Naviguer en Bear Market

Emmanuel Ferry, Banque Pâris Bertrand

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Il faut changer le logiciel pour limiter les pertes en capital et capter les opportunités relatives.

Le principal enseignement de l’année 2018 est l’entrée en Bear Market, déclenchée par la baisse cumulée des marchés Actions supérieure à 20%. Plus précisément, le quatrième trimestre a été un épisode d’éclatement de la bulle financière qui s’était intensifiée en 2017 et au premier semestre 2018. Cette baisse soudaine et rapide est venue mettre un terme à une phase de dynamique explosive, qui définit une bulle financière: valorisation élevée, déviation par rapport à la tendance fondamentale et euphorie. Cette bulle, que les historiens qualifieront peut-être de «bulle des banques centrales», est comparable à cette de 1929 (the Roaring 20s) et de 2000 (TMT, Technologie, Média et Télécom). L’éclatement d’une bulle financière est un moment particulier, l’amorce d’un processus de retour à la moyenne qui s’accompagne d’une hausse de la volatilité et d’un changement radical du sentiment.

Investir en Bear Market est compliqué. Il y a un risque
de faux signal, comme en 1998 par exemple.

Tant que les marchés ne repassent pas au-dessus de leur précédent point haut, la configuration de bear market (marché baissier) va continuer de prévaloir. Il convient pour l’investisseur d’intégrer cette nouvelle configuration. D’abord, le contexte macro-financier est en général celui d’une croissance économique qui repasse sous son potentiel, avec des pressions inflationnistes de fin de cycle qui se matérialisent (salaires). L’impulsion du crédit bancaire devient négative et le dollar a tendance à se déprécier. Le régime de marché évolue rapidement: la volatilité augmente, on passe d’une préférence pour le levier financier à une préférence pour les liquidités, les valorisations des actifs financiers entament un processus de convergence vers la moyenne de long terme, les investisseurs augmentent la liquidité de leurs actifs et enfin les rebonds sont vendus tactiquement alors qu’en marché haussier, les creux étaient achetés structurellement. Investir en Bear Market est compliqué. Il y a un risque de faux signal, comme en 1998 par exemple. La tendance de fond est baissière, la compression des valorisations agissant comme une force de rappel à la baisse. Les investisseurs long only en marché baissier finissent tôt ou tard par être des vendeurs forcés (forced sellers) dans un contexte émotionnel maximal. Les rebonds en phase de Bear Market sont fréquents mais difficiles à capter en raison de leur profil de contre-tendances. On distingue deux types de bear market rally: 1. modéré au début du cycle baissier (+9 à 12%); 2. agressif en seconde partie (+20 à 25%).

Les réponses en matière d’investissement sont connues. La gestion active est supérieure à la gestion passive, la gestion alternative supplante la gestion long only, les stratégies de convergence constituent un large univers d’opportunités venant corriger les excès du marché haussier. Dès lors, c’est l’approche contrariante minoritaire qui est à privilégier par rapport au style momentum dont le positionnement est encombré et vulnérable à un ajustement brutal de valorisation. Enfin, la diversification devient une question de survie. A l’inverse, les investissements trop concentrés, à trop fort effet de levier et excessivement illiquides ont une probabilité de ruine élevée. La profondeur et la durée du marché baissier sont fonction de la dégradation des fondamentaux. Historiquement depuis l’après-guerre, la baisse moyenne observée du S&P500 est de 24% sur une durée de 7 mois si la récession est évitée. En cas de récession, la perte cumulée est en moyenne de 37% sur une durée de 18 mois. Ces normes historiques permettent de baliser le risque de perte sur 2019 et 2020. Le récent rebond de 16% du S&P500 est salutaire mais semble bien fragile dans ce contexte.

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