Place à un nouvel ordre économique

Anne Barrat

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À l’unisson, les experts de J.P. Morgan AM écartent les craintes d’un retour à l’austérité et annoncent le triomphe d’une finance durable.

De gauche à droite: Karen Ward, Vincent Juvyns, Tilmann Galler et Paola Toschi.

Réunis à l’occasion du JP Morgan Asset Management European Summit 2022 qui s’est tenu cette semaine à Londres, les stratégistes de l’institution éponyme, dont le CEO EMEA Patrick Thomson rappelait mercredi l’identité fondamentalement conservatrice ancrée dans une histoire commencée en 1799, ont fait le point sur les grandes tendances macro-économiques pour la décennie à venir et leurs implications sur les stratégies d’investissement.

«Nous entrons dans un nouvel ordre économique, avec, durablement, plus d’inflation – elle a atteint un niveau record sur les 40 dernières années –, et des taux d’intérêt plus élevés. La question est de savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire. Notre réponse, explique Karen Ward Chief Market Strategist EMEA de JP Morgan AM est que, à condition de regarder au-delà d’un horizon d’investissement à court terme assombri par trois enjeux majeurs que sont la crise en Ukraine, le regain de COVID en Chine et le cauchemar des banques centrales, un optimiste, prudent, est de mise pour les années à venir.» Trois enjeux dont les impacts sont en grande partie déjà intégrés dans les cours des marchés et qui, à moyen terme, devraient céder le pas à un environnement moins volatil et favorable à un regain de la contribution du Fixed Income dans la traditionnelle allocation 60/40 qui avait vu la dernière décennie marquée par un déséquilibre au profit des actions.

Un optimismes prudent

La crise ukrainienne, d’abord. Bien sûr, elle a changé la donne. «Le 24 février a renversé l’optimisme qui dominait en début d’année quant à la croissance en Europe, reconnaît Vincent Juvyns, Global Market Strategist. «Ce drame, avant tout humain a profondément sapé la confiance des consommateurs européens, mais leurs dépenses demeurent soutenues grâce à l’épargne accumulée pendant la pandémie.» L'inflation augmentera aussi longtemps que la crise énergétique durera, qui provoque des revendications salariales alimentant le cercle vicieux inflationniste. Mais, face à l’arme massive que possède la Russie vis-à-vis de l’Europe, qui lui importe 38% de son gaz, 23% de son pétrole, 28% de ses engrais, et 6% de son blé, cette dernière peut opposer une gouvernance solidifiée par le rallye sur la transition énergétique: «Contrairement à ce qui s’est passé lors de la crise financière de 2008, l’Europe est aujourd’hui plus forte d’un point de vue institutionnel, bien décidée à relever à 27 le défi climatique. Cette unité se traduit par un renoncement aux revendications d’austérité budgétaire poussées par certains États membres, nordiques, Allemagne et Pays-Bas, ainsi que par un consensus sur des politiques fiscales favorables à la mise en œuvre d’infrastructures en énergies renouvelables et à la transition énergétique.» Une fois le conflit résolu, l’Europe offrira de belles opportunités dans les green et cleantechs notamment, donc la Chine ne saurait conserver le monopole.

Contrairement à ce qui s’est passé lors de la crise financière de 2008, l’Europe est aujourd’hui plus forte d’un point de vue institutionnel, bien décidée à relever à 27 le défi climatique.

Du côté de la Chine justement, la politique de Zéro COVID a achevé de tuer un momentum déjà mis à mal par l’annonce de réglementations restrictives applicables aux secteurs des Techs en fin d’année dernière puis par le resserrement de la politique fiscale. «Le variant Omicron de la pandémie de COVID et la mise en œuvre stricte des confinements ont brisé la perception de l'invincibilité économique chinoise, commente Tilmann Galler, Global Market Strategist. Sa capacité à rebondir dépendra en grande partie du succès de sa campagne vaccinale puisqu'elle permet de passer du zéro COVID à une stratégie « vivre » avec le COVID. La suppression trop rapide des restrictions risque de submerger le système de santé. La croissance du crédit , indicateur fiable de la santé économique, semble se redresser grâce à une politique budgétaire et monétaire plus accommodante.» La banque centrale chinoise aura donc un rôle crucial à jouer dans le réveil de la Chine. Elle a pour ce faire une marge de manœuvre bien plus grande que ses consœurs occidentales,

Les banques centrales, parlons-en, explique Paola Toschi, Global Market Strategist: «Après une longue période d'inaction, les banques centrales sont devenues plus agressives cette année pour lutter contre une inflation élevée et croissante et pour ancrer les anticipations d'inflation. Ce n'est pas la première fois que les marchés sont trop pessimistes dans leurs prévisions de risques excessifs de récession en raison de la hausse des taux directeurs. Si l'inflation et la dynamique économique commencent à s'estomper, elles pourraient être moins agressives que ne le pensent les marchés dans la seconde partie de l'année.» Pour le plus grand bonheur des marchés obligataires.

Le grand retour du Fixed Income?

L'obligataire reviendra au premier plan comme élément de diversification d’un portefeuille équilibré prédisent les stratégistes de JP Morgan AM. En même temps que les actions value remplacent les actions growth, notamment ces valeurs très prometteuses mais non (ou pas encore) rentables qui ont fait rêver les investisseurs, les obligations, des pays émergents notamment, reviendront en force dans la construction de stratégies durables, à la une de la prochaine décennie.

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