Mesures des banques centrales: une boîte de Pandore?

AXA Investment Managers

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Aucune banque centrale ne voudra être responsable de la mise à terre du marché.

La pandémie de COVID-19 a aggravé des tensions déjà présentes. Les inégalités de revenus, les différends géopolitiques des grandes puissances et la déconnexion des marchés financiers de l’économie réelle, liée aux interventions des banques centrales, sont ainsi apparus de manière encore plus évidente. Il s’ensuit un changement de paradigme en politique monétaire qui pourrait perdurer. Un avis partagé par Aidan Yao, Senior Emerging Asia Economist, et Jim Veneau, Head of Asian Fixed Income chez AXA Investment Managers.

Les mesures des banques centrales s’avèrent plus faciles à prendre qu’à cesser

En pleine pandémie, les banques centrales ont pris des mesures sans précédent pour éviter un effondrement économique mondial et une récession encore plus grave. «Leur action a conduit à un changement de paradigme en matière de politique monétaire», affirme M. Yao. Cela se reflète dans l’expansion rapide des bilans des banques centrales, qui comprennent désormais une gamme plus large d’actifs et qui monétisent ainsi les déficits budgétaires. En procédant ainsi, les gouvernements peuvent injecter des liquidités de manière ciblée. «De plus, nous avons assisté à une intervention courageuse sur le marché, qui permet aux banques centrales non seulement de fixer le prix de l’argent, mais d’influencer également la valeur des crédits, actions et autres actifs risqués», ajoute M. Veneau. Certes, les banques centrales ont considéré que ces mesures étaient une réaction nécessaire pour absorber le choc économique. Fermer le robinet des liquidités pourrait toutefois s’avérer plus délicat que l’ouvrir, et ce, pour plusieurs raisons:

Premièrement, l’économie mondiale marche encore sur des oeufs malgré la récente reprise de la croissance séquentielle. La plupart des économies nationales ne devraient retrouver le niveau qui était le leur avant la crise que dans le courant de l’année 2021. Par ailleurs, cette estimation est elle-même fondée sur l’espoir que le coronavirus n’est un choc unique, ce qui pourrait s’avérer une lecture trop optimiste en considérant la nouvelle hausse du nombre d’infections aux USA et les défis posés par l’endiguement dans les pays émergents comme le Brésil, le Mexique, la Russie, l’Afrique du Sud et l’Inde.

Deuxièmement, les perspectives d’inflation sont moroses. «Même si l’inflation devait réaliser un come-back, la banque centrale étasunienne (la Fed) a déjà signalé son intention de tolérer des hausses de prix supérieures à la valeur moyenne de sa fenêtre de tir, l’objectif étant resté lointain pendant si longtemps. Par conséquent, les banques centrales pourraient éprouver des difficultés, sans inflation durable, à justifier une renonciation à leurs mesures politiques actuelles», explique M. Veneau.

Troisièmement, une hausse dramatique de l’endettement, due aux stimuli puissants, pourrait paradoxalement limiter une hausse des taux. Les taux d’endettement des pays industrialisés pourraient passer à 200% voire 300% du PIB, l’endettement du secteur privé augmentera fortement en raison des crédits d’urgence, qui ont permis aux entreprises de traverser la tempête. Même une hausse moindre des taux d’intérêt pourrait mettre en péril, avec un tel degré d’endettement, le rétablissement fragile de l’économie mondiale.

Aucune banque centrale ne voudra être responsable de la mise à terre du marché. Si l’on considère combien de liquidités, notamment depuis le début des assouplissements quantitatifs, ont contribué à un marché haussier durable, il n’est que difficilement concevable que les prix ne chutent pas en cas de retrait des liquidités. Les banques centrales étant entre-temps parmi les plus importants détenteurs de nombreux actifs risqués, chacune de leurs actions doit tenir compte également des répercussions potentielles sur leurs propres bilans.

«Nous sommes d’avis que la politique monétaire très souple est désormais fermement établie. Si l’impulsion conjoncturelle actuelle ne devait pas s’avérer suffisante pour maintenir en vie l’économie, non seulement les taux directeurs pourraient être maintenus bas à moyen terme, mais d’autres instruments plus innovants pourraient être lancés, par exemple l’achat d’actifs plus risqués, des contrôles des courbes de rendements ou des taux négatifs», estime M. Yao. Des taux nuls ou proches de zéro pourraient donc devenir à moyen terme une norme globale.

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