Les craintes de bulle spéculative sont exagérées

Ben Peters & Robert Strachan, Evenlode Investment

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Le marché n’est pas dans une bulle et les valorisations ne sont globalement pas irrationnelles.

A l’occasion d’un dîner-conférence organisé la semaine dernière et consacré à l’investissement, la conversation a inévitablement tourné autour de l’état des marchés mondiaux des actions et de leur récente performance. Les Etats-Unis occupent un poids de plus en plus important dans les marchés mondiaux. Les entreprises américaines cotées représentaient fin février jusqu’à 71% de la capitalisation en dollars de l’indice MSCI World. Parmi elles, les sociétés technologiques sont prépondérantes, notamment Microsoft qui fait la course en tête, avec une pondération de 4,6% dans l’indice et une capitalisation boursière de 2’900 milliards de dollars.

Preuve de la domination de ces entreprises en termes de capitalisation boursière, moins d’un mois après la publication par MSCI de son rapport, Nvidia a vu sa capitalisation bondir de près de 400 milliards de dollars, pour atteindre 2’300 milliards. A titre de comparaison, seulement 16 des près de 1’500 sociétés qui composent l’indice MSCI World possèdent une valeur boursière supérieure à 400 milliards de dollars. Cela explique la forte progression du marché, l’indice ayant bondi de 27% en livres sterling et de 34% en dollars depuis décembre 2022. La question que se posaient toutes les personnes présentes au dîner était la suivante: combien de temps cela pourra-t-il encore durer?

Gare à l’exubérance des marchés

Certains des principaux épisodes de baisse constatés sur les marchés actions se sont produits dans des périodes d’exubérance au cours desquelles la valeur des actions a atteint des niveaux sans commune mesure avec la capacité des entreprises à dégager des profits. Au vu des entreprises qui portent actuellement le marché, la bulle Internet de la fin des années 1990 est un épisode qui sert souvent de référence pour dresser des comparaisons. Pour autant, le simple fait que les entreprises d’un même secteur aient vu leur valeur boursière considérablement augmenter ou qu’elles soient des mastodontes, ne veut pas forcément dire que nous assistons à la formation d’une bulle.

La valorisation de Microsoft est justifiée eu égard à ses perspectives, mais le titre est moins intéressant qu’il ne l’était après la baisse du cours en 2022.

Nous avons pris des positions dans Microsoft, qui a récemment enregistré des performances plus qu’honorables et qui possède une valeur boursière considérable. Avec une pondération de 4,3% dans notre portefeuille Global Dividend, le titre est légèrement sous-pondéré par rapport à son poids dans l’indice MSCI World. Sa pondération n’en demeure pas moins importante. Nous pensons que la valorisation de Microsoft est justifiée eu égard à ses perspectives, mais le titre est moins intéressant qu’il ne l’était après la baisse du cours en 2022. C’est pourquoi nous avons réduit notre exposition au titre dont la pondération avait atteint jusqu’à 6%. Les valorisations sont donc moins intéressantes qu’avant, mais nous sommes dans une bulle spéculative? Ce n’est pas ce que nous pensons.

Pour calculer la valeur des entreprises, nous estimons les cash-flows qu’elles pourraient générer à long terme et c’est sur la base de ces prévisions que nous prenons nos décisions. Il existe cependant une méthode de valorisation plus simple qui consiste à analyser l’évolution du ratio cours/bénéfice (PER) des entreprises. Toutes choses étant égales par ailleurs, lorsque le ratio PER augmente, cela signifie que l’entreprise est plus chère. Les cinq entreprises dont le ratio PER a le plus augmenté au cours des deux premiers mois de l’année ont connu une hausse équivalant à six «rotations». Quand bien même ces entreprises sont solides et de qualité, leur capacité à dégager des bénéfices n’a pas autant augmenté. D’où notre décision de réduire leur pondération.

Nous détenons également des entreprises qui n’ont pas autant eu les faveurs du marché. Chaque entreprise a sa propre histoire, mais les cinq plus fortes baisses du ratio PER équivalaient en moyenne à deux «rotations». Les entreprises de la santé et des biens de consommation ont affiché des performances globalement décevantes, alors qu’elles auraient dû augmenter leur chiffre d’affaires et leur rentabilité comme ce fut le cas l’an dernier, ce qui explique la baisse de leur ratio PER.

Cela ne veut pas dire pour autant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’entreprise de la santé et des biens de consommation Reckitt en est un bon exemple. Les craintes autour d’un procès intenté aux Etats-Unis contre sa filiale spécialisée dans les aliments pour nourrissons, Mead Johnson, ont été à l’origine d’un effondrement des cours du titre en mars. La baisse de la valeur boursière est, selon nous, bien supérieure aux frais de justice que l’entreprise pourrait avoir à engager.

Garder la tête froide face à des valorisations élevées

Si nous ne pouvons analyser toutes les entreprises cotées, nous pensons que le marché n’est pas dans une bulle et que les valorisations ne sont globalement pas irrationnelles. Nous devons toutefois rester à l’affût des prochains mouvements haussiers. Les segments du marché qui sont mieux valorisés pourraient en être à l’origine. Dans ce contexte, de tels niveaux de valorisation peuvent rester acceptables en termes de couple risque/rendement. Pour autant, si les rendements sont obtenus en accumulant des positions sur des entreprises dont la valorisation a déjà fortement augmenté, la balance pourrait finir par pencher de l’autre côté.

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