Un effet domino à double tranchant

Thomas Planell, DNCA

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L’impact final du COVID et le retour du short squeeze ont bien agité ce début d’année plutôt mouvementé.

Aux Etats-Unis, l’immunité collective au COVID19 pourrait n’atteindre que 38% de la population en mai alors que le niveau nécessaire à l’éradication des contaminations serait plutôt compris entre 55 et 82%. La largeur de l'estimation témoigne, malgré la mise au point des vaccins, de notre difficulté à envisager le monde d'après. Cette prise de conscience explique en partie l'érosion du sentiment d'euphorie qui enveloppait les marchés, et plus particulièrement les indices américains. La façon dont les actifs financiers ont intégré ce risque s'est pourtant montrée contradictoire.

En Asie comme aux Etats-Unis, les rendements exigés sur les obligations d'Etat n'ont pas baissé. L'or ne protégeait pas les portefeuilles. Les tensions constatées sur les marchés interbancaires en Chine ont accru la nervosité, quand bien même il est d'usage pour la PBOC (People's Bank of China) de réduire ses injections de liquidités en amont de la célébration du nouvel an chinois. Mais à la surprise générale, c'est le contrepied pris par les investisseurs individuels américains sur les valeurs les plus vendues à découvert par les grands hedge funds institutionnels qui semble avoir été la cause principale du sursaut de la volatilité. Au cœur des stratégies de ces «shorts sellers» institutionnels figure ce que le plus célèbre d’entre eux, Carson Block, fondateur de «Muddy Waters» appelle «l'effet domino»: il se produit lorsque la mise en évidence d'une seule irrégularité suffit pour convaincre le marché de remettre en cause l'ensemble des activités de la société, de l'authenticité de sa comptabilité à la probité de ses dirigeants, précipitant la chute du titre et les gains des vendeurs à découvert qui, de plus en plus nombreux, rejoignent le raid. Mais cette réaction en chaine est à double tranchant.

Les positions vendeuses ont été débouclées,
entretenant encore davantage la hausse des cours.

A la faveur des subventions versées par les plans de soutien à l’économie, d’effets de levier et de frais de transactions proches de ceux des professionnels, les investisseurs individuels américains ont organisé par le truchement des plateformes communautaires de véritables raids à l’achat contre les positions les plus consensuelles des hedge funds. Avec la progression à trois chiffres de certaines actions, l’effet domino s’est alors inversé, au détriment des fonds vendeurs à découvert. Afin de reconstituer les marges de sécurité et réduire le risque des engagements causés par des pertes potentiellement illimitées, les positions vendeuses ont été débouclées, entretenant encore davantage la hausse des cours. Ce phénomène connu sous le nom de «short squeeze» a alimenté l’un des mouvements les plus violents jamais observés.

Plus de 23 milliards d’actions ont été échangées ce mercredi à Wall Street, bien au-delà du précédent record du krach d’octobre 2008 alors que quelques jours avant, la recapitalisation de Melvin Capital rappelait les heures sombres de la Grande crise financière ou de la chute du fonds LTCM. Il serait de la part des intéressés bien malhabile de blâmer l’afflux de liquidités… car comme l’écrit Bossuet: «Dieu rit de ceux qui maudissent les conséquences des causes qu’ils chérissent».

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