De bons arguments pour investir dans les actifs rares

Philippe G. Müller & Thomas Wacker, UBS

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Le rendement des obligations à long terme est souvent un piètre indicateur de leur rendement total à court terme. Un exemple à titre de preuve.

 

Les sept premiers mois de l'année se sont écoulés et, lorsqu'on réfléchit comment se positionner pour investir à partir de maintenant, il est intéressant de comparer la performance des placements par rapport à leurs prévisions. Qui avait prévu que le Bund allemand à dix ans afficherait une performance nettement supérieure aux actions européennes?

La hausse des taux d’intérêt en euro s'est révélée plus modérée que prévu. Et la courbe des rendements en euro, plutôt forte, à la différence de celle des Etats-Unis, a contribué à hauteur de 1,3% au rendement du Bund tandis que les actions baissaient.

Le Bund en a profité sur deux fronts. En premier lieu, il y a une pénurie d'emprunts allemands du fait du programme d'achat d'obligations de la Banque centrale européenne (BCE). En second lieu, les investisseurs se sont inquiétés de la situation politique en Italie et des différends commerciaux mondiaux.

Le Trésor américain doit émettre de la dette en grande quantité
afin de financer un déficit budgétaire excessif.

Les autres obligations d'Etat européennes ont enregistré des performances contrastées (gain de +4,4% pour les emprunts portugais, perte de -4,1% pour les italiens). La plupart des alternatives de grande qualité au Bund ont sous-performé avec des rendements inférieurs à 1%.

L'écart de rendement substantiel entre les bons du Trésor américain et le Bund allemand, qui s’élève actuellement à 2,5 points de pourcentage, est souvent invoqué comme un facteur d'une probable hausse des taux européens. Pour cette année, cet argument figurait déjà dans nombre de prévisions mais, en réalité, l'écart s'est creusé et devrait rester important sur les douze prochains mois.

La Banque centrale américaine continue à relever ses taux et à réduire son bilan. En conséquence, le Trésor américain doit émettre de la dette en grande quantité afin de financer un déficit budgétaire excessif pour un pays dont la croissance est nettement supérieure à la tendance.

L'Europe connaît une situation presque inverse. L'Allemagne, l'émetteur obligataire de référence, dégage régulièrement un excédent budgétaire et a confirmé récemment que, l'an dernier, elle avait réduit la dette publique de 42 milliards d'euros.

Comme il n'est pas nécessaire de refinancer en totalité
les emprunts arrivant à échéance, le Bund se raréfie d'autant plus.

Pour la première fois depuis la crise financière mondiale, celle-ci est ainsi tombée à moins 2000 milliards d'euros. Comme il n'est pas nécessaire de refinancer en totalité les emprunts arrivant à échéance, le Bund se raréfie d'autant plus.

D'ici la fin de l'année, lorsque la BCE mettra un terme à ses achats nets d'obligations, son stock de Bunds devrait atteindre la limite d'émission, qu'elle s’est elle-même imposée, de 33% de l'ensemble des obligations éligibles pour un pays. L'an prochain, la BCE ne refinancera donc que les obligations arrivant à échéance et elle a confirmé que, dans l'idéal, elle réinvestirait le produit dans des obligations d'émetteurs publics du pays des titres échus.

Les échéances incluent suffisamment de Bunds pour que l'allocation de la BCE reste dans la limite d'émission au-delà de 2019, ce qui devrait en fait plafonner les rendements. En outre, la BCE pourrait tenter de conserver une duration relativement longue de son portefeuille obligataire. Elle ciblera donc probablement des obligations à plus long terme lors de ses réinvestissements.

On peut dès lors conseiller aux investisseurs de conserver leur allocation à des obligations à plus long terme et de qualité supérieure au sein d'un portefeuille multi-actifs bien diversifié.

Le rendement à l'échéance d'environ 0,45% du Bund allemand à dix ans peut sembler inintéressant. Mais au cours des six à douze prochains mois, leur rendement total pourrait dépasser nettement ce rendement moyen à l'échéance, mais aussi celui de nombreux actifs à risque, du moins si le climat d'incertitude actuel perdure.