François Normand, CEO de Viage, répond aux craintes des retraités de devoir se séparer de leur bien immobilier et facilite la succession.
A la retraite, il est devenu plus difficile de conserver son bien immobilier et de renouveler son prêt. La baisse des rentes, la hausse des coûts de l’énergie et l’augmentation de l’espérance de vie empêchent de nombreux ménages de satisfaire aux exigences bancaires de financement des hypothèques (charges inférieures à 33% du revenu). La solution pourrait venir du viager, un système plus répandu en Europe qu’en Suisse.
Viage SA lance précisément Viager Swiss SCmPC (pour Société en Commandite de Placements Collectifs). C’est le premier fonds de placement suisse sur le marché du viager. Viage SA s’est associée avec GEFISWISS, qui s’occupe des aspects techniques liés à l’immobilier. Ce nouveau fonds a également conclu un partenariat avec la société MoneyPark, un acteur majeur des prêts hypothécaires. En l’occurrence, Viage amène les maisons en exclusivité pour le fonds, traite directement les aspects sociaux, soit de l’accompagnement du dossier avec les personnes âgées.
Ce fonds de «private equity immobilier» délivre un gain, distribué aux investisseurs, lors de la revente ou de la mise en valeur des biens. «Il offre une diversification pour les investisseurs et une solution aux propriétaires», déclare François Normand, CEO de Viage. Le fonds est agréé par la Finma et réservé aux investisseurs institutionnels.
L’histoire du produit mérite que l’on s’y attarde, avant d’entrer dans les détails techniques. Il y a 8 ans, un couple a demandé à François Normand une rallonge de 50 000 francs à son crédit hypothécaire pour des travaux. Comme les deux conjoints étaient à la retraite, leur revenu avait baissé, si bien qu’ils ne satisfaisaient plus le critère de charge/revenu des banques. Ils auraient dû rembourser 300 000 francs à leur crédit existant, mais n’avaient pas cet argent. Ils ont dû vendre leur maison, fruit de toute une vie de travail, explique François Normand. Cet événement a amené ce dernier à réfléchir à des solutions alternatives. En pratique, en cas de difficultés avec une banque, un membre de la famille apporte une partie du cash, mais ce n’est pas toujours possible. Ainsi, l’idée du viager a commencé à faire son chemin. Jusqu’ici, le viager n’existait en Suisse que de particulier à particulier. François Normand a imaginé une solution collective à ce défi.
Le montant du viager est fonction du prix du bien et de l’espérance de vie du propriétaire. Prenons un exemple afin de mieux comprendre le fonctionnement du viager: une villa hypothéquée à 500'000 francs est estimée à 1,8 million de francs et son loyer à 4836 francs. La durée d’habitation (en réalité l’espérance de vie des propriétaires) est de 12,87 ans.
La notion de droit d’habitation intervient alors. Lors d’un viager, le propriétaire peut rester dans sa maison jusqu’au décès des deux conjoints. L’espérance de vie permet ensuite de définir le droit d’habitation, lequel sera inscrit au registre foncier. En l’occurrence, il est de 747'000 francs (12,87 x 4836 x 12). Le montant qui est versé par l’acquéreur, appelé le bouquet, s’élève ainsi à 1,053 million de francs (1,8 - 0,747).
De ce montant, sont déduits le remboursement de l’hypothèque (-500'000 francs) et les éventuels impôts immobiliers. Le montant disponible en faveur du vendeur se monte ainsi à 553'000 francs. Le vendeur détermine ensuite selon son propre choix le paiement de cette somme sous la forme de capital ou sous forme de rente à travers le versement d’une prime unique à une société d’assurance.
Par souci de protection du vendeur, la valeur du bien est estimée par un expert immobilier agréé Finma. Le fonds Viager Swiss SCmPC ne peut s’écarter de ce prix à la hausse ou à la baisse. Le calcul du droit d’habitation est quant à lui réalisé par un actuaire de la société Alea, membre du Conseil d’Administration de Viager Swiss.
Outre la solution au problème de renouvellement du crédit, le viager permet au bien de sortir de de la succession. Ce n’est pas le moindre des avantages du viager, compte tenu des difficultés intervenant parfois entre héritiers au moment de la vente d’une maison. «La succession est ainsi réglée une fois que Viage devient propriétaire», déclare François Normand. Le «bouquet» permet, lui, de faire des donations aux enfants de leur vivant. Notons que l’âge d’entrée dans un viager a été fixé par le fonds au minimum à 70 ans. En moyenne, il devrait osciller entre 78 et 82 ans.
Pour l’investisseur, les coûts reflètent à la fois une portée sociétale et une structure du projet qui porte sur une multitude de biens de petite taille et non pas un petit nombre de très grands immeubles, indique César Pidoux, associé de Gefiswiss. Le TER n’est pas défini comme dans un fonds immobilier classique compte tenu de la nature semblable à du Private Equity. Concrètement, la commission de gestion qui intervient lors de la phase d’acquisition des biens s’élève à 1,5% sur le capital souscrit puis, après cette phase d’investissement, les frais de gestion annuels à 0,5% de la valeur d’inventaire.
S’il répond à un réel défi sociétal, François Normand dit être parfaitement équipé à la demande, y compris en cas de «raz-de-marée». Le fonds de placement est fermé (15 ans + deux fois deux ans) et limité à 100 millions de francs de fonds propres, et un levier potentiel de 33%, si bien qu’il peut grimper jusqu’à 150 millions de francs d’investissement. En raison de son profil «long terme», il a été décidé de réserver ce premier produit aux seuls investisseurs institutionnels.
Face au besoin qu’ont les propriétaires de rester dans leurs murs malgré les difficultés de financement, «nous nous attendons à un réel engouement. Le fonds n’est qu’un premier wagon, mais d’autres peuvent suivre une fois que le montant sera entièrement investi», révèle-t-il.