Perspectives de la BCE: une évaluation conjointe globale

Konstantin Veit, Pimco

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Les conclusions en matière de révision iront probablement vers une accomodation sur long terme et une formalisation des instruments de politique monétaire auparavant non conventionnels.

La BCE se réunira mardi, et nous n’attendons aucun grand changement concernant la politique monétaire. Le conseil des gouverneurs se concertera sur le rythme du programme de rachats d’actifs d’urgence lié à la pandémie (PEPP) d’après les dernières projections macroéconomiques trimestrielles. A l’heure actuelle, les acquisitions de la BCE réalisées dans le cadre du PEPP s’élèvent à 80 milliards d'euros par mois et à 20 milliards d'euros pour les programmes d’achats d’actifs normaux. Nous nous attendons à ce que cette orientation soit maintenue dans le trimestre suivant. Au regard des considérations saisonnières, la BCE pourra éventuellement décider d’envisager un rythme d’achats PEPP un peu plus bas, mais nous ne nous attendons pas à ce qu’elle décide une diminution du soutien concernant les flux financiers. La BCE estime suffisante la configuration actuelle des mesures mises en œuvre pour soutenir la politique monétaire, ce qui n’est pas facile à concilier avec une inflation IPCH de 1,4% avancée par les prévisionnistes de la BCE pour 2023, un chiffre qui ne sera probablement pas revu la semaine prochaine.

Incidence sur les investissements

Les politiques de la BCE soutiennent les actifs à risque européens mais selon les évaluations actuelles, nous voyons peu de possibilités pour la compression importante des marges, les risques concernant la prévision macroéconomique restant élevés et un régime de haute prépondérance fiscale, irréalisable.

Complément

Nouvelles projections des prévisionnistes

La pratique concernant la formulation d’une évaluation conjointe globale de l’état des conditions de financement actuelles par rapport aux perspectives d’inflation dans les réunions au cours desquelles les nouvelles projections des prévisionnistes seront rendues publiques, fait de la session de juin l’une des réunions les plus intéressantes, étant donné que le résultat de cette évaluation définira le rythme de rachat PEPP pour le trimestre à venir. Dans ses dernières prévisions, la Commission Européenne (CE) a revu ses perspectives de croissance pour 2021 et 2022, avec respectivement 4,3% et 4,4%. Les révisions concernant les prévisions économiques de la CE constituent souvent des indicateurs importants qui mettent à jour les perspectives émises par les prévisionnistes de la BCE, et nous nous attendons à voir des mises à jour similaires pour les perspectives de la BCE, alors que la croissance restera probablement inchangée en 2023.

Les risques qui entourent les prévisions en matière de croissance sur le court terme sont actuellement considérés comme étant toujours à la baisse, et nous croyons qu’il y a une chance que la BCE revoie cette évaluation vers une position plus équilibrée, en accord avec l’évaluation du risque sur le moyen terme. Surtout en ce qui concerne l’inflation, alors que l’évaluation du prix du marché, avec des données légèrement plus élevées qu’attendu, entraînera probablement une légère hausse de l’évaluation des perspectives pour 2021, l’horizon de prévision restera probablement le même avec une évaluation de l’inflation IPCH inchangée pour 2023, avec une valeur très probable de 1,4%. A l’heure actuelle, l’inflation dans la zone euro est pratiquement entièrement sous l’influence du prix de l’énergie, et il n’y a aucun signe de résiliation durable des pressions sous-jacentes exercées sur les prix. Même face à une faible révision à la hausse, la BCE continuera à projeter une réaction nettement inférieure aux attentes face à l’objectif de stabilité des prix pour l’horizon politique pertinent.

Stratégie actuelle

La direction de la BCE a souvent déclaré que son objectif est de préserver des conditions d’emprunt favorables, pendant toute la durée de la pandémie. Contrairement à la Banque du Japon avec son objectif de rendement de 0% associé à des frais d’emprunt souverain sur 10 ans, la BCE déclare seulement que pour garantir des conditions de financement favorables, il faut choisir une approche holistique et multidimensionnelle. Elle considère qu’il s’agit là d’un objectif intermédiaire nécessaire pour parer les effets négatifs de la pandémie sur les prévisions inflationnistes.

La réunion sur la politique monétaire de mars a mis la lumière sur le plan stratégique de la BCE, qui inclut les décisions trimestrielles du conseil de gouverneurs sur le rythme de rachats PEPP pour le trimestre suivant, contrairement au comité exécutif qui réalise discrètement son programme. Nous croyons que cette stratégie représente les divisions au sein du conseil de gouverneurs, en association avec la préférence de la Présidente pour la prise de décisions consensuelles. Ainsi, la BCE est assise entre deux chaises, quantités et prix. Et alors que la prévision de la BCE rate son objectif d’inflation pour autant que nous puissions en juger, les investisseurs et les agents économiques font face à un manque de clarté sur la fonction de réaction de la BCE.

Dans le cas où les rendements de la zone euro seraient nettement plus élevés en mars, nous nous attendrions à ce que la BCE intensifie ses interventions verbales et échelonnement éventuellement les rachats effectués dans le cadre du programme PEPP, mais la BCE adoptera probablement une attitude réactive plutôt que proactive face aux changements dans les conditions des fonds, avec une moindre suppression de la volatilité sous un régime des prix indicatifs plus impérieux.

Le moyen terme

Quand les effets de la pandémie sur l’inflation seront suffisamment neutralisés grâce à des mesures politiques temporaires comme le programme PEPP et des flux de liquidités substantiels, nous pensons que des mesures de rachats d’actifs plus classiques reviendront sur la scène afin d’ajuster l’orientation de la politique monétaire post-pandémique à partir de 2022, alors que les baisses du taux d’intérêt resteront au second plan. Dans ce contexte, nous nous attendons à une révision de la stratégie concernant la forme et la communication du rôle de la politique monétaire près de la valeur plancher. La BCE prévoit de présenter le résultat des délibérations stratégiques aux alentours de la réunion de politique monétaire de septembre, date à laquelle nous serons probablement informés sur l’avenir du programme PEPP au-delà de la date de clôture préliminaire de mars 2022.

Nous continuons à nous attendre à ce que la révision stratégique apporte une évolution et non une révolution et ne prévoyons pas d’incidence radicale sur les investissements sur la base des résultats de l’exercice. Une prévision de 1,4% en 2023 pour l’inflation IPCH est un chiffre très bas qui remet en question l’interprétation de la stabilité des prix par la BCE ainsi que la stratégie visant à maintenir la configuration de la politique monétaire actuelle sur une longue durée au lieu de simplifier les conditions par une politique plus agressive. La BCE devra rester particulièrement accomodante dans les années à venir. Les conclusions en matière de révision iront probablement davantage vers une accomodation sur long terme et une formalisation des instruments de politique monétaire auparavant non conventionnels.