A petits spreads, grands risques

George Curtis, TwentyFour AM

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En ce début 2020, ne nous soumettez pas à la tentation du rendement et délivrez-nous de l’appétit pour une dette européenne trop spéculative.

© Keystone

Depuis le début de l’année, les marchés européens du crédit sont soumis à de fortes pressions sur le plan technique. Ils ont en effet connu leur plus gros volume hebdomadaire jamais enregistré. Les quelque 100 milliards d’euros proposés sur le marché en une semaine ont pu être facilement placés, car malgré le resserrement considérable des spreads par rapport à la même période de l’année passée, la demande reste extrêmement soutenue.  

L’apaisement des tensions entre l’Iran et les Etats-Unis et la signature de la première phase de l’accord commercial sino-américain ont amené les émetteurs à lancer de nouvelles opérations pour tirer parti de l’effervescence du marché ainsi que des liquidités des investisseurs en attente de placement.  

L’activité s’est déployée sur différents secteurs, et notamment l’industrie, la chimie, les biens de consommation ainsi que les émetteurs supranationaux. On a même vu des acteurs de l’immobilier chinois procéder à des opérations transfrontalières. Cependant, les plus gros volumes sont venus du secteur financier.

L’émission a été dix fois sursouscrite, représentant
un carnet d’ordres de 4,1 milliards d’euros.
Le marché sourit aux opportunistes

L’extrême facilité avec laquelle certains émetteurs opportunistes ont pu réaliser leurs opérations a eu de quoi surprendre. Banco BPM, l’entité issue de la fusion des deux banques régionales italiennes, Banco Popolare et Banco Popolare di Milano en 2017, affiche un taux de créances douteuses très élevé alors que son ratio de fonds propres de première catégorie (CET1) paraît relativement faible, notamment au vu de l’état avancé du cycle économique. Mardi dernier, cette banque a cependant réussi à émettre des obligations subordonnées perpétuelles (AT1) pour un montant nominal de 400 millions d’euros. Elles ont été proposées à un prix inférieur de 50 points de base à celui initialement prévu, et l’émission a été dix fois sursouscrite, représentant un carnet d’ordres de 4,1 milliards d’euros.

Dans la même veine, on relèvera l’émission par la Banca Monte dei Paschi di Siena de 400 millions d’euros d’obligations subordonnées Tier 2 notées CCC+. Offrant un coupon annuel de 8%, elle a été sursouscrite 2,3 fois. Or, il convient de rappeler que lors des tests de résistance de 2016 qui ont amené la Banque centrale européenne à déclarer que la Banco Popular était « susceptible de faire faillite » (et a ensuite été rachetée par Santander en 2017 pour la somme d’un euro), Monte Dei Paschi s’est nettement moins bien comportée et n’a finalement pu être sauvée que grâce à une injection de capitaux de l’État italien.

La marge d’erreur est devenue infime

Nous avons à plusieurs reprises mentionné l’importance d’éviter les «mauvaises surprises» à venir et cet avertissement est devenu d’autant plus pertinent aujourd’hui que les rendements se sont fortement resserrés par rapport à la même période l’année dernière: sur le haut rendement européen, l’année 2019 avait démarré avec des rendements supérieurs de quelque 210 points de base à ce qu’ils sont aujourd’hui. Par conséquent, la marge d’erreur s’est nettement amenuisée alors que l’offre des émetteurs opportunistes est particulièrement abondante.

Dans un tel contexte, la meilleure façon de se protéger est de continuer à privilégier la partie courte de la courbe, notamment en raison de la faiblesse de sa pente. Il convient également de ne pas céder à la tentation d’aller chercher les rendements plus élevés offerts par des emprunts spéculatifs, et ce malgré la forte demande observée actuellement sur le marché.

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