Points clés
- Le budget américain aggrave la situation des finances publiques du pays, augmentant le déficit de USD 4’000 milliards sur une décennie, voire davantage si les réductions d’impôts temporaires deviennent permanentes
- La législation associe d’importants allégements fiscaux destinés aux ménages aisés à des coupes drastiques dans les programmes Medicaid, les coupons alimentaires et les prêts étudiants
- Malgré l’ampleur de la loi, les effets de relance économique seront limités. Nous maintenons inchangées nos prévisions de croissance et d’inflation pour les États-Unis.
Le «grand et beau projet de loi» de l’administration américaine a été approuvé par le Congrès, respectant ainsi la date butoir du 4 juillet, mais au prix de déficits encore plus élevés. La législation prolonge les réductions d’impôts, sabre dans les dépenses sociales et augmente le déficit américain de USD 4’000 milliards sur dix ans. Avec peu d’avantages macroéconomiques et des perspectives budgétaires qui se détériorent, nous peinons à voir ce qu’il y a de beau dans un tel budget.
Après des séances marathon au Congrès américain, qui ont reflété les nombreuses préoccupations des républicains à l’égard du texte présenté, ainsi que quelques blocages du côté des démocrates, le «grand et beau projet de loi» du président Donald Trump a été adopté, respectant ainsi la date butoir du 4 juillet qu’il s’était lui-même imposée.
La version finale est similaire à celle adoptée par la Chambre des représentants en mai (voir Un grand, mais pas beau, projet de loi budgétaire américain), mais elle implique des déficits encore plus importants, passant de USD 3’000 à 4’000 milliards sur dix ans. Le Bureau du budget du Congrès (CBO) a estimé que cette loi augmentera le déficit américain de USD 3’400 milliards sur dix ans, mais son calcul ne tient pas compte de la charge d’intérêts. Si les réductions d’impôts «temporaires» contenues dans le projet de loi devenaient permanentes, le déficit total sur dix ans s’accroîtrait de près de USD 5’500 milliards. Ce chiffre est supérieur à l’impact combiné sur le déficit de la plupart des mesures de relance législatives adoptées ces dernières années: la loi sur les semi-conducteurs et la recherche scientifique (CHIPS and Science Act) de 2022, la loi bipartite sur les infrastructures (BIL) de 2021, la loi de relance économique (American Rescue Plan Act) de 2021 et la loi d’aide et de soutien économique liée au Covid-19 (CARES Act) de 2020.
Dans l’ensemble, nous réitérons notre appréciation initiale selon laquelle ce budget aggrave les perspectives budgétaires des États-Unis, sans pour autant apporter d’avantages macroéconomiques. Nous maintenons donc nos prévisions de croissance américaine à 1,3% en 2025 et 1,4% en 2026, et d’inflation à 2,8% et 2,7% respectivement.
Si, à elle seule, la législation ferait passer le déficit américain à plus de 7% du PIB, avec un pic à environ 7,5% en 2028, les recettes douanières américaines devraient contribuer à le maintenir dans une fourchette de 6% à 7% (voir graphique 1). Dans le cadre du budget et en incluant les recettes douanières, le ratio de la dette détenue par le public rapportée au PIB devrait passer de 100% aujourd’hui à 119% d’ici dix ans, alors qu’avec les politiques précédentes, il aurait atteint 114%. Sans les recettes douanières, le budget porterait ce ratio à 126% d’ici 2034 (voir graphique 2).
La législation prolonge la loi de 2017 sur les réductions d’impôts et l’emploi (TCJA), exclut les pourboires et les heures supplémentaires des impôts à concurrence de USD 25’000 jusqu’en 2028, et augmente les déductions fiscales au niveau des États et des collectivités locales («SALT») de USD 10’000 à USD 40’000, là encore jusqu’en 2028 seulement. La loi rétablit également les incitations à l’investissement des entreprises dans les équipements, ainsi que dans la recherche et le développement, qui avaient commencé à être progressivement éliminées en 2022-2023, et autorise la déduction intégrale des investissements dans les usines américaines jusqu’en 2028.
Pas de relance des dépenses de consommation
Pour la plupart, ces réductions d’impôts ne stimuleront pas la consommation. En effet, la prolongation de la TCJA ne modifie pas les flux de trésorerie actuels des ménages, et les dispositions relatives aux pourboires et aux heures supplémentaires ne concernent wqu’une petite fraction de la population. En outre, les déductions SALT ne concernent que les ménages gagnant plus de USD 200’000 par an. Ces consommateurs représentent une fraction importante des dépenses américaines, mais ils sont généralement plus lents que les tranches de revenus inférieures à dépenser tout revenu supplémentaire.
Les réductions de dépenses les plus marquées, représentant quelque USD 900 milliards, concernent le programme de santé Medicaid, essentiellement en imposant des exigences en matière d’emploi. Une coupe de USD 150 milliards sera aussi effectuée dans le programme SNAP ou «coupons alimentaires», et une réduction supplémentaire estimée à USD 350 milliards sera appliquée aux prêts étudiants sous forme de plafonds et de suppression progressive des plans de remboursement subventionnés et basés sur le revenu. Selon les estimations, plusieurs millions de personnes perdront leur couverture santé et/ou leurs aides pour l’achat de denrées alimentaires au cours des prochaines années. Si ces dispositions ont inquiété certains sénateurs américains briguant un nouveau mandat lors des élections de mi-mandat de novembre 2026, d’un point de vue économique, les répercussions de ces réductions des dépenses sur la consommation globale seront limitées. En effet, les ménages concernés ne représentent qu’une petite partie de la consommation américaine, et certaines dispositions relatives aux prêts étudiants sont reportées dans le temps.
La législation prévoit également des coupes très importantes dans la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) de 2022. Cependant, la version finale comporte des amendements de dernière minute, notamment une disposition visant à protéger les crédits d’impôt pour certains projets si au moins 5% du capital est dépensé avant le 30 juin 2026.
D’autres dispositions visent à tenir les promesses de campagne de Donald Trump. Le document de 940 pages prévoit par exemple USD 150 milliards pour le contrôle de l’immigration, comprenant les centres de détention, les opérations d’expulsion, le personnel supplémentaire et les installations frontalières. Il intègre également quelques cadeaux, par exemple la déduction des intérêts sur les prêts pour l’achat de voitures fabriquées aux États-Unis et des déductions supplémentaires pour les personnes âgées.
Enfin, la législation relève le plafond de la dette de USD 5’000 milliards, contre USD 4’000 milliards dans le projet de mai. Ce plafond redeviendra contraignant, probablement en 2027, car c’est le déficit public global des États-Unis qui importe pour le plafond de la dette du pays, et non le chiffre marginal découlant de cette législation.