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L'Italie devient un nouveau fardeau pour la zone euro.

Alors que les chiffres du PIB pour le premier trimestre devraient présager la semaine prochaine que l'économie suisse continue sur sa voie de reprise, la série d'indicateurs conjoncturels affaiblis dans la zone euro s'est poursuivie cette semaine. Les indices des directeurs d'achat se sont encore assombris en mai. L'indice du secteur manufacturier s'établit à 55,5 points (56,2 le mois précédent) et celui du secteur des services fléchit de 54,7 à 53,9 points.

Le recul de la locomotive de l'union monétaire est encore plus décevant: l'indice des directeurs d'achat pour le secteur manufacturier en Allemagne passe de 58,1 à 56,8 points –  le niveau le plus bas en 15 mois.  

Conjuguées aux incertitudes accrues entourant le nouveau gouvernement italien, ces données économiques ont récemment provoqué des pressions à la baisse sur l'euro. La monnaie commune s'est fortement dépréciée, notamment par rapport au CHF. Preuve que le CHF continue de servir de refuge en cas de troubles dans l'union monétaire.

«Le CHF reste fidèle à sa réputation de valeur refuge contrairement à l'or,
qui pâtit des attentes toujours optimistes concernant les taux.»

A notre avis, la tendance haussière de l'EUR/CHF devrait se poursuivre à moyen et long terme, mais on ne peut exclure que l'euro reste sous pression pour le moment. Même si la situation en Italie devrait déjà être largement intégrée aux cours, les impulsions positives pour l'euro se font rares au vu du calendrier des données clairsemées. Au cours des semaines à venir, on saura sur la base des dépôts à vue des banques suisses, si la BNS estime nécessaire d'intervenir à des niveaux proches du taux de change actuel de l'EUR/CHF.

Certes, le CHF reste fidèle à sa réputation de valeur refuge. L'or, par contre, non: le métal jaune pâtit des attentes toujours optimistes concernant les taux. En plus, la Fed n'entend pas démordre de la normalisation progressive des taux: c'est ce qui ressort clairement de son dernier procès-verbal. La plupart des autorités monétaires américaines pensent toujours qu'une nouvelle hausse prochaine (en juin) du taux directeur sera appropriée.

A cet égard, le cours emprunté par la Fed demeure inchangé. Reste à savoir si face aux difficultés avec l'Italie, la BCE sera désormais encore plus hésitante à effectuer une première hausse des taux. En tout cas, les anticipations des marchés concernant les taux ont déjà légèrement fléchi de nouveau: alors que la probabilité implicite sur les marchés à terme de voir une première hausse des taux pour avril 2019 semblait réelle ily a un mois, une telle mesure n'est à présent vraisemblable qu'à partir de juin l'an prochain. Cette perspective d'un contexte de faibles taux potentiellement durables est sans doute aussi l'une des raisons pourquoi les actions européennes se sont mieux redressées du creux  de mars que leurs homologues aux USA, en dépit de données économiques plus moroses.

Graphique de la semaine

Indices des actions, indexés (100 = 26.03.2018)

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen
Gros plan: l'Italie devient un nouveau fardeau pour la zone euro

L'assombrissement continu des indicateurs économiques européens survient à un moment très inopportun. En effet, les incertitudes politiques ont de nouveau augmenté en Europe. Car en Italie, la future coalition gouvernementale issue du mouvement euro-critique 5 étoiles et du populiste de droite Lega menace de concocter de considérables désagréments pour l'UE et la zone euro. En effet, les plans des partenaires de la coalition intègrent beaucoup plus de dépenses (notamment un revenu de base financé par l'Etat et un départ à la retraite à un âge inférieur) ainsi que des réductions d'impôt (on parle d'une taxe forfaitaire de 15 à 20%). Et ce, malgré le fait que l'Italie ait la dette brute la plus élevée de la zone euro avec 132% du PIB, derrière la Grèce.

Le gouvernement désigné de la troisième plus grande économie de la zone euro promet ainsi de l'argent que l'Etat italien n'a pas, et il coupe des revenus dont il a désespérément besoin. Par conséquent, il n'est pas surprenant que la prime de risque des obligations d'Etat italiennes soit montée en flèche.

Explosion de la majoration pour risque en Italie

Obligations d'Etat italiennes à 10 ans - Bund, en pb

Sources: Bloomberg, Investment Office du Groupe Raiffeisen

Même avant que le gouvernement italien ne soit officiellement en fonction, le cours qu'il a emprunté a fait surgir de nouvelles craintes au sein de la zone euro. Le pire scénario est sans doute lié au danger renouvelé d'un démantèlement de la zone euro. Si l'Italie – pour parler franchement – fonçait à plein régime vers l'abîme financier, son isolement, comme ce fut le cas pour la Grèce, serait presque impossible en raison de sa taille économique. Et même sans finir en réel effondrement financier, la confrontation à Bruxelles a déjà causé d'importants dégâts dont la véritable ampleur ne se verra que dans les semaines à venir. En effet, les partis de la coalition ne se disent même pas attachés pour la forme aux principes des critères de Maastricht qui prévoient pour les pays de la zone euro, un plafond de la dette à 60% et un déficit budgétaire de maximum 3% du PIB par an. «L'Italie d'abord» est la réplique concise et autoritaire qu'a Salvlini, le chef de la Lega, quand on lui parle des critères de convergence du Traité de Maastricht. Et son homologue dans le mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, suggère que ces limites soient réexaminées. Un ton un peu plus conciliant, mais également impitoyable en la matière.

Maastricht: n'intéresse pas (non plus) l'Italie

Dettes publiques dans la zone euro, en % du PIB (en 2016)

Sources: FMI, Investment Office du Groupe Raiffeisen

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que Bruxelles soit en train de perdre l'espoir de parvenir, lors du sommet de l'UE fin juin, à un accord ou au moins à un plus petit dénominateur commun dans les réformes ciblées de la zone euro. Car avec les développements actuels en Italie, l'Allemagne notamment devrait voir ses craintes confirmées que les transgressions (délibérées) d'autres Etats de la zone euro devront être aplanies grâce aux milliards d'impôts allemands.

Il semble qu'après les élections sans accroc en France et aux Pays-Bas, la situation dans la zone euro ne se soit calmée que temporairement. Il reste à espérer qu'il ne s'agisse là du calme avant la tempête, comme le dit si bien le proverbe.

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