Les indices boursiers au plus haut, et après?

Gilles Prince, Edmond de Rothschild (Suisse)

2 minutes de lecture

Après la forte hausse en 2019, les marchés semblent être à la croisée des chemins. Si la prudence reste de mise, nous voulons rester investis.

Pour la troisième fois en 2019, les bourses sont proches de leur record de ces dernières années, voire de leurs sommets historiques. La plupart des indices ont plus que récupéré leurs pertes du dernier trimestre 2018 et affichent à nouveau des performances proches des +20%! De leur côté, les obligations continuent également sur leur tendance avec une progression exemplaire cette année tant en termes de prix que de nombre de titres offrant un rendement négatif! Même l’or semble être sorti de son apathie et progresse de 15%. Difficile d’enregistrer de mauvaises performances absolues en 2019… 

Si les performances de l’exercice en cours ressemblent à celles de 2017, cette année est bien différente de la situation de goldilocks qui prévalait à l’époque. On observe par exemple une augmentation de la volatilité, une plus grande sensibilité au flux de nouvelles et des revirements de tendance plus fréquents tant des bourses que des politiques monétaires des grandes banques centrales. 

Manque d’alternatives

Les nouvelles contradictoires liées au Brexit, aux négociations commerciales sino-américaines ou à la situation instable au Moyen-Orient ont eu un impact sur l’humeur des investisseurs en créant des situations de panique, mais finalement assez peu sur le niveau des indices. 

On observe une certaine dichotomie entre les conditions
économiques et les performances des bourses!

Chaque correction a donné lieu à un retour rapide vers les plus hauts, lesquels ont toutefois bien de la peine à être dépassés durablement. Les banques centrales ont joué un rôle non négligeable dans ces rebonds en assouplissant leurs politiques monétaires - on dénombre près de 100 baisses de taux directeurs dans le monde en 2019 - fournissant ainsi un plancher à chaque attaque de panique. Il faut dire aussi que la demande pour les actions reste structurellement forte en raison du manque d’alternatives. Le taux de dividende des actions reste en effet largement supérieur aux taux de rendement des obligations dans la plupart des régions. Les corrections sont donc des opportunités d’achat.

Le positionnement du marché est pourtant défensif et peu sont ceux à promouvoir une surpondération des actions. Fondamentalement, les raisons d’un positionnement prudent sont tout à fait justifiées, puisqu’on observe un ralentissement de la croissance mondiale à des niveaux où la croissance devient plus vulnérable à un choc externe. Les secteurs manufacturiers souffrent. On peut même craindre qu’ils entraînent les services à la baisse, le moteur économique chinois est en décélération, et les incertitudes géopolitiques restent importantes et créent un manque de visibilité évident. On observe donc une certaine dichotomie entre les conditions économiques et les performances des bourses! 

Meilleure visibilité?

Cela dit, ces éléments sont connus et reflétés dans les prix. La grande question est de savoir ce qui pourrait raviver les perspectives de croissance, et de là pousser les actions durablement plus haut encore. Le premier soutien serait une meilleure visibilité des perspectives économiques qui permettrait de rassurer aussi bien les entreprises que les investisseurs. La finalisation d’une solution entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ou la ratification d’un accord commercial partiel entre la Chine et les États-Unis font partie de ces éléments positifs. Mais rassurer ne suffira pas. Une politique budgétaire de relance, en particulier en Europe, voire en Chine, permettrait de donner plus de poids à des politiques monétaires certes accommodantes, mais qui s’essoufflent. Une annonce décisive concernant une politique fiscale européenne semble peu probable à court terme, sans parler de son implémentation. 

Il n’y a pas de raisons de s’attendre à ce que la politique monétaire de la BCE
devienne encore plus accommodante à la veille du départ de Mario Draghi.

En ce qui concerne la banque centrale européenne, il n’y a pas de raisons de s’attendre à ce que sa politique monétaire devienne encore plus accommodante à la veille du départ de Mario Draghi. A l’inverse, la probabilité implicite d’une baisse de taux de -0,25% lors du prochain FOMC est de 90% selon le marché des futures. Les publications économiques moins encourageantes par exemple au sujet des ventes de détail pourraient justifier une troisième baisse consécutive afin de contrer un ralentissement économique qui s’installe.

Parmi les éléments négatifs pouvant faire corriger les indices actions, on citera une éventuelle continuation des révisions à la baisse de la croissance économique, en particulier en Chine, des indicateurs avancés qui continueraient de se dégrader, ou un impact plus marqué qu’attendu des tarifs douaniers sur les résultats et perspectives des entreprises. Un simple tweet pourrait aussi remettre en cause les acquis fragiles non-formalisés d’une résolution partielle du différend commercial entre la Chine et les Etats-Unis. Nous ne sommes donc pas à l’abri de surprises.

Rester investi

Au final, les marchés nous semblent fragiles et à la croisée des chemins alors que les indices boursiers flirtent avec leur plus hauts. Réduire son allocation aux actions pourrait sembler raisonnable afin d’engranger les profits de l’année, mais au vu des éléments ci-dessus cela pourrait représenter un coût d’opportunité. Faute d’alternative aux actions, nous voulons rester investis. La différence se fera dans le positionnement sectoriel ou thématique et dans la gestion active du risque de correction, notamment en utilisant des produits dérivés et structurés, ou des stratégies optionnelles.

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