Premières opportunités d’achat?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Les marchés prévoient une amélioration des rendements, du moins pendant un certain temps.

  • La Federal Reserve (Fed) a entamé son cycle de redressement et les obligations ont affiché des résultats inférieurs à ceux des quatre cycles précédents.
  • A l’avenir, il est possible que les obligations s’améliorent étant donné que les rendements sont plus élevés et que l’évolution historique montre qu’ils vont désormais augmenter.
  • Tout dépend de l’ampleur du redressement décidé par la Fed, ce dernier s’appuyant sur le développement de l’inflation.
  • Nous pourrions certes nous diriger vers des rendements beaucoup plus élevés et d’autres pertes importantes au niveau des titres à rémunération fixe, mais nous partons du fait que les marchés prévoient une amélioration des rendements, du moins pendant un certain temps.
Baisse importante des obligations, à un niveau historique

Le premier trimestre 2022 est pratiquement terminé. En ce qui concerne les marchés d’obligations, ceux-ci se sont déjà moins bien développés que dans les quatre derniers cycles de redressement de la Fed. Dans ce cycle, la baisse par rapport au pic du rendement total des indices enregistré au cours des six mois d’avant la première augmentation du taux d’intérêt était plus importante que dans les années 1994, 1999, 2004 et 2015. La première réaction à l’augmentation du taux d’intérêt était également moins positive. La question que se posent les investisseurs est la suivante: est-ce que c’était trop ou est-ce que d’autres pertes vont suivre au niveau des titres à rémunération fixe?

La situation va- t-elle s’aggraver?

Ce cycle est différent dans la mesure où l’inflation (absolue et par rapport au changement du taux d’inflation) est plus élevée que dans les quatre cycles précédents et où le point de départ des taux directeurs et des rendements obligataires est inférieur. Par conséquent, s’il est prévu d’augmenter les taux d’intérêt jusqu’à ce qu’ils correspondent à l’inflation, nous aurons l’un des marchés baissiers les plus graves. Et si les douze mois à venir sont aussi graves que l’année dernière pour le marché obligataire des Etats-Unis (en tant que représentant des marchés obligataires des pays industriels), les rendements des obligations souveraines des Etats-Unis devront augmenter de 90 à 100 points de base (Bp) supplémentaires. Ce développement ne peut être exclu étant donné qu’aux Etats-Unis et en Europe, les rendements des obligations souveraines n’ont pas encore atteint le niveau d’avant la pandémie. Le marché pourrait un jour aller au-delà de cette évolution. Il est possible que les rendements des obligations des Etats-Unis sur dix ans rejoignent au moins le pic de trois pour cent des dix dernières années ou même atteignent les quatre à cinq pour cent, le niveau d’avant la crise financière mondiale et d’avant les assouplissements quantitatifs (Quantitative Easing, QE).

Ou faut-il compter sur un assouplissement?

Les responsables politiques ne vont pas l’autoriser, surtout si les entreprises ou les pays émergents sont confrontés à une augmentation des défauts de paiement ou si l’endettement de l’état atteint un niveau inquiétant. Du point de vue du marché, il pourrait y avoir des opportunités d’achat du côté des obligations, même s’il faut compter sur une hausse des rendements à moyen terme.

Pouvons-nous voir le pic?

Au cours des trois cycles d’augmentation du taux d’intérêt précédents, les rendements sur dix ans ont atteint leur pic à une valeur égale au maximum du Fed Funds Rate ou presque. Aujourd’hui, le marché annonce un pic de 2,75 pour cent pour le Fed Funds Rate alors que les rendements des obligations des Etats-Unis sur dix ans sont actuellement de 2,36 pour cent. Si le rendement obligataire devait atteindre son maximum à 2,75 pour cent, ceci signifierait une perte de change supplémentaire, comprise entre 2,5 et trois pour cent. Si l’on part d’un certain Carry (si les rendements du marché atteignent leur pic en un an), la perte totale du rendement ne s’élèverait qu’à environ 0,5 pour cent. Ceci repose sur l’hypothèse héroïque que le marché évalue correctement le pic du Fed Funds Rate et que les rendements du marché affichent une évolution comparable (autrement dit, la courbe est entièrement plate à la fin du cycle de redressement). Comme dans tous les cycles antérieurs, les obligations d’entreprise afficheraient un développement plus positif.

