La Suisse échappera à une récession en 2023

Yves Hulmann

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Pour David Marmet, chef économiste pour la Suisse à la ZKB, l’évolution de l’indice hypothécaire de référence risque d’exercer une pression à la hausse sur l’inflation.

La Banque Cantonale de Zurich (ZKB) anticipe pour 2023 une récession modérée sur le plan mondial. Les Etats-Unis se trouvent encore dans une phase de stagnation. La Chine devrait continuer de croître à un rythme inférieur à son potentiel de long terme. Et alors que la Zone euro, la Grande-Bretagne et quelques pays émergents se trouvent déjà dans une phase de récession modérée, la Suisse ne devrait, elle, connaître qu’un ralentissement de sa croissance. L’économie helvétique devrait échapper à une récession l’an prochain avec une croissance moyenne de son produit intérieur brut (PIB) attendue à 1%, prévoit la ZKB.

Un scénario de «soft landing» est possible

Les scénarios de récession modérée, ou atterrissage en douceur («soft landing»), ne surviennent que rarement lorsque l’économie ralentit. Pourquoi pourrait-on assister à un «soft landing» l’an prochain? David Marmet, chef économiste pour la Suisse à la Banque Cantonale de Zurich, admet qu’il est effectivement plutôt rare que l’on assiste à un atterrissage en douceur de l’économie. Selon l’expert, il y a cependant de bonnes chances que cela puisse être le cas l’an prochain. Deux facteurs au moins vont en effet dans le sens d’un tel scénario: «D’une part, le marché du travail demeure encore très robuste. D’autre part, les gouvernements sont relativement bien préparés à affronter une situation difficile, compte tenu des récentes crises successives survenues ces dernières années comme celles du Covid ou suite à la guerre en Ukraine», mentionne-t-il.

Par ailleurs, les banques centrales sont, elles-mêmes, aussi conscientes qu’elles doivent agir prudemment pour éviter de précipiter les économies dans la récession. «Jusqu’à présent, les banques centrales ont tenu un discours assez agressif en mettant l’accent sur l’objectif de préserver la stabilité des prix. Toutefois, les banques centrales sont aussi conscientes qu’il faudra plusieurs mois avant que les mesures prises commencent à déployer leurs effets. Elles sont conscientes que l’inflation ne va pas redescendre de si tôt», analyse-t-il.

En matière de taux de change, la Banque Cantonale de Zurich anticipe un cours moyen de 0,96 franc par euro en 2023, tandis que la devise helvétique devrait se situer en moyenne à 0,92 franc par dollar l’an prochain.
Inflation: attention aux effets de second tour

Compte tenu du net recul des prix du pétrole tout au long du mois de novembre et au début du mois de décembre, les risques inflationnistes n’ont-ils pas été surestimés? David Marmet estime qu’il faut distinguer entre deux phases différentes concernant l’inflation. «Le point de départ de l’augmentation des prix a été la hausse des coûts de l’énergie. Le récent repli des cours du pétrole réduit les coûts de certains entrants pour les entreprises. En revanche, cette baisse n’a que peu d’effet sur les effets de second tour de l’inflation car les entreprises ont entretemps dû augmenter leurs prix pour faire face à la hausse de certains coûts. Les employés exigent des hausses de salaire pour 2023. Ainsi, il y aura une diminution de l’inflation en raison des effets de base mais celle-ci sera au moins en partie compensée par d’autres effets», met-il en perspective.

Et s’agissant de la Suisse, il faut aussi tenir du poids élevé des loyers dans le calcul de l’indice des prix à la consommation. «Jusqu’ici, le taux hypothécaire de référence utilisé pour la fixation des loyers est resté inchangé depuis le printemps 2020. Si celui-ci est relevé au cours de l’an prochain, son augmentation induira aussi une pression à la hausse sur l’inflation en Suisse», explique-t-il.

Dans ce contexte, le relèvement des taux annoncé par la Banque nationale suisse (BNS) ce jeudi ne devrait pas être le dernier. Outre une hausse d’au moins 50 points de base qui était déjà anticipée pour décembre, David Marmet s’attend à ce que la banque centrale procède ensuite à au moins un tour de vis supplémentaire en mars prochain.

En matière de taux de change, la Banque Cantonale de Zurich anticipe un cours moyen de 0,96 franc par euro en 2023, tandis que la devise helvétique devrait se situer en moyenne à 0,92 franc par dollar l’an prochain.

Retour attendu des obligations, prudence pour les actions

Du côté des marchés, la Banque Cantonale de Zurich mise sur les obligations qui constitueront à nouveau une alternative de placement attrayante en 2023, étant donné que la phase de correction, résultant des anticipations de hausse des taux, est déjà largement avancée.

Au sujet des actions, la Banque Cantonale de Zurich se montre prudente: les attentes concernant les bénéfices des entreprises se situent toujours à un niveau élevé – et elles vont certainement être révisées à la baisse. Lorsque les estimations des bénéfices seront revues à la baisse, cela exercera certainement une pression sur les cours des actions.

 

Croissance et inflation attendues en baisse en 2023

Plusieurs établissements et instituts ont publié leurs prévisions pour l’économie helvétique en 2023 au cours des derniers jours. Les experts de Credit Suisse tablent sur une croissance du PIB helvétique de 1% en 2023, tandis que les économistes du Secrétariat à l’Economie (Seco) ont abaissé mardi leurs prévisions à seulement +0,7%, contre +0,8% jusque-là. C'est nettement moins qu'en 2022: Credit Suisse prévoit pour l’année qui s’achève un taux de croissance de 2,0%, comparé à +2,1% du côté du Seco. Encore plus prudents, les économistes de BAK Economics anticipent, eux, une croissance du PIB helvétique de seulement 0,2% pour 2023, après une progression de 2% pour l’année qui s’achève. Pour la suite, les experts du Seco ont également émis un premier scénario pour 2024, attendant une croissance de 1,9%.

Au chapitre de l'inflation en 2023, les experts du Seco ont légèrement abaissé leurs pronostics à 2,2%, contre 2,3% jusqu'ici, tandis que les économistes de Credit Suisse s’attendent à ce que le renchérissement retombe à 1,5% l’an prochain. – (YH)

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