A la recherche de la valeur cachée

Thomas Planell, DNCA

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Les investisseurs se réjouissent des découvertes inattendues, surtout lorsqu’elles surviennent là où ils ne les attendaient plus.

Après les valeurs minières, dont les flux de trésorerie galvanisés par la hausse des métaux ont permis un retour à la distribution de dividendes (Glencore), voire des détachements-records (BHP), c'est au tour des valeurs pétrolières de redonner des signes de vie. Le sort s'acharne pourtant sans coup férir contre les producteurs d'hydrocarbures. En début d'année, l'agence S&P a revu à la hausse le coût du capital du secteur en raison de son «passif climatique».

Dans les hautes sphères européennes, la charge ne faiblit pas malgré le poids du secteur dans l’économie. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a fait écho aux aspirations de la BCE: mettant de côté le principe de neutralité de l'institution, il l'invite au contraire à se montrer plus discriminante dans ses achats d'obligations d'entreprises, en pénalisant les émetteurs de CO2. Loin d'être insensible à cet appel, le marché européen du carbone réagissait frénétiquement: en seulement deux séances début février, les prix de la tonne métrique progressaient de près de 15% projetant le cours du CO2 à un record historique de 40 euros. Pourtant, les bénéficiaires les plus évidents de la transition énergétique n'ont pas été les plus récompensés. Vestas, Orsted, Aker Wind Offshore entament un début d'année à contrepied du marché. Les challengers diversifiés comme Neoen, le fer de lance français de l'hydrogène vert (Mcphy), les petites capitalisations impliquées dans la transition (Voltalia, Vergnet, Albioma) sont également moins entourées que l’an passé. L’appétit pour les valeurs innovantes n’est pourtant pas remis en cause: le millésime des introductions en bourse est le meilleur depuis 2015 en Europe, avec près de 9 milliards d’euros placés depuis le début de l’année tandis que l’agence Lipper constatait un afflux hebdomadaire sur les ETF actions proches des records enregistrés. Mais la remontée des taux de référence (le taux à dix ans américain se rapproche des 1,5%) pèse sur ces valeurs à duration longue, dans un contexte de poursuite de la rotation.

Certains groupes pétroliers particulièrement engagés dans la transition
pourraient afficher un profil convexe intéressant.

A l’opposé du spectre, les valeurs pétrolières recueillaient les faveurs des investisseurs. N’ayant pas bénéficié du rebond du pétrole depuis le début de l’année elles semblent, à présent que le Brent se rapproche du seuil psychologique des 70 dollars, rappeler aux investisseurs leur rôle protecteur dans les périodes inflationnistes. Surtout, en remportant l’appel d’offre portant sur 8 gigawatts d’éolien offshore au Royaume-Uni, British Petroleum et Total démontrent que l’hégémonie des pure-players éoliens n’est plus garantie, entretenant l’anxiété à l’égard de ces derniers. Au contraire, certains groupes pétroliers particulièrement engagés dans la transition comme le norvégien Equinor ou le français Total pourraient afficher un profil convexe intéressant: d’un côté une valorisation particulièrement faible par rapport aux prix spot du baril assortie d’un programme d’investissement rationnalisé dans l’exploitation pétrolière, de l’autre, une allocation de capitaux progressive dans les renouvelables, offrant un potentiel de croissance encore sous-évalué par le marché. Il faudra naturellement du temps aux investisseurs soucieux de l’empreinte carbone de leur portefeuille pour accorder davantage de valeur à ces «actifs verts cachés» logés dans des portefeuilles encore majoritairement intensifs en émissions de carbone. Mais proposer ces actifs irrévélés à des investisseurs minoritaires au travers d’un spin-off pourrait accélérer cette reconnaissance ainsi que la création de valeur pour les actionnaires. La réaction très positive des marchés à la réalisation de l’actif UMG par Vivendi, de la division camions de Daimler ou de 25% des actifs renouvelables de l’espagnol Acciona démontre un appétit vivace pour ces opérations qui rappelle toutefois l’euphorie des années 2000 et 2007…

A l’image des chercheurs de l’équipe britannique d’exploration antarctique qui viennent de découvrir 1400 mètres sous la glace, à des températures inacceptables et sans lumière l’existence totalement inespérée de formes de vie, les investisseurs se réjouissent des découvertes inattendues, surtout lorsqu’elles surviennent là où ils ne les attendaient plus…

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