Marchés obligataires: quelles stratégies?

Luc D'hooge, Mondher Bettaieb-Loriot, Ludovic Colin, Vontobel AM

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Les portefeuilles obligataires semblent bien immunisés contre l’épidémie, y compris sur les marchés émergents et en Italie.

Luc D'hooge, Head of Emerging Markets Debt, Vontobel AM

Les marchés financiers s’inquiètent de plus en plus de la propagation de l’épidémie due au coronavirus et de son impact sur l’économie. Néanmoins les gérants restent placides face aux turbulences comme le montre le tour d’horizon des différents segments et stratégies obligataires. 

Dans les stratégies flexibles, l’approche «barbell» qui associe les obligations recelant le plus gros potentiel de valorisation aux meilleures couvertures donne de bons résultats. En effet, c’est précisément sur ce type de marché de crise que les stratégies de couverture prennent tout leur sens. Et depuis le moment où les investisseurs ont sérieusement commencé à se préoccuper de l’impact du virus (autour du 20 janvier), les couvertures ont permis de réaliser des performances positives. Les turbulences de marché de ces derniers jours montrent que ces stratégies restent efficaces et constituent une réelle protection, même lorsque l’aversion au risque s’accroît. 

En cas de choc inattendu, la stratégie obligataire flexible qui vise à limiter
les baisses et maximiser les hausses s’avère particulièrement robuste.

La stratégie obligataire flexible qui vise à limiter les baisses et maximiser les hausses s’avère donc particulièrement robuste en cas de choc inattendu et il n’a pas été nécessaire de bouleverser le portefeuille pour faire face à ce dernier. Au quotidien, il suffit de surveiller l’évolution des niveaux techniques des marchés, des profils de risque des stratégies mises en œuvre ainsi que l’actualité afin de maintenir l’équilibre du portefeuille dans le cadre de l’approche «barbell».

Obligations mondiales et suisses

Au plan mondial, l’impact économique de l’épidémie ne devrait se faire sentir qu’au premier trimestre. Un rebond pourrait intervenir du deuxième trimestre. Cette conviction repose sur le fait que l’épidémie actuelle suit un schéma similaire à celui de la grippe. Toutefois, si elle devait prendre encore de l’ampleur, la croissance mondiale en pâtirait. Les secteurs susceptibles d’être les plus touchés seraient le tourisme, les transports, le luxe et les industries dont l’approvisionnement est global comme, par exemple, l'électronique et l'automobile.

Il n’y a donc pas lieu de modifier les stratégies obligataires. Etant donné que la plupart des détenteurs d'obligations campent sur leurs positions, il est relativement difficile de trouver des liquidités pour tirer parti d’éventuelles baisses de cours. Si l'impact de l’épidémie venait à se prolonger, la duration des portefeuilles devrait être accrue. Sur le plan des performances absolues, les stratégies actuelles restent positives depuis l'apparition du coronavirus et l'approche prudente pour les investisseurs axés sur le long terme consiste à rester vigilant tout en évitant de réagir de manière impulsive aux flux d'informations.

Obligations marchés émergents

Avant l'apparition du coronavirus, les marchés asiatiques, du fait de leurs valorisations, incitaient déjà à adopter une stratégie de réduction des risques. Nous avions donc sous-pondéré cette région en vendant les obligations les plus chères. Il en a résulté une surpondération des liquidités, lesquelles ont été conservées du fait l’importance de l’épidémie.

Sur le plan des devises, l’exposition au baht thaïlandais, considéré comme surévalué, a été réduite. Le coronavirus présente d’ailleurs un risque réel pour l'économie thaïlandaise, car elle dépend du tourisme, et en particulier de celui en provenance de Chine, qui est actuellement verrouillé. 

Des effets temporaires, mais marqués, pourraient se faire sentir
à court terme sur les obligations à haut rendement émergentes.

Dans l’ensemble, l’impact du virus devrait être temporaire et jusqu’à présent les marchés semblent avoir adopté ce point de vue. La quête de valeurs sûres qui s’est manifestée ces derniers jours n’a guère eu d’influence sur les écarts de rendement des obligations des marchés émergents. Toutefois, le coronavirus peut avoir des effets temporaires, mais marqués. Ces derniers pourraient se faire sentir à court terme sur les obligations à haut rendement émergentes, toujours surpondérées dans les portefeuilles. 

Et bien que les perspectives de ce début d’année aient été assombries par l’arrivée du coronavirus, les portefeuilles en obligations des marchés émergents restent positionnés de manière à pouvoir tirer parti des mouvements de faiblesse des marchés à court terme, et ce, afin de créer de la performance à long terme pour les investisseurs.

Obligations d’entreprises

Les entreprises italiennes devraient se montrer relativement résistantes à l’épidémie dont l’effet sur le PIB du pays devrait, selon les économistes, se limiter à 0,2%. Cette contraction n’aura donc guère d’incidence sur le PIB de l’Europe.

Les entreprises italiennes les plus importantes dans les indices obligataires sont des banques, des entreprises de services publics et des sociétés de télécommunications. Toutes ont un marché qui est pour l’essentiel domestique et elles ne sont pas cycliques. Par conséquent, elles ne devraient pas trop souffrir de l’épidémie. En outre, le climat politique du pays s’est amélioré, ce qui donne au gouvernement de coalition actuel la possibilité de remédier aux difficultés temporaires de manière transparente et efficace.

Il paraît intéressant de relever que, dans les statistiques habituelles concernant la grippe, le nombre de cas positifs augmente généralement vers la fin février, atteint un pic en mars puis recule en avril. L’épidémie actuelle pourrait donc connaître une évolution similaire, ce qui signifierait que l’épisode actuel que traverse l’Italie est temporaire. 

Les entreprises mondiales sont généralement en bonne santé,
leur endettement est maîtrisé et leurs marges élevées.

Dans cette hypothèse et étant donné que les notations de crédit portent sur le moyen terme, il ne devrait pas avoir d’impact sur les notations à long terme des entreprises italiennes. Dans les portefeuilles d'obligations d'entreprises, les émetteurs italiens ne présentent pas de risques particuliers, d’autant moins qu’elles offrent un excellent portage compte tenu de leurs fondamentaux. Il n’est donc pas prévu de modifier l’exposition des portefeuilles aux émetteurs italiens, du moins à l’heure actuelle.

La Banque centrale européenne ne devrait pas se voir contrainte d’assouplir davantage sa politique monétaire, les plans de relance actuels étant suffisants.  Si tel n’était pas le cas, et ceci n’est pas notre scénario principal, la BCE disposerait encore de suffisamment d'outils, tels que l'augmentation de ses achats mensuels, pour faire face à l’imprévu. 

Dans une perspective globale de crédit aux entreprises, le sujet du coronavirus est devenu d’actualité depuis plus d'un mois et certaines entreprises ont déjà revu à la baisse leurs prévisions ou leurs perspectives de bénéfices. Mais si le calme revient rapidement, l'effet de l’épidémie sur les bénéfices des entreprises et sur les PIB devrait pouvoir être facilement absorbé. Globalement, les entreprises mondiales sont généralement en bonne santé, leur endettement est maîtrisé et leurs marges élevées, notamment aux Etats-Unis. En outre, les banques centrales (comme en Chine) envisagent déjà de prendre des mesures pour stimuler encore davantage leurs économies, et en particulier le secteur des PME.

Pour conclure, on peut estimer que l’arrivée du printemps et les mesures de relance monétaire déjà prises devraient apporter un soulagement à l’économie et lui permettre de se reprendre. Ainsi les capitaux pourront-ils à nouveau se déployer et repartir à la quête de performances.

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