Perspectives pour 2023: du potentiel dans les obligations, le doute sur les actions

Communiqué, AXA Investment Managers

6 minutes de lecture

Nous devrions avoir laissé derrière nous le gros de la hausse du taux d’inflation, et en nous projetant un peu dans l’avenir, nous voyons que les taux d’intérêt ont passé en zone de restriction.

  • Concernant les obligations, l’extrémité courte de la courbe des rendements semble la plus attrayante, et les obligations d’entreprises à courte échéance présentent le meilleur rapport rendement/risque.
  • Dans l’ensemble, il subsiste cependant de nombreuses incertitudes. Par conséquent, les actions pourraient bien aller titiller leur cote la plus basse du début de l’année. Une mentalité «buy-the-dip» est néanmoins également envisageable.
  • Il serait souhaitable que nous nous remettions sur la voie d’une croissance économique durable.
Inflation: le point culminant est franchi

Le temps de l’inflation galopante touche à sa fin. Cela ne signifie pas pour autant que le niveau général des prix ne continuera pas de monter – car il le fera, mais, espérons-le, à un rythme moins soutenu. Les données chiffrées d’octobre et de novembre montrent que dans plusieurs pays, l’inflation a déjà atteint un pic. Si la hausse mensuelle de l’indice des prix à la consommation est conforme à la moyenne historique d’ici fin 2023, l’inflation globale pourrait même redescendre à 2 ou 3% aux États-Unis. La projection de la désinflation aiguillonne déjà les marchés et continuera à le faire, indépendamment de ce qu’indique la courbe de Phillips - produit de la théorie selon laquelle il existe un rapport direct et stable entre l’inflation et le chômage, sauf qu’il serait inversé.

Où doit se situer le bon taux directeur?

En fixant les taux d’intérêt et en utilisant leurs bilans, les banques centrales tentent d’influencer la demande globale afin d’atteindre leurs objectifs dans la lutte contre l’inflation. Le 14 décembre, la Réserve fédérale américaine (Fed) a ainsi porté son taux d’intérêt au jour le jour à 4,5%, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre (BoE) ont relevé leurs taux à respectivement 2 et 3,5% le lendemain. Les banques centrales veulent porter les taux d’intérêt à un niveau tel qu’il ait un impact négatif sur les emprunts (les poussant donc dans une zone restrictive). Le problème: elles ne savent pas précisément où se situe ce niveau.

Les taux d’intérêt doivent baisser

Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a réitéré son message selon lequel la Fed maintiendra une position restrictive jusqu’à ce que l’inflation soit nettement affaiblie. Or, le marché en doute, raison pour laquelle la courbe de rendement est inversée. Le marché ne croit tout simplement pas que la Fed puisse, pendant une période prolongée, maintenir le taux au jour le jour à un niveau deux fois plus élevé que le taux d’équilibre à long terme. Qui plus est, dans un contexte de recul de l’inflation et de récession attendue de façon quasiment unanime - le marché ferait-il fausse route?

Si l’inflation continue de baisser et que la croissance ralentit, il est probable que la Fed se verra contrainte de changer de cap l’année prochaine. Bien entendu, les données pourraient prendre à nouveau une autre direction. Cependant, si Powell reste fidèle à son discours et que la Fed continue d’employer la rhétorique comme moyen de resserrement supplémentaire, le marché accentuera progressivement la probabilité que la Fed s’enferre dans une erreur politique.

Nous prévoyons que les taux d’intérêt seront très bientôt en zone de restriction

Les pressions inflationnistes s’atténuent dans le monde entier et la demande mondiale est sous pression, notamment parce que les revenus réels ont été malmenés par la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Les taux d’intérêt à court terme sont encore inférieurs au taux d’inflation actuel (quoiqu’en baisse), mais ils pourraient très bientôt se trouver en zone positive si nous nous appuyons sur une analyse prospective. Sur l’inflation américaine de 2023, le consensus Bloomberg se situe autour de 4,3%, mais dans douze mois, le taux annuel pourrait déjà être inférieur à cela. Le taux des fed funds se situe aujourd’hui entre 4,25 et 4,5%. Les taux d’intérêt évoluent déjà dans la zone de restriction, l’inflation s’amenuise et des risques de baisse menacent la croissance.

