Le franc à parité avec l’euro d’ici la fin 2022

Anne Barrat

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Pour Frédéric Rochat et les experts de Lombard Odier, les avantages structurels de l’économie suisse, qui la protègeront contre l’inflation, renforceront le franc.

Réunis cette semaine dans le cadre de la session de janvier des perspectives mensuelles «Rethink Investing» de Lombard Odier, Frédéric Rochat, associé-gérant, Stéphane Monier, Chief Investment Officer, Samy Chaar, Chief Economist, et Gérard Felley, associé, ont partagé leurs vues, raisonnablement optimistes pour 2022. Une année qui verra la majorité des éléments d’un cycle exceptionnel liés à la lutte contre la COVID-19 et les risques systémiques afférents refluer pour laisser la place à de nouvelles opportunités dans un environnement post-pandémique qui se cherche encore en ce début d’année. 

Un environnement macro-économique rasséréné

«Après une phase de gestion de crise et de support massif de la part des autorités politiques et monétaires, explique Frédéric Rochat, associé-gérant, nous entrons dans une nouvelle phase, celle de la sortie crise et de la normalisation du soutien monétaire. Cette nouvelle dynamique génère flottement et incertitudes, sources de volatilité sur les marchés. Nous restons constructifs sur l’environnement économique à moyen-terme, avec une croissance mondiale normalisée aux alentours de 3,5 à 4% et des bénéfices d’entreprises, surtout sur les valeurs cycliques, qui restent solides.» Pas de changement radical du régime de croissance, donc, ni de remise en question fondamentale de la tendance haussières sur les marchés actions, en dépit d’un démarrage 2022 agité qui s’est traduit par des corrections aux Etats-Unis – le Nasdaq a perdu 13%, le S&P 500 8% – et en Europe. 

«Rester investis dans les actions, oui, à condition de préférer les actions de type valeur et cycliques aux valeurs de croissance, donc les marchés européens.»

Rien qui ne justifie une légère surpondération d’actions dans les portefeuilles, quitte à réinvestir les liquidités qui auraient pu être mises en réserve au dernier trimestre de 2021. «Rester investis dans les actions, oui, à condition de préférer les actions de type valeur et cycliques aux valeurs de croissance, donc les marchés européens, où les premières sont davantage présentes qu’aux Etats-Unis, souligne Stéphane Monier, Chief Investment Officer. Et de protéger les portefeuilles contre la volatilité – l’indice VIX, qui affichait une moyenne de 19,5 sur les 20 dernières années a atteint 39 début janvier avant de revenir à son niveau actuel de 33. La performance des entreprises au cours des 18 derniers mois doit beaucoup plus à une augmentation de leur rentabilité qu’à une augmentation de leur valorisation (PER). Or, les perspectives économiques favorables ne devraient rien changer à cette tendance.»

Une inflation temporaire à défaut d’être anecdotique

L’inflation ne devrait non plus menacer cette tendance, quelque grandissantes soient les inquiétudes qu’elle génère. Une certaine nervosité gagne les investisseurs qui, convaincus hier qu’elle ne serait que conjoncturelle et temporaire, cèdent aujourd’hui à la crainte qu’elle ne perdure. Une peur entretenue par la hausse continue des prix du pétrole – 60% en 2021, 15% en janvier 2022 –, par les conséquences possibles de la faiblesse des taux de chômage sur une hausse des salaires, une peur d’une hausse générale des prix qui signifierait une baisse du pouvoir d’achat. 

«L’inflation est un phénomène avant tout américain.»

«La vérité sur l’inflation? Tout d’abord, répond Samy Chaar Chief Economist, elle est temporaire. Dès que les pressions sur les prix du fret maritime, les chaines d’approvisionnement et les prix des matières premières auront diminué, ce qui a déjà commencé, l’inflation retrouvera peu ou prou son niveau d’avant la crise de COVID. Par ailleurs, elle est un phénomène avant tout américain. Les chiffres sont là: l’inflation hors pétrole aux Etats-Unis s’est élevée à 5,5% en 2021, alors qu’elle n’était que de 2,6% en Europe, 2% en Chine, 0,8% en Suisse et même négative au Japon sur la même période. Sans stimulus – les ménages américains ont reçu en moyenne 12'000 dollars en 2021, une somme considérable rapportée au revenu moyen de 45'000 dollars par personne et par an –, l’inflation américaine reviendra dans une fourchette de 2,5 à 3% sur 2022.» 

Un contexte favorable au franc 

Croissance, inflation, tous les facteurs macro-économiques convergent pour conforter la bonne santé de l’économie helvétique. Ses fondamentaux profitent de la croissance mondiale, sa monnaie, déjà forte, lui permet de mieux résister à la hausse des prix, des matières premières notamment, sans nuire à sa balance commerciale pour l’instant. Sans compter que les craintes inflationnistes qui pourraient davantage affecter d’autres économies et leur devise locale renforcent l’attractivité du franc, la valeur refuge par excellence. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu’il continue sa croissance. « Sur les deux dernières décennies, le franc  s’est en moyenne apprécié de 1 à 2% par an par rapport à l’euro. C’est une tendance de long terme que la BNS pilote afin d’éviter que cette croissance ne dépasse cette fourchette. Compte tenu des perspectives économiques, de la bonne santé structurelle de l’économie suisse et du rôle de valeur refuge que le franc sera amené à jouer cette année encore dans un contexte de tensions géopolitiques et pressions inflationnistes, il y a de fortes probabilités pour que la parité EUR/CHF soit une question de mois, conclut Gérard Felley, associé».

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