Loi IRA: 369 milliards de dollars pour le climat

Martina Turner, Quaero Capital

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Le plan adopté par le Congrès américain aura un impact positif majeur sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Promulguée à mi-août par le président Biden, la loi sur la réduction de l'inflation (IRA: Inflation Reduction Act) constitue le plus gros investissement fédéral jamais réalisé pour lutter contre le changement climatique. De fait, le plan prévoit 369 milliards dollars de dépenses en faveur des énergies renouvelables et de la lutte contre le réchauffement. Pour mettre ce montant colossal en perspective, ce budget est quatre fois supérieur à celui de la loi de relance de 2009 du président Obama pour les initiatives climatiques. Il s’agit d’une loi ambitieuse, qui vise à réduire les émissions de carbone d’au moins 40% d’ici à 2030 et dont l'impact devrait être considérable.

Des mesures fiscales majeures pour le solaire et l’éolien

La loi prévoit tout d’abord des mesures fiscales en faveur du solaire et de l’éolien en prolongeant de 10 ans l’«Investment Tax Credit» - qui bénéficie aux investisseurs publics et privés installant des parcs d’énergies propres – et le «Production Tax Credit» qui stimule l’offre. Il s’agit d’un signal important qui élimine l'incertitude pour les investisseurs. En effet, dans le passé, les prolongations n'étaient que d'un ou deux ans, ce qui créait des inquiétudes pour les projets prenant cinq ans ou plus à réaliser. Le solaire devrait en être le principal bénéficiaire. Le secteur de l'énergie éolienne bénéficiera également de l'élimination des délais politiques qui ont freiné son développement. Par ailleurs, ces crédits d'impôt couvrent désormais des technologies telles que la géothermie, le stockage et la capture et le stockage du CO2. Enfin, ces crédits d’impôts peuvent augmenter, voire doubler, si les projets remplissent certains critères spécifiques, tels qu’un contenu local (acier et fer fabriqués aux États-Unis, par exemple), des règles relatives aux salaires et aux apprentis, ou encore si le projet se trouve dans une zone défavorisée. Ainsi, alors que le crédit d’impôt pour des projets solaires était de 26% au maximum en 2022 pour tomber à 10% dès 2024, avec la nouvelle loi cette valeur passe à 30% pendant 10 ans, pour diminuer à 22,5% en 2034 seulement. Et ce taux peut passer à 50%, voire 60%, si le projet correspond aux critères spécifiques. Ces mesures vont accélérer le déploiement des énergies renouvelables à l’échelle nationale. En effet, les communautés à faibles revenus, ainsi que celles qui dépendaient historiquement de l'exploitation des combustibles fossiles pour leur subsistance (par exemple les villes minières), sont désormais avantagées.

Changement de paradigme pour l’hydrogène vert

La loi introduit également une incitation essentielle pour les entreprises : un crédit d'impôt de 3 dollars par kilogramme. Cela rendra l'hydrogène vert moins cher à produire que l'hydrogène gris, produit à partir de gaz, en particulier en cas de baisse des coûts de l'énergie solaire et éolienne ou lorsque le prix du gaz augmente, comme c’est le cas actuellement. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, l'hydrogène gris le moins cher vaut 1,71 dollar/kilo, tandis que l'hydrogène vert le meilleur marché coûte 3,75 dollars/kilo. Avec le nouveau crédit d'impôt, le coût de l'hydrogène vert passerait donc largement en-dessous de l’hydrogène gris.

Des incitations pour des transports plus durables

Le secteur des Véhicules Electriques (VE) est critique pour la transition énergétique. C’est pourquoi la nouvelle loi prévoit environ 2 milliards de dollarsde prêts affectés à la fabrication de véhicules à technologie avancée, prêts qui peuvent d’ailleurs être augmentés sans plafond. Ainsi, par exemple, ce sont 20 milliards qui pourraient servir de garantie à des investissements dans la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques. Ceci permettrait de faire baisser le coût des batteries jusqu'à 100 dollars/kWh, niveau à partir duquel le prix d’achat des VE (hors subvention) atteint la parité avec les véhicules thermiques. De leur côté, les consommateurs pourront bénéficier d’un crédit d’impôts allant jusqu’à 7’500 dollars pour l’achat d’un véhicule à énergie propre ou de 4’000 dollars pour un véhicule d’occasion. Pour être éligibles, les constructeurs doivent toutefois produire leurs voitures et leurs batteries en Amérique du Nord. L’IRA introduit également un crédit minimum de 1,25 dollar/gallon pour chaque gallon de carburant d'aviation durable (SAF), montant qui peut augmenter jusqu’à 1,75 dollar/gallon en fonction de la proportion de réduction des gaz à effet de serre par rapport à du kérozène conventionnel.

L’agriculture n’est pas oubliée

L'IRA comprend également un package de 40 milliards de dollars de dispositions concernant l'agriculture, é travers des fonds pour les programmes volontaires de protection de la nature, l'infrastructure des biocarburants et l'allègement de la dette des agriculteurs partout aux USA.

Nouvelles incitations pour relocaliser l’industrie

En complément de son objectif climatique, l’IRA a également un objectif clair de relocalisation des chaînes de valeur aux Etats-Unis. Ainsi, 30 milliards seront affectés à des crédits d'impôt à la production (PTC) pour accélérer la fabrication locale d’équipements destinés à la production d’énergies propres et 10 milliards supplémentaires seront alloués à des crédits d'impôt à l'investissement (ITC) pour construire de nouvelles capacités de production propres, comme des panneaux solaires par exemple.

Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments

Des rabais pouvant atteindre 4,5 milliards sont également prévus pour l’acquisition de pompes à chaleur et d'autres équipements permettant de réduire les factures d'énergie des ménages américains, en particulier ceux à faibles revenus. L’installation d’une pompe à chaleur permet ainsi de bénéficier d’un crédit d’impôt de 2’000 dollars, tandis que la construction de maisons à énergie zéro permet de recevoir 5'000 dollars.

Quel effet sur les actions?

Même si l’adoption de ce paquet de lois a déjà eu un effet positif, nous pensons que les cours actuels des titres concernés ne reflètent pas encore la totalité de l’impact positif. D’ailleurs, l'ETF iShares Global Clean Energy se trouve encore 13% en dessous de son niveau de décembre 2020, lorsqu'on s’attendait que le programme Build Back Better (BBB) de Biden serait accepté. Il faut dire que l’environnement économique actuel a un peu tempéré les ardeurs. Pourtant, dans cette période d’incertitude sur l’approvisionnement climatique, cette nouvelle loi augmente considérablement la valeur de l’énergie propre, en raison de la sécurité et l’indépendance énergétique qu’elle permet. De plus, la hausse des prix de l’électricité rend d’autant plus intéressant le passage aux énergies propres.

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