Le Brexit vu par les investisseurs? Même pas peur!

Philippe G. Müller, UBS

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Le risque lié aux tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine est plus significatif à l'échelle mondiale que celui lié au Brexit.

© Keystone

La semaine dernière, le Premier ministre Theresa May a subi la plus lourde défaite de l'histoire moderne du Royaume-Uni pour un gouvernement britannique. La Chambre des Communes a rejeté par 432 voix contre 202 l'accord de retrait soumis par le gouvernement. Dans la foulée, le Parti d’opposition travailliste a déposé une motion de censure. Le gouvernement y a survécu avec la même marge étroite que lors du référendum sur le Brexit (52% contre 48%).

Après ces événements, la livre sterling a rebondi, les participants aux marchés des changes estimant que la probabilité d'un Brexit dur avait diminué. Néanmoins, l'incertitude perdure quant aux modalités du Brexit (sans accord, rupture franche ou rupture en douceur, retard), si tant est que ce dernier se concrétise.

L'impact du scénario noir serait négatif pour l'économie britannique

En novembre dernier, la Banque d'Angleterre a livré son estimation des répercussions négatives d’un hard Brexit. Selon elle, le PIB du Royaume-Uni pourrait se contracter de pas moins de 3% à partir de son niveau du premier trimestre 2019. Dans ce scénario du pire, la Recherche d’UBS estime que la livre sterling pourrait se déprécier fortement. Le taux de change GBPUSD pourrait tomber à 1,15 et l'EURGBP atteindrait la parité.

Les investisseurs très exposés au Royaume-Uni ou à la zone euro
devraient examiner leur stratégie de diversification internationale.

La prudence est donc de mise à l'égard de la livre sterling et il convient de se couvrir contre le risque de baisse à court terme. Néanmoins, UBS table sur une appréciation de cette monnaie à plus long terme (avec des objectifs de cours à 12 mois de 1,40 pour le GBPUSD et de 0,86 pour l'EURGBP).

La zone euro n'en sortirait pas indemne

Dans son dernier rapport Perspectives économiques mondiales, la Banque mondiale a souligné qu'une sortie sans accord «constitue un risque pour le Royaume-Uni, l'Europe et leurs principaux partenaires commerciaux». Il faut savoir que parmi les dix principaux partenaires commerciaux du Royaume-Uni, sept font partie de l'Union européenne (Allemagne, France, Pays-Bas, Espagne, Belgique, Italie et Irlande) et leurs exportations sont souvent des produits à forte valeur ajoutée.

La croissance ralentit en zone euro (seulement 0,2% au troisième trimestre) et l'Allemagne, sa plus grande économie, flirte avec la récession. Une perte de recettes tirées des exportations pourrait rapprocher encore la zone euro d'une récession. Il existe également un risque de contagion plus large.

Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a récemment averti qu'un Brexit turbulent pourrait avoir des répercussions négatives sur l'économie des Etats-Unis, étant donné l'exposition des banques américaines au système bancaire européen. Par conséquent, les investisseurs très exposés au Royaume-Uni ou à la zone euro devraient examiner attentivement leur stratégie de diversification internationale.

Au plan mondial, l'économie britannique est insignifiante

Le Royaume-Uni ne représente que 2,5% du PIB mondial, tandis que les Etats-Unis et la Chine pèsent 40% à eux deux. Manifestement, le risque politique lié aux tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine est plus significatif à l'échelle mondiale que celui lié au Brexit.

Theresa May semble désormais privilégier
une sortie en douceur de l'UE.
Un Brexit sans accord n'est pas encore acquis

Le Parlement britannique souhaite éviter ce scénario, soit en trouvant un compromis, soit en retardant la sortie de l'Union européenne (UE) prévue à la fin mars. Après avoir survécu à la motion de censure de la semaine dernière, Theresa May semble désormais privilégier une sortie en douceur de l'UE et prévoit de consulter à cet effet les parlementaires de premier plan et les dirigeants de tous les partis.

Pour sa part, l'UE a confirmé qu'elle était ouverte au dialogue sur sa relation future avec le Royaume-Uni dans le cadre d'une sortie en douceur. Certains médias ont également suggéré que l'UE était disposée à faire de nouvelles concessions concernant la clause de sauvegarde en Irlande pour peu que l'initiative vienne de Dublin, et à reporter la sortie du Royaume-Uni jusqu'en 2020.

Quels sont les facteurs décisifs pour les investisseurs?

Pour les investisseurs extérieurs au Royaume-Uni et à la zone euro, il est probablement encore trop tôt pour partir à la chasse aux bonnes affaires. Mais dans la plupart des scénarios, les portefeuilles internationaux diversifiés devraient être relativement bien immunisés contre les risques du Brexit. L'impact de la politique de la Fed, les perspectives de croissance mondiale et l'issue des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine demeurent les facteurs les plus décisifs pour les investisseurs internationaux.

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