Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de titres suisses dans les fonds dits «article 9»?

Sylvain Bornand & Eric Chassot, BCV

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Cette situation ne résulte pas nécessairement du non-engagement de groupes helvétiques dans le domaine de la transition énergétique.

Articles 8 et 9. Pour les spécialistes, la référence ne fait aucun doute, même si elle est appelée à changer. C’est bien d’investissement responsable dont il est question. Ces deux articles de la réglementation européenne de 2021 – Sustainable Finance Disclosure Regulation ou SFDR – encadrent la publication d’informations de durabilité dans la finance et plus particulièrement sur le marché des fonds de placement dans le but d’accroître la transparence et d’éviter l’écoblanchiment.

Si les investisseurs et les investisseuses se retrouvent face à un produit prenant en compte des critères environnementaux, sociaux ou sur la gouvernance (ESG), leur produit répond à l’article 8. S’ils optent pour un produit comprenant des entreprises dotées d’une bonne gouvernance contribuant à un objectif environnemental ou social sans porter préjudice à ces mêmes objectifs, il correspond à l’article 9. Cette différentiation devrait évoluer puisque Bruxelles a mis en consultation jusqu’à mi-décembre 2023 un projet de réglementation visant à affiner la classification des fonds dits durables. Son but est de répondre aux critiques visant le système actuel, qui repose sur ces fameux articles 8 et 9, trop souvent utilisés comme labels alors qu’ils visaient initialement un objectif de transparence. Les propositions de la Commission européenne vont de la création de quatre catégories pour les fonds durables à l’introduction de seuils de durabilité minimaux à respecter.

Cadre mouvant

Le cadre réglementaire est en fait fort mouvant, puisqu’un resserrement des critères de référence a induit nombre de gestionnaires à déclassifier, dès 2022, leurs fonds alors estampillés article 9 en fonds article 8. Ainsi, désormais, seuls quelque 3,5% de la masse totale sous gestion des fonds enregistrés dans l’Union européenne sont labellisés fonds article 9. En nombre, ces derniers ne représentent que 3,7% du total des fonds existants.

De manière générale, les fonds thématiques répondant à l’article 9 investissent avant tout dans les secteurs industriels, technologiques et des services publics.

Si l’on considère l’ensemble des fonds article 9, il est intéressant de relever que 70% d’entre eux sont des fonds en actions. Les véhicules obligataires ne représentent que 30% de l’univers. Autre particularité, ces outils sont très majoritairement gérés de manière active.

En attendant l’issue de la consultation, si une institution suisse veut investir dans un fonds thématique consacré au climat et visant un certain impact, elle a à sa disposition un grand nombre de sociétés de gestion, dont la plupart des géants de la finance. Et, chose étonnante, parmi les plus grands acteurs proposant des fonds labellisés article 9 déposé dans l’Union européenne figurent quelques grands noms de la gestion d’actifs suisse.

Critères non financiers…

Véhicules d’acteurs suisses, mais contiennent-ils des titres suisses pour des investisseurs ou investisseuses désirant respecter leur part allouée au marché rouge à croix blanche? Le constat est malheureusement assez rapidement dressé, le nombre de titres suisses se faisant plutôt rare. Cette situation ne résulte pas nécessairement du non-engagement de groupes suisses dans le domaine de la transition énergétique. Elle dépend en fait des critères choisis par l’entité structurante du fonds et de sa manière d’interpréter l’article 9. Il n’y a en effet actuellement pas d’uniformité dans l’application des filtres retenus.

Souvent, les titres sont choisis en fonction du périmètre d’expression du thème, du pourcentage du chiffre d’affaires réalisé dans le thème, par exemple dans les énergies renouvelables, ou, a contrario, du pourcentage du chiffre d’affaires réalisé dans des secteurs nuisibles au thème, comme une trop forte activité liée aux énergies fossiles, qui exclut une entreprise. La présence ou non de titres financiers dans un fonds estampillé durable fait également débat. Ainsi, de manière générale, les fonds thématiques répondant à l’article 9 investissent avant tout dans les secteurs industriels, technologiques et des services publics.

… et financiers

Certaines entreprises suisses répondent aux principaux critères, mais elles n’ont souvent pas la taille suffisante pour entrer dans la composition d’un fonds ou leurs titres ne sont pas suffisamment liquides pour répondre aux autres critères de sélections, eux, financiers. Certains se retrouvent pourtant dans des fonds dits article 9. Parmi les titres suisses les plus souvent présents, nous retrouvons ABB, Belimo, Gurit et Meyer Burger. Les titres pharmaceutiques apparaissent, parfois, eux dans des fonds à vocation sociale.

Il est bien sûr trop tôt pour mesurer l’impact des changements réglementaires potentiels sur la composition «suisse» de ces fonds, reste qu’ils n’influenceront pas les purs critères financiers, comme la liquidité ou la taille. En revanche, toute modification de la notation des entreprises suisses cotées, indispensable pour être éligible, sera prise en compte.

Sélection cruciale

Pour les investisseurs et les investisseuses, la notion de diversification– et donc une certaine mitigation du risque – prend une autre dimension lorsqu’il s’agit d’ajouter des fonds article 9 dans un portefeuille. Car l’univers considéré est plus restreint que pour les fonds article 8 par exemple, sans même parler d’indices plus larges. La qualité de la sélection devient alors cruciale. Et les investisseurs et les investisseuses de comprendre que ces produits constituent généralement des poches pour améliorer le profil ESG d’un portefeuille.

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