Marchés émergents: la Chine dans une case à part

Mary-Therese Barton, Pictet Asset Management

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Avec l’ascension politique de Xi Jinping – en place depuis 2013 – le géant asiatique s’est de plus en plus tourné vers son marché intérieur.

Il est presque impossible d’envisager l’univers des marchés émergents sans y inclure la Chine au premier plan. Néanmoins, la puissance économique et la maturité de certains pans de son économie placent la Chine dans une case à part. De nombreuses économies émergentes sont au moins aussi bien placées sur divers indicateurs sociaux que la Chine l’était il y a 30 ans, lorsque son économie a vraiment commencé à décoller. Cela suggère que ces pays sont eux aussi en bonne position pour un développement solide et soutenu

Une grande fracture

La Chine a joué un rôle majeur dans la transformation de la dette des marchés émergents, en particulier après son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Son rôle toujours plus grand dans le commerce mondial, en a fait un moteur économique pour les pays émergents. Cela s’est traduit, entre autres, par l’augmentation du nombre de pays présents dans l’indice de la dette des marchés émergents en devise forte (de 30 à 75 au cours des trois dernières décennies).

Cependant, avec l’ascension politique de Xi Jinping –en place depuis 2013 – la Chine s’est de plus en plus tournée vers son marché intérieur, notamment avec sa campagne «prospérité commune» lancée en 2021. Parallèlement, d’autres pays émergents commencent à s’émanciper de la machine économique chinoise. Par exemple, 52% des capitaux apportés aux marchés émergents proviennent de l’UE et du Royaume-Uni.

Un colosse dans l’indice?

La Chine maintient toutefois une position dominante pour attirer des capitaux du monde entier. En d’autres termes, le risque existe qu’elle ait déjà commencé à exclure financièrement d’autres marchés émergents. Néanmoins, une réévaluation de la Chine par rapport à l’ensemble de l’univers émergent pourrait encore permettre d’inverser cette situation, en orientant davantage de flux vers d’autres pays.

Plateformes excellentes

Les fondamentaux sociétaux des économies émergentes sont de bon augure pour leur croissance future. Elles ne devraient pas connaître un décollage aussi fort que celui connu par la Chine à partir de 1990, mais elles démarrent tout de même sur  des bases solides 

A l’inverse de la Chine, la jeunesse continue d’offrir une base solide à la pyramide des âges dans les économies émergentes. En effet, les politiques chinoises de limitation des naissances, en théorie, mènent à un asséchement d’une source majeure de la compétitivité chinoise. Le résultat pourrait bien être un glissement, au moins à la marge, des investissements et des flux de capitaux hors de Chine.

L’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie du Sud sont les mieux placés à cet égard. L’Amérique latine pourrait également en profiter compte tenu de sa proximité avec le marché américain. Savoir si ces pays seraient en mesure d’absorber de tels investissements ou non est une autre question, même si, cette fois-ci, les facteurs ESG auront clairement leur importance, les progrès en matière de gouvernance étant susceptibles de jouer un rôle significatif.

En outre, un essor de la numérisation pourrait permettre aux économies émergentes d’éviter une adoption lente et coûteuse des infrastructures gourmandes en capitaux qui ont été indispensables à la croissance des économies développées.

Une autre durabilité

Bien que la Chine se soit améliorée, sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance, les doutes sur son engagement à respecter les mesures de l’Accord de Paris et de la COP26 rendent les autres économies émergentes plus attrayantes, tout au moins pour ce qui est de leur potentiel.

Les petits pays émergents ont plus d’incitations et une plus grande marge de manœuvre pour travailler avec les organisations multilatérales afin de s’assurer qu’ils disposent des financements nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable à long terme.

La Chine compte

Le rythme de croissance de la Chine ralentit peut-être, mais il s’agit toujours d’un puissant moteur pour l’économie mondiale. Le pays est un grand consommateur de matières premières et un important producteur de biens manufacturés. Sa grande population signifie qu’au cours des décennies à venir, son économie deviendra la plus grande au monde.

Il est donc utile de considérer la Chine indépendamment de l’univers élargi des marchés émergents, et vice versa.

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