Le marché obligataire restera attrayant en 2023

En ce qui concerne les titres à revenu fixe, nous restons optimistes pour 2023. C’est l’extrémité courte de la courbe des rendements qui offre la plus grande valeur. Le meilleur rapport risque/rendement se trouve dans les obligations d’entreprises à courte échéance, car les rendements sont attrayants par rapport à la duration et au risque de crédit encouru. Quand on regarde le moyen terme, les primes de risque des obligations d’entreprises se situent assez précisément au milieu de la fourchette attendue. Certes, on pourrait objecter qu’elles devraient être plus élevées au regard de la récession qui s’annonce. Il semble toutefois que, fondamentalement, les entreprises se portent plutôt bien. On peut même dire que, dans l’ensemble, les entreprises à haut rendement sont également attrayantes sur le plan obligataire. Les rendements sont élevés, les cours sont bas et le risque de défaillance est plus faible que lors des précédents ralentissements économiques.

L’évolution du marché des actions est en revanche moins claire

Les plafonds atteints par l’inflation et les taux d’intérêt, ainsi que la réouverture de la Chine, sont des signaux positifs pour les marchés boursiers. La flambée du quatrième trimestre a été impressionnante, surtout au regard d’une récession imminente et de la baisse des bénéfices. Difficile de dire si nous avons dépassé le point le plus bas dans les marchés des actions. Les valorisations ne sont pas vraiment favorables, et si les bénéfices à venir devaient s’amenuiser, cela entraînerait probablement une baisse du cours des actions. Le marché de l’emploi demeure un facteur décisif. Cette année, les revenus réels ont connu une forte baisse, mais le chômage reste faible. Si ce dernier augmente - ce qui semble être un objectif que les banques centrales se sont fixé de manière inopportune -, cela pourrait entraîner une nouvelle baisse des dépenses. Il y a un an, les marchés étaient mieux valorisés et les relèvements de taux n’avaient pas encore commencé. L’inflation n’affichait qu’une hausse minime et nous n’étions pas encore confrontés à la crise ukrainienne. Nombreux sont les facteurs qui, entre-temps, ont fait déraper les machés boursiers. Les cotes les plus basses du début d’année pourraient être défiées, mais nous estimons qu’une mentalité ‘buy-the-dip’ pourrait finir par s’imposer.

Se focaliser à nouveau sur le thème de la durabilité

Il serait toutefois souhaitable que les investisseurs se concentrent à nouveau sur l’aspect de la durabilité. Les investissements responsables doivent contribuer à la croissance économique – et générer par conséquent un rendement financier – tout en minimisant les coûts que cela fait porter à l’environnement et à la société. Bien des progrès ont été réalisés ces dernières années, mais il est à supposer que nous n’en sommes qu’au tout début, tant sont encore nombreuses les activités économiques qui engendrent des frais externes. Nous sommes en mesure d’en identifier certaines, et de définir leur prix, mais pas toutes. Les trois dernières années n’ont pas été bonnes en termes d’équilibre entre l’activité économique et la vulnérabilité de la vie face aux chocs externes.

Même en matière d’énergie - un domaine sur lequel se portent actuellement tous les regards – il reste encore un long chemin à parcourir. Depuis 1965, la consommation d’énergie a augmenté de 0,75% pour chaque accroissement de 1% du produit intérieur brut (PIB) mondial. Les gains d’efficacité énergétique sont si nets que depuis 1990, ce taux est même tombé à 0,65%. Ce recul se poursuivra, mais la demande mondiale d’énergie continue d’augmenter, à un rythme moyen de 1,6% depuis 1990. Comme les deux tiers de la consommation d’énergie reposent encore sur les combustibles fossiles, la consommation globale de pétrole, de gaz et de charbon continue d’augmenter, impliquant ainsi l’émission d’énormes quantités de carbone. Et ce, alors que nous sommes aujourd’hui en mesure de déterminer le prix total du carbone, ce qui rend la production d’énergie traditionnelle moins compétitive par rapport aux énergies renouvelables. Dans la production totale d’énergie, la part de ces dernières n’est toujours que d’environ 15%.

