A moins que le pétrole ne remonte soudainement, l’inflation totale devrait rester inférieure à 2% jusqu’au terme de notre horizon prévisionnel, fin 2021.
Par rapport à la plupart de ses voisins de la zone euro, l’Allemagne semble se sortir de la pandémie et de la récession associée avec de vilaines égratignures seulement. Les indices du climat des affaires et du moral des ménages ont chuté à des niveaux inédits mais le système de santé allemand n’a jamais frôlé la surchauffe et le pays devrait connaître la reprise avant les autres grandes économies occidentales. Les usines automobiles reprennent la production et les magasins rouvrent déjà progressivement. Le dispositif de chômage partiel éprouvé de l’Allemagne et d’autres mesures de relance budgétaire représentant plus de 10% du PIB nominal allemand soutiendra une reprise graduelle au second semestre. Contrairement à la France, à l’Italie et à l’Espagne, le pays dépend moins des services, plus affectés que l’industrie par cette crise. La perte due au maintien partiel des interdictions de déplacement pendant l’été pourrait être compensée en partie par une demande intérieure accrue pour l’offre touristique nationale. Le plus grand risque serait une deuxième vague de contaminations, qui anéantirait durablement la demande étrangère pour l’industrie et l’ingénierie allemandes et déclencherait un nouveau resserrement des mesures de confinement.
Les Allemands réagissent généralement à l’assouplissement monétaire par une crainte de l’inflation. Ce fut le cas entre 2008 et 2012 au moins, même si les chiffres contredisaient toujours les Cassandre. Si le phénomène est réapparu avec les dernières mesures monétaires et budgétaires coordonnées, la chute des prix de l’énergie et le vaste écart de production induisent plutôt des risques déflationnistes, au moins à court terme. A moins que le pétrole ne remonte soudainement, l’inflation totale devrait rester inférieure à 2% jusqu’au terme de notre horizon prévisionnel, fin 2021.
Il y a un mois, notre scénario de base tablait sur une chute des PIB européens à 80-90% de la normale en mars et en avril. Cette hypothèse semble aujourd’hui trop optimiste. Nous avons encore abaissé nos prévisions de croissance annuelle et sommes ainsi légèrement en dessous du consensus pour 2020 et 2021. D’après l’institut français de la statistique, l’INSEE, le taux d’utilisation des capacités aurait chuté à 56% en mars, bien en deçà de la moyenne à long terme de 81%. En janvier, il atteignait encore 77%. Comme le confinement imposé en France est plus strict et qu’il doit durer plus longtemps qu’en Allemagne, nous prévoyons une reprise de l’activité au mieux à la fin du deuxième trimestre. Les services contribuant davantage à la création de valeur ajoutée en France qu’outre-Rhin, l’économie française avait mieux résisté lors des crises précédentes, depuis 2008. Or, cette fois-ci, les services sont les plus affectés par la récession. D’après les chiffres préliminaires, l’indice des directeurs d’achats (PMI) du secteur tertiaire aurait chuté à 10,4 en avril, un plus-bas depuis sa création en 1998. L’indice PMI de l’industrie manufacturière a lui aussi chuté à un niveau récessionniste, sans toutefois tomber très en deçà des niveaux de la grande récession de 2008-2009.
Le recul des prix de l’énergie annonce une inflation très faible en 2020 et les investisseurs ont bien le temps d’évaluer les risques d’une flambée future. Le virus pourrait déboucher à moyen terme sur une démondialisation partielle qui n’élèvera pas forcément les prix sachant que les producteurs ne sont pas en mesure de répercuter la hausse des coûts sur leurs clients. Comme le PIB ne reviendra sans doute au niveau d’avant la crise qu’en 2022, l’écart de production devrait rester durablement négatif.