Le métal industriel est l'argile dont est pétrie la relance

Thomas Planell, DNCA

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Renchérissement des matières premières: une saison de résultats d’entreprises sous le signe de la hausse des coûts de production.

Quelque 7’766 dollars la tonne: c'est le prix de clôture du cuivre en 2020. Alors que la croissance économique mondiale pourrait s'être contractée de près de 5% sur la période, le cuivre (+26%) s'est renchéri davantage que l'or (+25% en dollars). Plus que jamais, le métal industriel est l'argile dont est pétrie la relance. Dans la construction, il électrifie les lots d'habitations et leur domotique. Dans les infrastructures, il alimente les rames de métros ou de trains. Dans les énergies renouvelables, il irrigue les nacelles éoliennes, il compose les catalyseurs nécessaires à l'électrolyse qui décompose l'eau en hydrogène, il innerve les réseaux. En actionnant la prime à la conversion l'automobiliste utilise quatre fois plus de cuivre dans son véhicule électrique que dans son véhicule à combustion interne. L'offre, diminuée par les conditions difficiles d'exploitation des mines péruviennes et chiliennes, peine à satisfaire la demande. Mais le cas du cuivre n'est pas isolé. Après l'annonce des vaccins en novembre, ce fut tour à tour au baril de pétrole, puis au gaz naturel liquéfié de voir leur prix s'enflammer: +30% pour le brut de qualité WTI entre le 9 novembre et le 31 décembre, +50% en Asie pour les prix spots du LNG au cours de la seconde semaine de l'année nouvelle. L'âpreté de l'hiver, l'indisponibilité des méthaniers, la congestion du canal de Panama ont propulsé les prix du gaz à leur plus haut historique.

Depuis décembre, les taux d'affrètement
de conteneurs de l'Asie vers l'Europe ont quadruplé.

A l'ouest de l'isthme américain, l'arrivée des courants froids de la Nina dans les eaux du Pacifique a causé un dérèglement climatique d'une ampleur suffisante à perturber les récoltes sur plusieurs points du globe. Jusqu'en Europe l'effet se fait ressentir sur les prix des grandes céréales: en 2020, ils progressent de 18%. Les industriels de l'agroalimentaire ont d'ores et déjà demandé des revalorisations tarifaires auprès de la grande distribution. Cet inventaire de l'inflation serait incomplet sans le recensement des récentes fluctuations de prix du fret maritime. Depuis décembre, les taux d'affrètement de conteneurs de l'Asie vers l'Europe ont quadruplé. Alors que quelques mois plus tôt, des milliers d'entre eux occupaient les terminaux sans trouver de locataires, certains sont désormais facturés jusqu'à 12’000 dollars, contre 2’000 en octobre, en raison de la reprise du commerce mondial, de l'impératif de sécuriser les approvisionnements et de la rationalisation des capacités autrefois excédentaires des leaders mondiaux du shipping comme le danois AP Moller Maersk, le français CMA CGM et le suisse Kuehne + Nagel.

Pour les entreprises, la préservation des marges bénéficiaires ne pourra se faire sans répercussion de la hausse des prix sur leurs clients. Malheureusement, toutes ne jouissent pas de cette disposition que l’anglais financier nomme le «pricing-power». Par ailleurs, la capacité du consommateur à absorber une hausse généralisée des prix à l’issue de cette année difficile sur le front de l’emploi n’est pas certaine et pourrait mettre en difficulté les entreprises les plus directement exposées. En incorporant les premiers effets des hausses de matières premières sur les marges des entreprises, les résultats du quatrième trimestre devraient être riches d’enseignements quant à la réalité de l’inflation… et permettre à l’investisseur de séparer le bon grain de l’ivraie…

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