Le grand débat sur les taux d’intérêt en Europe

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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La persistance de l’inflation conduit les investisseurs à réviser à la hausse leurs anticipations de taux d’intérêt.

Le retournement est frappant. Accusés il y a peu par de nombreux commentateurs d’ignorer le message ferme des banques centrales contre l’inflation, les marchés seraient-ils en train d’aller trop loin? En Europe, les marchés monétaires anticipent désormais que la BCE portera son taux de dépôt de 2,5% actuel à plus de 3,75% cet été, soit un nouveau plus haut historique pour la zone euro. Selon Monsieur Villeroy de Galhau, dont l’opinion reflète habituellement la position médiane des membres de la BCE, cela va désormais trop vite. Les marchés obligataires seraient donc passés de la complaisance à l’excès de pessimisme.

Chercher le point d’équilibre

Pour le gouverneur de la Banque de France, en effet, l’inflation devrait commencer à refluer d’ici l’été, et l’économie européenne est encore trop fragilisée par le choc énergétique pour encaisser une hausse forte et rapide des taux d’intérêt. Il estime qu’au niveau actuel de 2,5%, et avec la réduction en cours du bilan de la BCE, la politique monétaire européenne commence déjà à devenir restrictive. Par ailleurs, comme Christine Lagarde l’a rappelé très récemment, le consensus à la BCE est que l’Europe n’est pas menacée par une spirale prix-salaires. Aller trop loin et trop vite dans la lutte contre l’inflation risquerait donc de provoquer une contraction économique qui obligerait la BCE à rebaisser rapidement ses taux.

Cet objectif est particulièrement important pour la BCE qui ne veut surtout pas revenir aux taux négatifs et à l’inflation trop basse d’avant Covid.

Comme la Fed, la BCE cherche donc patiemment le «ni trop, ni trop peu» qui permettrait à l’économie de continuer à croitre modérément tout en réduisant progressivement les pressions inflationnistes. Le but final est de trouver un nouvel équilibre – voire une nouvelle normalité – menant à une économique résiliente, mais avec une inflation et des taux d’intérêt plus élevés qu’au cours des année 2010. Cet objectif est particulièrement important pour la BCE qui ne veut surtout pas revenir aux taux négatifs et à l’inflation trop basse d’avant Covid.

De nombreux observateurs, dont bien entendu les «faucons» de la BCE, ne partagent pas tout à fait cette vision. Ils estiment qu’avec une inflation sous-jacente d’environ 5%, des taux monétaires d’au moins 4% seraient plus justifiés, d’autant que le marché du travail reste tendu et que les politiques budgétaires sont encore expansionnistes. De plus, la Réserve fédérale américaine étant appelée à monter ses taux au-delà de 5% pour lutter contre une inflation persistante, la zone euro ne peut se permettre, selon eux, de laisser rebaisser l’euro, ce qui risquerait d’attiser l’inflation.

La façon dont ce débat va évoluer – et sur ce point tout le monde est d’accord – dépendra des chiffres d’inflation et de croissance des prochains mois. Le consensus des économistes prévoit que l’inflation européenne se repliera progressivement pour atteindre environ 3% dans les douze mois. Si c’est bien le cas, il n’y a pas de raisons d’anticiper plus de hausse de taux d’intérêt que ce qui est déjà dans les prix des obligations. Aussi, les obligations à court terme de la zone euro commencent à être tactiquement intéressantes, pour la première fois depuis de nombreuses années. La stratégie centrale reste cependant ancrée sur le couple monétaire/actions, couple qui parait toujours plus attractif que le marché obligataire.

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