Énergies renouvelables

Plus les nouvelles technologies se développeront et deviendront évolutives, plus la transition énergétique gagnera en force de persuasion comme thème d’investissement. L’hydrogène vert, par exemple, est une technologie qui n’en est qu’à ses débuts et qui pourrait s’avérer précieuse pour le transport longue distance et les processus industriels à forte consommation d’énergie. Les opportunités d’investissement sont innombrables. Il en va de même pour de nombreuses autres technologies telles que le piégeage du carbone (y compris les solutions intégrant le milieu naturel), ainsi que les diverses technologies qui contribuent à réaliser une meilleure efficacité énergétique. Plus elles seront évolutives, moins l’énergie sera chère et plus la croissance économique sera durable. Toutes les entreprises en profiteront. À court terme, une baisse des prix de l’énergie pourrait donner un coup de fouet à l’ensemble des secteurs industriels sur le marché des actions.

On est désormais capable de calculer le prix du carbone, celui de l’érosion des sols est plus difficile à déterminer

En tant que concept d’investissement, la biodiversité est un sujet aussi important que celui du climat, mais il est plus difficile de mesurer et d’évaluer les répercussions complexes des activités économiques sur les terres et les océans. La communauté mondiale a besoin d’un cadre solide pour évaluer ce qui met en danger la biodiversité, et les travaux qui vont dans ce sens progressent bien. Mais nous avons également besoin d’informations complètes et transparentes, d’une politique plus ciblée et d’une prise de conscience quant au fait que des choses fondamentales doivent changer dans notre mode de vie. En raison de l’intensité de l’agriculture et de son impact négatif en termes d’utilisation des terres, de ressources en eau et d’émissions, l’alimentation est un domaine prioritaire majeur. Mais sans des mesures éducatives et politiques appropriées, il est illusoire de vouloir obtenir des changements significatifs dans ce domaine. Il n’est pas possible de prendre des décisions de consommation et d’investissement pertinentes si l’on ne bénéficie pas d’une plus grande transparence sur l’origine des denrées alimentaires et leurs effets sur la santé.

L’énergie propre et renouvelable profite à la société en réduisant les coûts et les dommages environnementaux. Des aliments sains, produits selon des méthodes durables, profitent à la collectivité en réduisant (potentiellement) non seulement les coûts directs de l’alimentation, mais également ses effets négatifs sur la santé sociale et les coûts que cela engendre. Voilà les utopies dont participe une transformation de notre système économique en un modèle plus durable. Les investisseurs ne peuvent pas y parvenir seuls, et il y a un gros travail à fournir du moment que l’on cherche à déterminer les bons indicateurs, à satisfaire aux exigences légales et à atteindre le bon niveau de transparence et d’engagement avec les entreprises dont les activités pourraient générer des coûts externes négatifs. Mais nous devons continuer à consentir cet effort.

De nombreuses incertitudes subsistent

L’évolution des événements en Ukraine, et la question adjacente de la place que doit occuper la Russie au sein de la communauté internationale, constituent de sérieux impondérables. Ni un dénouement militaire, ni une solution négociée ne sont en vue à l’heure actuelle. Un autre aspect impondérable: la situation en Chine et les conséquences de sa réouverture à tout va. Si la Chine devait continuer sur cette voie, cela aurait des répercussions sur la croissance mondiale et l’inflation. Les actions chinoises pourraient particulièrement bien se comporter dans un tel scénario. Les marchés du travail constituent une autre source d’incertitude. On entend dire de toutes parts qu’il règne une pénurie de main-d’oeuvre. Les taux de chômage officiels sont faibles. Ne sont-ils pas un moteur potentiel pour une inflation future? Dans le même temps, il existe un problème d’immigration, car une partie de la population cherche à fuir des régions politiquement et économiquement difficiles. En Europe principalement, les responsables politiques doivent tenter de résoudre cette quadrature du cercle, sinon nous ne parviendrons pas à optimiser le modèle économique. Un système économique durable se doit en effet d’utiliser les ressources de la manière la plus efficace possible.

A lire aussi...