Les valeurs bancaires deviendraient-elles moins cycliques?

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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Les résultats des banques européennes au T2 révèlent à quel point les modèles économiques sont différents.

Au premier trimestre, lorsque la vague de COVID-19 a déferlé sur le monde, donnant un coup d’arrêt brutal à l’activité économique, les banques ont adopté des approches très différentes pour provisionner leurs pertes futures, certaines étant plus agressives que d'autres. Toutefois, les banques allaient ensuite passer un trimestre entier dans l’œil du cyclone économique, ce qui leur laisserait le temps d’évaluer les dommages pendant ce qui serait le pic de la récession. Leurs résultats étaient attendus avec impatience.

Il est devenu évident dès le début du deuxième trimestre que cette période allait être exceptionnelle pour les banques d’investissement, en fait l’une des meilleures qu’elles n’aient jamais connu, de sorte que les banques universelles exerçant des activités de banque d’investissement à grande échelle allaient sans doute aussi très bien s’en sortir.

Les banques privées ne prenant généralement pas beaucoup de risque de crédit, elles ont été relativement épargnées, même si les actifs sous gestion ont évidemment chuté au deuxième trimestre, entraînant une baisse des commissions.

Les investisseurs considèrent les établissements financiers
comme un secteur extrêmement cyclique.
Les prêts, source de problèmes

L’octroi de crédits non garantis aux consommateurs et aux petites entreprises constitue la partie la plus délicate et la plus cyclique des activités bancaires dans la mesure où le taux de défaut y est bien plus difficile à prévoir. Ces pertes mettent également du temps à se concrétiser. Les initiatives audacieuses des autorités ont certes permis d’éviter au secteur des pertes brutales, mais il y en aura malgré tout, bien que différées dans le temps. De la même manière, nous pensions que le prêt aux entreprises pâtirait d’une migration des notations en territoire négatif et d’une explosion des taux de défaut.

Ce segment de crédit a toujours posé des difficultés aux banques pendant les récessions. En conséquence, les investisseurs considèrent les établissements financiers comme un secteur extrêmement cyclique et ont tendance à les sanctionner en période de crise. Toutefois, au cours des 10 dernières années, les autorités de réglementation bancaire ont fait quasiment tout ce qui était en leur pouvoir pour atténuer la cyclicité des banques dans leur comportement en matière de crédit.

La volatilité des résultats bancaires diminue

Bien qu’il soit trop tôt pour crier victoire du point de vue des autorités de réglementation, nous pouvons d’ores et déjà tirer des conclusions très claires. Les résultats des banques restent volatils, comme l’on pouvait s’y attendre, mais beaucoup moins que lors des cycles précédents. Du point de vue des fonds propres, la cyclicité perdure, mais il apparaît clairement que certains établissements bancaires sont moins cycliques que d’autres.

Les taux de défaut ont été plus faibles que prévu

La récession actuelle n’en est qu’à ses débuts et nous nous attendons à une augmentation des pertes sur prêts d’ici la fin de l’année avec un pic attendu au plus tôt au premier semestre 2021, mais jusqu’à présent, les signes sont encourageants aussi bien pour les détenteurs d’obligations que pour les autorités de réglementation. Les banques ont pu effectuer des provisions significatives au premier semestre tout en augmentant leurs réserves de fonds propres.

Les investisseurs qui se sont débarrassés de leurs obligations bancaires
au tout début de la crise sanitaire risquent de regretter leur décision.

Les pertes réalisées devraient augmenter au troisième trimestre à mesure que les programmes de soutien publics prendront fin et que les défauts commenceront à se concrétiser. Toutefois, les taux de défaut en Europe devraient plus faibles qu’initialement prévu.

Un secteur plus sûr pour les investisseurs obligataires

Du point de vue des investisseurs obligataires, nous soutenons depuis longtemps que les banques doivent s’affirmer pendant une récession afin de changer la manière dont elles sont perçues depuis la crise financière mondiale et qui fait que leurs obligations se négocient d’une manière fortement pro-cyclique. C’est encore le cas aujourd’hui, mais les investisseurs qui se sont débarrassés de leurs obligations bancaires au tout début de la crise sanitaire risquent de regretter leur décision.

Selon nous, les critères d’octroi de crédit plus prudents et le durcissement de la surveillance réglementaire ont rendu les banques beaucoup plus sûres pour les investisseurs obligataires. Aujourd’hui, les investisseurs profitent de la baisse de la pro-cyclicité des obligations bancaires.

On nous demande souvent comment devenir plus pro-cyclique à mesure que le cycle avance. Même si nous sommes convaincus du bien-fondé de la pro-cyclicité, identifier le bon moment reste une tâche délicate. Nous pensons que l’exposition au secteur bancaire est l’une des manières les moins risquées de le faire.

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