Et en Europe?

La situation est similaire en Europe, à la différence près que le début du cycle de redressement est encore lointain. L’écart entre les rendements des obligations souveraines allemandes sur dix ans et le taux d’apport de la Banque centrale européenne (BCE) se situe actuellement à 100 points de base, un niveau jamais plus réalisé depuis 2013. Si l’année prochaine, le taux d’apport devait arriver à zéro ou moins, les rendements des titres à duration moyenne pourront certainement avoir un autre potentiel de hausse, même avec une courbe plus plate. Toutefois, les rendements des catégories à longue duration pourraient devenir peu à peu intéressants pour les investisseurs en Europe qui sont subordonnés à des obligations. Le rendement sur 30 ans du marché français des obligations assimilables du Trésor (OAT) est proche du niveau d’avant la pandémie.

Atterrissage en souplesse ou récession en 2024?

Dans les années 1970 et 1980, les récessions ont commencé avant que la Fed ait décidé de redresser la politique monétaire. Toutefois, l’inflation et les taux d’intérêt étaient alors beaucoup plus élevés et les économies nationales, moins flexibles et moins internationales. Depuis les années 1980, les récessions ont tendance à commencer quelque temps après la dernière augmentation du taux d’intérêt. A l’époque, les responsables politiques étaient d’avis qu’ils avaient réalisé un atterrissage en souplesse. Mais six à 17 mois plus tard, ils devaient faire face à une récession. Etant donné qu’une récession n’est pas encore probable, ceci n’est pas pris en compte dans les pronostics des bénéfices. C’est pourquoi, depuis la hausse du taux d’intérêt décidée par la Fed le 18 mars dernier, les actions ont affiché un développement relativement positif.

Et si les choses changent?

Si l’inflation constitue le facteur dominant du marché, les obligations devraient présenter une sous-performance significativement normalisée. Comparé à la volatilité des obligations observée, la correction du S&P 500 par rapport à sa volatilité historique n’est pas inhabituelle (environ 25 pour cent de l’écart standard des rendements sur six mois pour les actions par rapport à 80 pour cent pour les obligations, au cours des 40 années précédentes). Les rendements obligataires pourraient augmenter encore davantage. Mais en ce qui concerne les pertes, il est possible que nous ayons déjà surmonté le plus dur de la crise. En cas de récession, la situation serait bien différente. Les investisseurs du secteur multi-actifs bénéficieraient alors de rendements obligataires supérieurs étant donné que ces derniers offrent une protection plus efficace par rapport aux revenus des actions que c’était le cas l’année dernière.

Diminution des pertes marginales

Ceci ne signifie pas que la tendance des marchés est «d’acheter». Les perspectives restent si incertaines que les primes de risque supérieures prélevées partout sont justifiables. Néanmoins, les pertes enregistrées pour les obligations étaient très hautes en comparaison avec les années précédentes. Les titres à rémunération fixe fonctionnent de telle manière que pour toute autre augmentation des rendements de dix points de base par rapport au niveau actuel, le rendement global est inférieur au minimum réalisé en août 2021. Ceci est dû au plus haut Carry et à la convexité.

Les prix vont baisser

Sur le court terme, l’inflation va rester élevée et ceci va soutenir les performances des obligations indexées sur l’inflation. Les taux d’intérêt ont un autre potentiel de hausse. Les titres de créance à taux d’intérêt variable constituent donc un élément défensif, certains offrant également un cash flow approprié en raison de leur profil de crédit. Quant aux facteurs plus risqués - la duration, les obligations d’entreprise, les actions - la situation n’est pas encore claire. Des opportunités d’achat se présentent à l’horizon, à court terme ou même sur le long terme. L’obligation souveraine britannique indexée sur l’inflation qui arrivera à échéance en 2073 est proposée à un prix de 25 pour cent inférieur à celui de l’émission. Les obligations caractérisées par un faible cours et un haut coupon, les obligations à haut risque et de qualité supérieure, les actions liées à une croissance des bénéfices et un faible endettement - voilà les opportunités de placement actuelles sur un marché qui, d’un point de vue général, a fourni beaucoup de «valeur». Et il y a longtemps que cela n’avait pas été le cas.

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