Les employeurs peuvent contribuer à réduire le «gender pension gap»

Yves Hulmann

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Pour Ivy Klein, experte chez Swiss Life, adapter le montant de coordination profite aux petits salaires et employés à temps partiel.

A la retraite, les femmes perçoivent encore environ un tiers de rentes de moins que les hommes aujourd’hui, un écart, appelé «gender pension gap» par Swiss Life qui a publié cette semaine une étude sur ce sujet1.

Typiquement, en 2012, les femmes bénéficiaient de rentes moyennes atteignant 33'200 francs, contre 52'800 francs pour les hommes, selon des données de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Un écart essentiellement imputable à la différence de rentes provenant de la prévoyance professionnelle (LPP), les rentes de l’AVS étant, elles, identiques. Depuis, la situation s’est un peu améliorée mais l’écart entre hommes et femmes, appelé le «gender pension gap» par Swiss Life,  reste important dans la prévoyance professionnelle: selon la statistique des nouvelles rentes de l’Office fédéral de la statistique (OFS), l’écart pour une rente moyenne du deuxième pilier (LPP) s’est légèrement réduit pour atteindre 44% en 2017, contre 45% en 2015.

Encourager les deux membres du couple à travailler davantage

La situation ne devrait-elle pas s’améliorer automatiquement du fait que les femmes - avec un taux d’occupation moyen dépassant les 60% en 2017, contre environ 50% en 1996 - travaillent aujourd’hui davantage qu’il y a deux ou trois décennies? Pour Ivy Klein, responsable du développement des affaires de la clientèle d’entreprises chez Swiss Life, cet écart devrait se réduire progressivement mais il ne disparaîtra pas dans un avenir proche. «Nous pensons que l’écart entre genres en matière de prévoyance, ou «gender pension gap», va certes tendanciellement peu à peu se réduire, étant donné que les femmes sont aujourd’hui davantage présentes sur le marché du travail. Toutefois, la fin des inégalités n’est de loin pas encore en vue, comme le montrent plusieurs aspects de l’étude», estime la spécialiste de la prévoyance qui a co-présenté l’étude à la mi-décembre.

Il faut que les femmes s’affirment davantage
sur le marché du travail et au sein de la famille.

Une des recommandations de l’étude est qu’il devrait y avoir un meilleur équilibre du temps de travail entre hommes et femmes. Si les hommes travaillent moins à l’avenir, n’y a-t-il pas toutefois un risque qu’ils aient aussi à leur tour des lacunes de prévoyance? «Si les deux membres du couple travaillent tous deux à temps partiel pendant une très longue durée, cela pourrait devenir le cas. Il y aurait alors un risque de lacune de prévoyance pour le couple dans son ensemble», admet Ivy Klein. Ce n’est toutefois pas la vision proposée par Swiss Life: «Nous encourageons au contraire les deux membres du couple à avoir un taux d’occupation plus élevée sur la durée, ce qui leur permettrait d’éviter d’éventuelles lacunes de prévoyance. Pour que cela puisse être le cas, il faut aussi que des moyens et des conditions adéquates soient mis à disposition par les entreprises et la société», recommande-t-elle. Par exemple, qu’il y ait plus de possibilités de confier les enfants à des structures de garde externes. Plus généralement, il faut aussi que les femmes s’affirment davantage sur le marché du travail et au sein de la famille. «En résumé, notre approche n’est pas de dire principalement que les hommes devraient travailler moins mais plutôt de faire de sorte que hommes et femmes puissent travailler davantage», précise l’experte.

Le montant de coordination peut déjà être adapté par l’employeur

Autre aspect important pour réduire le «gender pension gap»: adapter la somme du salaire sur laquelle sont prélevées les cotisations versées à la LPP. Vendredi dernier, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de réforme qui prévoit, entre autres, de réduire la déduction de coordination, laquelle passerait de 24’885 francs (montant actuel) à 12’443 francs. Un tel changement profiterait aux assurés avec des revenus relativement bas, notamment les salariées et salariés à temps partiel. Indépendamment du projet de réforme présenté vendredi par le Conseil fédéral, les employeurs peuvent eux-mêmes d’ors et déjà contribuer à améliorer la prévoyance d’une partie de leur personnel, en adaptant ou en supprimant la déduction de coordination, et par la même occasion contribuer à réduire le «gender pension gap», rappelle l’étude de Swiss Life.

De quelle marge de manœuvre disposent les entreprises en la matière? «Le montant de coordination n’est pas gravé dans le marbre !», rappelle Ivy Klein. «L’employeur peut lui-même adapter le montant de coordination dans le règlement de son institution de prévoyance ou alors dans le cadre de la fondation collective avec laquelle il travaille», poursuit la spécialiste de la prévoyance. Et c’est déjà le cas pour nombre d’entreprises: «En regardant nos propres données, nous voyons qu’il existe principalement trois variantes utilisées: première variante, déduire l’entier du montant de coordination, une solution retenue par environ 30% des PME affiliées à la Fondation collective LPP Swiss Life. Deuxième variante: ne rien déduire du tout, une solution appliquée par un quart d’entre eux. Troisième variante, adapter le montant de coordination en fonction du taux d’activité, une solution appliquée par près de la moitié des PME. Bien entendu, les deuxième et troisième variantes engendrent aussi des coûts supplémentaires pour l’employeur et aussi l’employé», rappelle-t-elle.

La spécialiste encourage les gens à s’intéresser plus tôt aux questions
relatives à la prévoyance et à prendre conseil à ce sujet si nécessaire.
3a: pas de possibilité de rattraper les cotisations non versées

En matière de prévoyance volontaire, beaucoup de personnes commencent à cotiser au troisième pilier, soit trop tardivement, soit renoncent à le faire par insuffisance de moyens durant certaines phases de leur vie professionnelle. Or, même si leur situation financière s’améliore par la suite, il n’y a actuellement aucune possibilité de rattraper les cotisations non versées au troisième pilier. Une évolution rapide de la réglementation n’est pas attendue: «La balle est ici dans le camp politique. Il y a certes eu une initiative parlementaire allant dans ce sens mais son issue est incertaine. De notre côté, tout ce que l’on peut faire est d’encourager les gens à commencer à cotiser dès que possible et autant que possible», constate Yvy Klein.

S’intéresser plus tôt aux questions liées à la prévoyance

Plus généralement, la spécialiste encourage les gens à s’intéresser plus tôt aux questions relatives à la prévoyance et à prendre conseil à ce sujet si nécessaire. Et de dévoiler quelques pistes: «Différentes options sont possibles, allant du conseil simple à une planification financière professionnelle complète. En matière de produits, il existe dans le troisième pilier des assurances qui permettent aux membres du couple de s’assurer mutuellement et de prévenir d’éventuels déséquilibres en matière de prévoyance. Dans le deuxième pilier, on peut aussi procéder à des rachats dans sa caisse de pension. Enfin, il ne faut pas oublier non plus le financement de l’acquisition d’un logement, qui est aussi une forme de prévoyance».

 

1 L’étude complète est disponible en cliquant ici.