Les 5 cygnes noirs pour 2024

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Des risques géopolitiques à suivre de près. Avec Matt Gertken de BCA Research.

Un cygne noir est un événement inattendu. Régime iranien, gaz russe, relations sino-américaines, coup d'État turc, crise nord-coréenne: BCA Research vient de publier la liste des 5 risques géopolitiques dont personne ne parle. Des menaces qualifiées de peu probables par le célèbre bureau de conseil en investissements; mais qu’il surveillera avec attention tout au long de l’année. Le résumé avec le stratège géopolitique Matt Gertken.

Reprise des exportations d’hydrocarbures russes?

Humiliée en Ukraine, la Russie, délaissée, pourrait-elle déposer les armes? «Le remaniement du Kremlin en janvier quatre mois après avoir nommé un nouveau général à la tête des opérations souligne les difficultés de Poutine. Mais la Russie va certainement redoubler d'efforts pour épuiser la contre-offensive de ses adversaires et empêcher l'effondrement total de ses positions dans les territoires annexés de l'est», estime Matt Gertken.

Mais c’est la reprise des exportations de gaz naturel qui constitue, pour ce spécialiste des questions géopolitiques, le véritable cygne noir. Elle impliquerait un bouleversement au Kremlin. Voire le retrait de Poutine. «Ce scénario renforcerait l'économie européenne et la position de l'Ukraine. La Russie l’éviterait à moins qu'elle soit certaine que l'offensive de l'Ukraine ait déjà été stoppée», pronostique-t-il.

Dégel des relations sino-américaines

En octobre 2022, l'administration Biden a décidé d’imposer des contrôles stricts sur les semi-conducteurs en provenance de Chine. Elle incite à présent ses alliés à suivre son exemple. «Les États-Unis ne devraient pas prendre l’initiative de se réengager avec la Chine sur quoi que ce soit de substantiel, autre que la politique climatique, avant l'élection de 2024», estime Matt Gertken. Mais la Chine pourrait tendre la main à son rival américain, bien que les chances soient minces. «Biden sait, grâce à la politique Trump, que la guerre commerciale avec la Chine n’est pas rentable pour son économie. Aussi, les États-Unis cherchent à éviter une alliance russo-chinoise», ajoute-t-il.

La Corée du Nord s'est engagée dans un nouveau cycle de provocations qui pourraient créer des tensions dans la région, tandis que les relations Etats-Unis-Russie demeurent difficiles.

Ce cygne noir annoncerait la fin des mesures commerciales punitives et une reconsidération des contrôles à l'exportation, ainsi qu'un allègement des droits de douane.

L’effondrement du régime iranien?

Ce pays producteur de 4,55 millions de barils de pétrole par jour constitue, selon BCA Research, le risque géopolitique le plus sous-estimé. «En dépit de la percée nucléaire iranienne, il n'y a pas d'accords stratégiques entre les États-Unis et l'Iran pour empêcher les tensions d'augmenter, d’autant plus que l'Iran a rejoint la guerre de la Russie en Ukraine, rendant une détente de plus en plus improbable» souligne Matt Gertken. Des options militaires israélo-américaines semblent la réponse plausible. Mais elles mèneraient à une intensification des frappes iraniennes dans la région.

Depuis 2020, BCA Research soutient que le «craquage chiite» fera écho au printemps arabe de 2011. «L'instabilité a déjà frappé la Syrie et le Liban. L'Iran et l'Irak sont les prochains sur la liste. De tels évènements conduirait à des perturbations imprévues de l’approvisionnement en or noir», avertit-il.

Un coup d'État en Turquie?

Au pouvoir depuis 2002, le Président turc Recep Erdogan a décimé l'économie de son pays. Les revenus réels et le sentiment ont chuté tandis que sa cote d’impopularité a atteint son apogée. «Dans des circonstances normales, les électeurs chasseraient Erdogan du pouvoir lors des prochaines élections prévues entre avril et juin», explique-t-il. Mais les chances qu'il soit démis par la voie démocratique sont réduites depuis l'élimination du principal candidat de l'opposition. «Un coup d'État militaire ne peut être exclure dans le cas d’une élection volée, étant donné l’historique des putschs. Nous devons aussi inclure le risque d'un conflit avec la Grèce en mer Égée, mais dont l'intervention des États-Unis et de l'OTAN empêcherait une escalade hors de contrôle», précise-t-il.

Cette hypothèse entrainerait une rupture au sein de l'OTAN et un choc sur les marchés grecs et turcs, voire sur l'euro.

Un véritable conflit nord-coréen?

La Corée du Nord s'est engagée dans un nouveau cycle de provocations qui pourraient créer des tensions dans la région, tandis que les relations Etats-Unis-Russie demeurent difficiles. «Il n'y a plus aucun mécanisme fiable pour stabiliser la péninsule coréenne en cas de problèmes. Pendant des décennies, la Corée du Nord n'avait pas d'armes nucléaires et ses provocations militaires étaient ignorées par l'Occident au nom du maintien de la stabilité. Maintenant, parce qu’elle dispose de l’arme de destruction massive, elle pourrait mal calculer l'ampleur de ses provocations», analyse-t-il.

La Chine, de son côté, utiliserait volontiers ces tensions comme un moyen d'amener les États-Unis à la table des négociations. Et Biden pourrait accepter des pourparlers, pour la simple et bonne raison qu’il souhaite éviter une nouvelle crise politique étrangère en plus de tous les autres dossiers explosifs en cours.

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