Le secteur du Private Equity a connu une évolution significative au fil des ans, marquée par une montée en puissance des fonds spécialisés. Face à cette tendance, il est légitime de se demander quel modèle d’investissement sera le plus prometteur à l’avenir.
Distinctions entre fonds généralistes et spécialistes (ou «spécialisés»)
Un fonds généraliste est caractérisé par une équipe d’investissement dont les professionnels ne se concentrent pas sur un secteur en particulier. Ils sont généralistes, ils opèrent dans divers domaines. En revanche, les professionnels d’investissement d’un fonds spécialiste ne couvrent typiquement qu’un secteur.
Historiquement, l’avènement des fonds spécialisés est plus récent. Il y a une vingtaine d’années, la majorité des fonds de Private Equity étaient des fonds généralistes, en raison du nombre et du volume de transactions trop faible pour que la spécialisation sectorielle fasse sens. De nos jours, sur les marchés les plus développés bénéficiant d’un volume de transactions très important comme les États-Unis ou l’Europe, les fonds spécialistes prolifèrent.
Avantages de la spécialisation
La spécialisation offre plusieurs avantages significatifs. Dans un marché du Private Equity de plus en plus compétitif, les fonds spécialisés disposent d’un atout majeur pour originer des transactions: ils connaissent mieux les secteurs dans lesquels ils investissent que les fonds généralistes. Ils sont donc en position favorables pour gagner la confiance d’un dirigeant d’entreprise qui préfère le plus souvent s’associer à un partenaire qui connaît intimement son secteur et comprend donc parfaitement toutes ses problématiques.
La tendance à la spécialisation a donné naissance à différents modèles de fonds.
De plus, la spécialisation leur permet de créer de la valeur de manière plus efficace. Les fonds spécialistes connaissent parfaitement les indicateurs de performance de leurs secteurs car ils y ont déjà accompagné de nombreuses sociétés, comprenant ainsi les recettes du succès dans leurs secteurs. Et ils ont sanctuarisé ce savoir dans ce qu'ils appellent un playbook, un manuel de bonnes pratiques qu’ils sont capables de dérouler de manière répétitive. Ils ont souvent aussi créé des équipes opérationnelles internes très structurées qui peuvent assister leurs sociétés en portefeuille sur des projets opérationnels très précis.
Les modèles de fonds spécialisés
La tendance à la spécialisation a donné naissance à différents modèles de fonds. Certains se concentrent sur un ou deux secteurs. Ce seront dans presque tous les cas un ou deux secteurs résilients et porteurs, par exemple la Santé et / ou le Logiciel, pour ne pas sous-performer en cas de retournement de cycle. L’avantage de ce premier modèle est l’hyperspécialisation de l’équipe d’investissement qui va être réellement experte dans son secteur. L’inconvénient est le manque de flexibilité car le gérant doit investir dans son secteur même lorsque les niveaux de valorisation y sont trop élevés.
Le deuxième modèle, le plus répandu, est le fonds «multi-secteurs». L’équipe d’investissement est partagée en, par exemple, 4 à 5 équipes sectorielles. L’avantage de ce modèle est que ces fonds offriront une meilleure diversification sectorielle que ceux du premier modèle et pourront plus se concentrer sur certains secteurs que d’autres selon l’environnement macro-économique ou les niveaux de valorisations. L’inconvénient comparé au premier modèle est que ce type de gérant multi-secteurs est rarement excellent dans tous les secteurs qu’il couvre: il est typiquement expert dans 1, 2 voire 3 secteurs mais rarement dans tous ses secteurs cibles.
Enfin, on voit émerger depuis un certain temps un troisième modèle que l’on peut appeler «fonds thématiques». Aujourd’hui, la compétition est telle dans les marchés matures du Private Equity que la spécialisation devient plus sous-sectorielle que sectorielle. Ces fonds thématiques développent une dizaine de thèmes d’investissement à long terme qui respectent leurs critères d’investissement. En étudiant chaque thème d’investissement, les professionnels d’investissement développent des expertises sous-sectorielles très fortes. Ils se spécialisent alors dans 2 à 3 sous-secteurs précis dans des secteurs différents. C’est important car un partner de fonds de private equity a toujours envie d’investir. Il aura souvent tendance à pousser pour faire un deal dans son secteur de spécialisation même s’il sait que l’environnement est plus propice à l’investissement dans d’autres secteurs. C’est l’inconvénient du 2ème modèle que cherche à gommer ce troisième modèle suivant lequel un partner pourra, de son plein gré, arbitrer entre les 2 ou 3 sous-secteurs qu’il cible selon l’environnement macro-économique ou les niveaux de valorisation. Ce troisième modèle permet donc une expertise ciblée tout en offrant une flexibilité encore supérieure à celle du 2nd modèle. L’inconvénient de ce troisième modèle est qu’il peut cacher une approche généraliste: seules des due diligences poussées, notamment via entretiens avec les dirigeants de sociétés en portefeuille du fonds thématique, permettront à un investisseur d’évaluer la réelle expertise sous-sectorielle de l’équipe.
Une spécialisation incontournable?
La montée des fonds spécialisés dans le Private Equity est indéniable et semble continuer à s’intensifier, surtout sur les segments de marché compétitifs de l’upper middle market (500 M€ < taille d’entreprise < 1 Md€) et du large cap (taille d’entreprise > 1 Md€) où il parait aujourd’hui essentiel d’être spécialiste. En revanche, sur les segments de marchés inférieurs (small cap, lower mid-market) où la compétition est moindre (mais le risque est supérieur), on trouve encore aujourd’hui beaucoup de fonds généralistes performants même si la tendance y est aussi à la spécialisation.