Les midterms, et après…

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ont révélé l’accentuation des fractures qui traversent le pays.

©Keystone

A première vue, les élections de mi-mandat ont été conformes aux prévisions: la forte mobilisation de l’électorat a plutôt favorisé le parti Démocrate qui reprend le contrôle de la Chambre des Représentants. Et pour la première fois de son histoire, celle-ci accueillera plus de 110 femmes (dont 2/3 Démocrates) sur 435 représentants. A y regarder de plus près, quelques leçons s’imposent. Tout d’abord, les élections ont révélé l’accentuation des fractures qui traversent le pays, entre jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, minorités et majorité. Cette fois-ci, c’est l’écart entre urbains d’un côté et ruraux de l’autre qui s’est le plus creusé. En effet, les Républicains ont renforcé leur emprise sur le Sénat, en conquérant des Etats plutôt ruraux. Enfin, ces élections furent bien – comme le Président Trump le voulait d’ailleurs – un referendum sur sa personne. Et force est de constater qu’il conserve une base électorale très solide, ce qui fait de lui le candidat incontournable des Républicains pour la présidentielle de 2020. 

Personne parmi les élus ne semble vraiment préoccupé
par l’accroissement de la dette et des déficits publics.

Chaque camp a donc pu revendiquer la victoire. Du côté Démocrate, le parti ne manquera pas de mettre en place une supervision renforcée de l’exécutif - qui pourrait bien s’étendre aux milieux d’affaires – au travers de commissions d’enquêtes tous azimuts. Jusqu’à lancer une procédure de destitution? De son côté, le Président semble prêt à tout pour s’assurer que la conjoncture économique le porte jusqu’à la prochaine élection. Le parti Démocrate pourra-t-il se permettre d’apparaître comme l’empêcheur de tourner en rond, face à un Président prompt à dénoncer les «chasses aux sorcières»? Et s’il coopère, en tirera-t-il le bénéfice politique, alors que les candidats se bousculent déjà dans son camp? Démocrates et Républicains pourraient donc alterner passes d’armes et recherches de compromis les deux prochaines années. Ceci pourrait compliquer le processus législatif, tout en conférant au Président et à sa majorité sénatoriale plus de marges de manœuvre qu’il n’y paraît. 

Sur le plan économique les deux camps pourraient bien trouver à s’entendre pour dépenser plus, en favorisant soit de nouvelles baisses d’impôts pour les classes moyennes, «Medicare pour tous», ou encore des plans d’infrastructures. De plus, les démocrates ne sont pas forcément enclins à relâcher la pression sur la Chine. Bref, personne parmi les élus ne semble vraiment préoccupé par l’accroissement de la dette et des déficits publics. Ceux-ci atteignent 800 milliards de dollars en 2018, et devraient passer le seuil des 1’000 milliards l’an prochain.

Les chaos et rebondissements de la politique intérieure américaine risquent
de ne pas être les seuls sujets de préoccupation des marchés dans les prochains mois.

Du point du vue des marchés, les chaos et rebondissements de la politique intérieure américaine risquent de ne pas être leurs seuls sujets de préoccupation dans les prochains mois. En effet, l’économie chinoise ralentit. Si la guerre commerciale s’ajoute à ses difficultés présentes, il ne fait plus de doute que le mal est interne et que les modestes mesures prises par les autorités depuis l’été tardent à produire leurs effets. De plus, la Réserve Fédérale poursuit sa normalisation monétaire. Ce sont les conditions de crédit qui sont en train de se resserrer dans le monde, sans qu’aucun gouvernement – ou presque - puisse y répondre, compte tenu du niveau déjà élevé des dettes accumulées. En Europe, plus particulièrement, la perspective d’un Brexit sans accord et la crainte d’un durcissement des positions italiennes érodent la confiance des acteurs économiques, déjà confrontés à un ralentissement de l’activité cette année un peu plus marqué que prévu.

Doit-on pour autant craindre une récession imminente? La dynamique actuelle ne le laisse pas présager. Le repli récent des prix du pétrole soulagera les consommateurs et dans un contexte de plein emploi, soutiendra la demande finale. Seul point noir, le marché de l’immobilier, à la fois saturé et souffrant de la remontée de taux d’intérêt, pénalise encore les primo-accédant. Les perspectives de profits des entreprises sont clairement en repli à mesure que les effets des baisses d’impôts s’estompent, la correction d’octobre montre que les investisseurs en prennent la mesure. Même moins dynamiques, les profits devraient continuer de progresser l’an prochain. Les transformations technologiques à l’œuvre comme les recompositions des chaînes de production sont autant de relais pour l’investissement. 

Ainsi, le ralentissement de l’activité l’an prochain s’apparente plutôt à un atterrissage contrôlé. Au bout du compte, ce retour à la normale ne serait qu’une remise en ordre. Les raisons de voir les choses dégénérer en crise de confiance ne manqueront sûrement pas, mais les politiques pourraient cette-fois en être tenus pour responsables.

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