire que le curseur décrivant les perspectives pour l’ENSO demeurera sur «inactif».

«Effet mousson» 

A l’évidence, une pluviométrie excessive ou déficitaire affectera les moissons et, par ricochet, les prix alimentaires. Dans un article récent1, Blagrave nomme les chocs pluviométriques propres à divers pays asiatiques l’«effet mousson». Il observe que les variations simultanées des prix alimentaires dans plusieurs pays peuvent être déclenchées par un choc commun, tel que par exemple une réponse à des conditions météorologiques identiques dans lesdits pays… des conditions de surplus ou de déficit partagées auront un effet similaire dans ces pays. 

En 2019 l’Inde a souffert d’une faiblesse des récoltes hivernales, ainsi que d’une mousson retardée. La variation des prix alimentaires est passée de -1,64% en glissement annuel à fin décembre 2018 à +2,37% en juin passé. Toutefois, les sous-indices de prix alimentaires par produit renvoient une image plus contrastée, ce d’autant plus que les prix administrés dans le cadre du système public de distribution (PDS) peuvent s’écarter de façon marquée de ceux provenant d’autres sources. A titre d’exemple, les prix des fruits se sont inscrits en baisse de 4,18% en glissement annuel en juin passé, alors que les prix des légumes étaient en hausse de 4,66%. 

En Chine, les prix des fruits frais ont augmenté de 5,09% pendant le seul mois de juin, après une hausse de 10,12% en mai. La variation en glissement annuel a atteint le mois passé le chiffre spectaculaire de +42,7%. Ceci a largement contribué à la hausse de l’indice des prix alimentaires qui s’est inscrite à +8,3% en glissement annuel. Toutefois, les prix des fruits ne sont pas les seuls responsables. Les prix du porc ont augmenté de 3,6% pendant le mois et progressé de 21,1% en glissement annuel. Cette dernière évolution est liée à un nouvel épisode épidémique de grippe porcine africaine (ASF) dans plusieurs pays asiatiques. 

Grippe porcine africaine 

Bien qu’il soit difficile d’évaluer la sévérité de l’expansion de la grippe porcine en Chine et bien que le risque d’une nouvelle extension ne soit pas nul, la FAO a relevé que le district de Huinong, la cité de Shizuishan, la région autonome de Ningxia Hui, le comté de Daishan, la préfecture de Wenshan, ainsi que la province du Yunnan, ne sont plus classifiés comme zones épidémiques depuis le 9 juillet, du fait qu’aucun nouveau cas n’y a été reporté pendant 6 semaines. Le graphique ci-dessous laisse à penser que l’épidémie est contenue.

Des indications alternatives quant au sérieux de la maladie peuvent être obtenues en utilisant un outil indirect, soit la comptabilisation du nombre d’occurrences de la référence «China swine flu» (grippe porcine Chine) dans l’univers Bloomberg. Ainsi qu’on peut le voir dans le graphique ci-après, le pire est peut-être derrière nous mais la situation reste préoccupante.

Prix alimentaires mondiaux 

La FAO calcule un indice mensuel des prix alimentaires mondiaux libellé en US dollars. Il est construit sur la base d’une moyenne pondérée par les échanges commerciaux de 55 prix de produits agricoles cotés internationalement, avec les poids fixes suivants: viande = 35%; produits laitiers = 17%; céréales = 27%; huiles = 14%; sucre = 7%. L’indice FAO a été impacté par les facteurs mentionnés ci-avant et sa progression sur 12 mois est maintenant à nouveau en territoire positif, soit +0,15% de juin 2018 à juin 2019.

Conclusion: En 2019, le rebond des prix alimentaires observé jusqu’ici influence également l’inflation, poussant l’indice des prix à la consommation (IPC) total vers le haut. Si les prix alimentaires restent à leur niveau actuel jusqu’à la fin de l’année, alors leur variation en glissement annuel sera de +7,5% en décembre prochain, contre +0,15% en juin passé. Ceci ajouterait à l’inflation de chaque pays dans une proportion dépendant du poids de l’alimentation dans le panier du consommateur de ce pays, ainsi que du taux de change contre USD de sa devise.

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