Les hedge funds ont rempli leur rôle durant la crise sanitaire. Et après?

Miguel Tiedra, BCV

2 minutes de lecture

Les fonds alternatifs ont protégé à la baisse sans rater le rebond qui a suivi. L’incertitude pourrait les aider à reconquérir le cœur des investisseurs.

Si toute la planète commente la crise économique actuelle comme la plus sévère jamais enregistrée, les marchés financiers semblent anticiper des lendemains qui chantent. Une occasion pour la gestion active? La preuve par les hedge funds.

À la simple lecture des indices à fin août, bien malin qui peut deviner qu’une tempête s’est abattue sur la planète ce printemps. Les actions mondiales sont en hausse de 5,80% depuis le début de l’année. Aux États-Unis, la hausse est même de 9,7%. Seule l’Europe, en baisse de 10,5%, a une vision plus pessimiste de l’avenir.

Qu’est-ce que cela signifie pour les principales classes d’actifs? Les marchés des actions ont connu un très fort rebond depuis la mi-mars. À ces niveaux, leurs valorisations sont, en moyenne, similaires aux niveaux d'avant la crise. En d'autres termes, les perspectives de croissance sont considérées aussi bonnes qu'avant l’apparition de la pandémie. Quant aux taux d'intérêt, ils sont au plus bas un peu partout dans le monde. Ainsi, l'achat d'obligations est souvent la garantie de perdre de l'argent, à moins que les taux ne tombent encore plus bas.

Tableau complexe

Évidemment, ce tableau cache une réalité plus complexe. Tous les secteurs des marchés des actions ne sont pas revenus aux niveaux d'avant la crise et toutes les obligations d'entreprises n'ont pas bénéficié de la même manière des garanties des États. Les mesures de relance extraordinaires prises par les pays – qui sont principalement à l’origine de la hausse des actions et de la baisse des taux– ne dureront en outre pas éternellement. Voire, ne seront pas sans conséquence sur l’environnement économique à moyen terme. D’ailleurs, la volatilité, souvent utilisée comme indicateur de l’anxiété des investisseurs, se maintient à des niveaux historiquement élevés.

Ces dernières années, la gestion alternative a dû se réinventer.

Dans ce contexte, la plupart des investisseurs s’interrogent: acheter des actions, des obligations ou simplement rester en cash? La question est en fait ailleurs: gestion active ou gestion passive, chercher de l’alpha ou s’exposer à du bêta?

Retour des actifs

Pendant de nombreuses années, il suffisait de s’exposer aux marchés dans leur ensemble pour générer des performances. Ainsi, la gestion passive a enregistré des résultats bien supérieurs à tous les gérants s’efforçant de ne pas simplement «faire le marché» (bêta), mais de le battre (alpha). Or, plus récemment, la part de gérants actifs capables de dépasser la performance de leur indice de référence a fortement augmenté. Et l’environnement actuel est très favorable aux gérants capables de sélectionner activement aussi bien les bons et les mauvais titres ou encore à ceux capables d’identifier des tendances, des thèmes à long terme.

Et parmi les acteurs de la gestion active les mieux outillés pour pouvoir profiter de l’incertitude ambiante figurent les hedge funds. Certes, au cours de la dernière décennie, ces fonds, qui permettent de gagner aussi bien à la hausse qu’à la baisse, ont offert des performances en demi-teintes. Au mieux. Mais, aujourd’hui, ils peuvent avec leurs positions vendeuses offrir aux investisseurs une protection efficace contre les risques de baisse et, avec leurs techniques de gestion, leur permettre bien souvent de profiter de mouvements soudains pour acheter des actifs à bon compte.

Bonne année des hedge funds

D’ailleurs, depuis le début de l’année, le bilan de ces fonds dits spéculatifs est très bon. Au pire de la crise, soit le 23 mars, ils enregistraient en moyenne des performances négatives nettement moins importantes que les marchés des actions mondiales, soit un recul sur l’année de seulement 9,5% contre une chute de 31,8%. À fin août, les hedge funds enregistrent des performances très proches des actions mondiales, soit, respectivement, +1,8% contre +5,8%. En d’autres termes, ces investissements ont rempli leur fonction de décorrélation, ils ont permis de se protéger à la baisse sans rater le rebond qui a suivi.

Conséquence, de nombreux investisseurs institutionnels sont déjà retournés vers ce type d'investissements. Mais beaucoup les évitent encore, car ils les considèrent trop chers, peu transparents et peu liquides. Or, ces griefs appartiennent en partie au passé. Ces dernières années, la gestion alternative a dû se réinventer. Nombreux sont les gérants ayant revu à la baisse leurs prétentions et offrant une transparence ainsi qu’une liquidité aussi bonnes que leurs homologues de la gestion traditionnelle, notamment avec l’apparition de produits UCITS, répondant à la directive européenne du même nom visant à standardiser les informations sur les fonds de placement.

Des clones abordables

Pour les investisseurs plus récalcitrants, il est même possible aujourd’hui d’obtenir le même profil que les hedge funds sans investir un centime auprès d’eux. La gestion quantitative permet en effet de répliquer la performance moyenne des hedge funds pour une fraction de coût et avec les instruments les plus liquides au monde. 

L’environnement actuel est unique à bien des égards (pandémie, relances budgétaires, monétaires, etc.) et laisse de nombreux stratèges financiers bien démunis. Pour l’instant, les investisseurs font le pari que les banques centrales continueront à soutenir les actifs financiers et que la question de l’inflation n’est toujours pas d’actualité avec une économie en récession. Cet équilibre, fragile, peut basculer et déstabiliser les marchés financiers. Dans cette éventualité, la gestion active, en général, et les hedge funds en particulier, devraient permettre de traverser cette période plus sereinement.

A lire aussi...