Le pacte budgétaire de l'UE à l'épreuve

Philippe G. Müller & Roberto Scholtes Ruiz, UBS

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Bruxelles pourrait tolérer des déficits plus élevés, mais les marchés ne doivent pas ignorer la situation budgétaire toujours délicate en Europe méridionale.

L'été est en général une saison bien mouvementée pour les ministères européens des finances, dont le personnel doit plancher sur le budget de l'année suivante.

Cette année, l'Italie et l'Espagne seront au centre de l'attention, car leurs nouveaux gouvernements tentent de mettre en œuvre une politique budgétaire plus expansionniste sans déclencher de sanctions de la part de la Commission européenne (CE). L'approche belliqueuse du gouvernement italien et celle, plus subtile, du gouvernement espagnol entraîneront probablement des déficits plus importants que ce qui était convenu pour l'an prochain. 

Aux prises avec des problèmes plus pressants, comme le Brexit et les taxes douanières américaines, avec en outre l'approche des élections du Parlement européen (en mai 2019), la CE pourrait choisir de passer l'éponge sur des «dérapages contrôlés».

Le progrès budgétaire que Madrid espère présenter
masquerait un léger creusement du déficit.

En Italie, le projet de budget pour 2019 est encore en discussion. Plusieurs membres du gouvernement ont laissé entendre que beaucoup d'initiatives prévues dans le cadre du programme de la coalition seront soit revues à la baisse, soit repoussées.

Si le déficit prévu sera probablement inférieur à celui de cette année (-1,8%) et permettra une modeste réduction du taux d'endettement public, il n'en restera pas moins contraire aux règles imposées par Bruxelles. Au lieu de réduire, comme demandé, le déficit structurel (corrigé des variations cycliques et dépenses exceptionnelles), il l'aggraverait légèrement.

En Espagne, le nouveau gouvernement espère présenter un budget dont le déficit ne dépasserait pas 1,8% du PIB – soit un demi-point de pourcentage de plus que l'objectif initial, mais presque un point de mieux que cette année. Etant donné que la croissance de l'économie surpasse nettement la tendance, ce progrès masquerait un léger creusement du déficit (corrigé des facteurs cycliques) qui dépasse déjà 3%.

En outre, le parlement espagnol a rejeté les objectifs budgétaires, ce qui augmente la probabilité d'élections anticipées et/ou la prorogation du budget de 2018. Le scénario «sans changement de politique» intégré dans les prévisions d’UBS maintiendrait le déficit global autour de 2,4%, le déficit structurel dangereusement au-dessus de 3,5% et l'endettement public à près de 100% du PIB.

Les dépenses liées aux infrastructures ou à l'accueil des migrants 
pourraient être exclues du calcul du déficit.

Pendant ce temps, au Portugal, le gouvernement de centre-gauche a trouvé un équilibre permettant de financer des politiques sociales plus généreuses et d'abaisser le déficit en-dessous de 1% du PIB, diminuant ainsi clairement le taux d'endettement du pays. 

Les agences de notation ont relevé le crédit de la dette portugaise, quoique cela se reflète déjà nettement dans les écarts de taux souverains par rapport à la dette italienne.

Ces prochains mois, les médias suivront de près les pourparlers entre les dirigeants italiens ou espagnols et la CE. Les discussions pourraient donner lieu à des idées inédites, comme par exemple exclure du calcul du déficit les dépenses liées aux infrastructures ou à l'accueil des migrants.

On peut penser que la CE finira par céder, du moment que les déficits globaux continuent de baisser. Mais les marchés ne devraient pas ignorer pour autant la situation budgétaire toujours délicate en Europe méridionale. Les écarts de crédit souverains pourraient se creuser lorsque la croissance économique reprendra son rythme normal et que la Banque centrale européenne resserrera sa politique monétaire.

Les décisions budgétaires, au niveau national comme européen, demeurent un choix politique. Et ni Rome, ni Madrid, ni Bruxelles ne semblent avoir le courage d'imposer la rigueur. L'avenir révélera les conséquences de ces arrangements avec le pacte budgétaire européen.

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