L'ICO à la portée de tous

Yves Hulmann

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Souscrire à une ICO comme on réserve un voyage en ligne... Faut-il s'en réjouir?

 

Cette fois, plus moyen d’y échapper. En consultant récemment mon site météorologique habituel pour me renseigner à propos de la dernière couche de neige fraîche tombée ou des prochaines précipitations, quelle ne fut pas ma surprise de voir défiler en bordure d’écran un bandeau publicitaire plutôt inhabituel. A l’endroit où sont affichés d’ordinaire des encarts promouvant des séjours de courte durée dans une quelconque capitale européenne ou l’achat de vêtements à prix cassé, l’annonce vantait bel et bien les mérites d’une ICO, destinée à financer un site de location d’appartements basé sur la technologie blockchain. Avec à la fin de l’annonce, cette injonction : «Join ICO».

Des ICO pour tous?

Certes, depuis que les médias généralistes publient pratiquement chaque semaine un article au sujet des «initial coin offering», ce mode de financement gagne constamment en visibilité. Il permet à une société d’effectuer une levée de fonds sous forme numérique à l’aide de crypto-monnaies, le plus souvent pour financer un projet entrepreneurial. S’adaptant à ces développements, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a même publié la semaine dernière un «guide pratique» visant à encadrer cette manière de lever des fonds. De là à penser que n’importe qui peut souscrire à une ICO, un peu comme chaque citoyen était appelé à acheter des actions Swisscom à la fin des années 1990, certains doutes sont permis.

Un défi technologique…

Bien sûr, il n’y a aucun doute sur le fait que la technologie dite des «chaînes de bloc» puisse frayer son chemin dans une activité comme la location d’appartements, comme le promeut l’annonce. Ayant servi de base pour les crypto-monnaies, cette outil qui permet d’organiser et de certifier de manière décentralisée et sécurisée toutes sortes de transactions promet de pouvoir s’appliquer à à bien des domaines, allant de la validation d’échanges boursiers au suivi de registres administratifs.

… mais aussi réglementaire

Toutefois, pour un investisseur, souscrire à une ICO comporte deux difficultés à ne pas sous-estimer. La première est d’ordre technologique. Tout comme dans le cas du capital-risque, bien malin est celui qui peut identifier aujourd’hui avec certitude qui sera le nouveau AirBnB à la mode blockchain de demain. Le second écueil, d’ordre plus réglementaire, concerne les droits de propriété (ou l’absence de ceux-ci) qui sont accordés aux détenteurs de ces fameux «jetons numériques», ou «token» en anglais. Ceux-ci sont obtenus par les investisseurs en échange du montant qu’ils placent dans la société. Au contraire des détenteurs d’une action, achetée par exemple lors d’une entrée en bourse, ils ne confèrent pratiquement aucun droit à leur détenteur, hormis celui de le revendre. Enfin, s’y ajoutent encore les incertitudes liées aux fluctuations de la monnaie, généralement virtuelle, utilisée lors d’une ICO.

Qui se souvient de Boo.com?

Au final, pour des produits ou services basés sur des technologies hautement sophistiquées, financés de surcroît par le biais d’un mode d’émission encore peu encadré, le néophyte fait bien de rester sur ses gardes. A la fin des années 1990, une société britannique, appelée Boo.com, promettait de révolutionner la vente de vêtements en ligne à l’aide d’un site ultrasophistiqué. Malgré une valeur estimée à près d’un demi-milliard de dollars avant son entrée en bourse, l'affaire se termina par un désastre en mars 2000. A court de liquidités, la firme tomba en faillite deux mois plus tard. Aujourd’hui, en Europe, le leader incontesté de la vente de vêtements en ligne s’appelle Zalando - une société créée huit ans plus tard.