Pour une dette européenne commune

Nicolas Forest, Candriam

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A l’heure où le monde s’avance dans une phase de déconfinement sanitaire, comment penser l’avenir de la politique monétaire et budgétaire en Europe?

Qui paiera la dette? Même en ces temps obscurs, cet appel au réalisme le plus plat pourrait ne pas être aussi incongru qu’il n’y paraît, tant la dette des Etats a dérapé en quelques mois seulement. Du déconfinement de la population au déconfinement de la dette, l’inquiétude est la même.  

Aujourd’hui, à l’heure où le monde s’avance dans une phase de déconfinement sanitaire, comment penser l’avenir de la politique monétaire et budgétaire en Europe? Comment être encore une zone monétaire unie avec une dette italienne représentant le double de la dette allemande? Devons-nous revenir au modèle «d’avant»? Relancer le tourisme de masse, la globalisation extrême, la production incontrôlée et les investissements dans le pétrole? Devons-nous respecter à nouveau les critères de Maastricht et exiger des Italiens l’austérité budgétaire pour prix de leur combat contre l’épidémie?

Ces deux prochaines années, les écarts de dette entre les pays de la zone euro vont s’accroître – on parle d’écarts pouvant atteindre 100%. Les pays les plus touchés par le virus – l’Italie, la France ou l’Espagne – sont ceux qui ont appliqué la politique de confinement la plus dure, et par extension ceux dont la dette a le plus gonflé. A l’inverse, l’Allemagne a été moins touchée et semble mieux orientée pour un rebond.

L’un des enjeux majeurs du dé-confinement
sera le traitement des inégalités.

Quelles options, dès lors, pour gérer le surcroît de dette? Nous en voyons quatre.

  1. Diminuer les déficits et demander l’austérité aux pays pauvres. Cette option n’est pas seulement politiquement et moralement compliquée; elle est aussi  économiquement dangereuse. L’exemple grec a démontré que l’austérité pouvait paradoxalement être plus néfaste que positive pour les dépenses publiques.
  2. Créer de la croissance nominale et donc de l’inflation. Très facile à dire… et très difficile à faire, compte tenu de la démographie et de la productivité en Europe. Alors que les taux d’épargne sont au plus haut, le rebond de l’inflation semble peu probable à court terme.
  3. Rééchelonner les dettes trop élevées. Cette option pourrait certes faire baisser les ratios de dette, mais nécessiterait de demander aux banques et aux ménages, dont l’épargne est largement investie dans les dettes gouvernementales, de mettre la main au portefeuille... Un tel rééchelonnement serait en outre dramatique pour la pérennité politique de la zone euro.
  4. Mutualiser de la dette. C’est – de très loin, selon nous – l’option la plus à même d’avoir des effets positifs sur le long terme. La création d’Euro Bonds permettrait de rendre la zone euro irréversible et de créer de nouvelles marges de manœuvre budgétaires. Cette dette pourrait être gérée selon un système à double étage: un étage national géré par les gouvernements pour les dépenses du pays et un étage européen pour les nouvelles dépenses liées à la pandémie mais aussi pour de nouvelles dépenses communes structurelles, comme par exemple la politique climatique ou migratoire.

L’un des enjeux majeurs du dé-confinement sera le traitement des inégalités. Si les gouvernements s’acharnent à faire payer aux Etats les plus pauvres et les plus touchés les conséquences de cette nouvelle dette, ils renforceront un état de fait contre lequel nous devons lutter de toutes nos forces – rappelons que les richesses des 1 % les plus riches de la planète correspondent à plus de deux fois la richesse de 7 milliards de personnes –, et favoriseront l’arrivée au pouvoir des populismes.

Par ailleurs, sans mutualisation de la dette, le retour à l’austérité budgétaire des pays européens mettra immanquablement la zone euro et la dette européenne en danger. Avec le risque de revenir aux vagues de défaut des années 1930, conséquences tragiques du leitmotiv de Versailles «l’Allemagne paiera» aux conséquences politiques ultérieures plus graves encore.

Le principal risque, aujourd’hui, est de ne rien changer. Un autre modèle est possible.

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