La prévoyance privée, objet de toutes les convoitises

Yves Hulmann

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Combiner produits d’assurance et de prévoyance permet de se différencier sur le marché du pilier 3a, selon Reto Näscher, CEO de the prosperity company.

En plein développement, le marché de la prévoyance individuelle est aussi toujours plus convoité en Suisse. Au cours des cinq dernières années, on a vu apparaître près d’une dizaine de nouvelles plateformes numériques dédiées spécifiquement aux questions de prévoyance individuelle, en particulier pour le pilier 3a – des offres qui s’ajoutent à celles qui étaient déjà proposées par des banques et des assurances.

Une réelle motivation pour épargner

«Il existe aujourd’hui une réelle motivation pour épargner, car les gens souhaitent conserver leur niveau de vie au-delà de l’âge de la retraite», observe Reto Näscher, directeur de the prosperity company (TPC) et membre du conseil d’administration de l’assureur Liechtenstein Life, l’une des différentes entités de TPC. La société, basée au Liechtenstein, aussi largement présente en Suisse alémanique et au Tessin, a constitué un écosystème numérique qui réunit différentes offres en matière de constitution de patrimoine, de prévoyance vieillesse et de protection contre les risques.

Le spécialiste des questions de prévoyance observe que de nombreuses personnes âgées de 30 ou 40 ans ne souhaitent pas forcément travailler au-delà de l’âge de la retraite, tel qu’il est défini aujourd’hui. «Beaucoup de gens se rendent compte qu’il faudra peut-être travailler jusqu’à 68, 69 voire 70 ans pour bénéficier de rentes complètes. Or, il est désormais utopique de penser qu’il sera possible de partir à la retraite à 63, 64 ou 65 ans, en s’appuyant uniquement sur les rentes des 1er et 2e piliers. La prévoyance du 3ème pilier occupera aussi une place toujours plus centrale au cours des prochaines décennies», anticipe-t-il.

Il est important avant tout d’apporter des solutions qui ne soient pas seulement compétitives en matière de prix mais qui apportent un «mix» intéressant en combinant épargne et sécurité.
Moins de 60% du dernier salaire est couvert par les 1er et 2e piliers

Et de mettre en perspective l’évolution des rentes au cours des dernières décennies en termes de pouvoir d’achat: dans les années 1980, on estimait que les 1er et 2e piliers permettaient, ensemble, de couvrir 80% du dernier salaire. Par la suite, cette estimation a été ramenée aux environs de 66% durant les années 1990, tandis que l’on situe actuellement ce seuil plutôt aux environs de seulement 55%, une évolution due notamment à la baisse des taux d’intérêt et de l’allongement de la durée de vie. Cette situation semble du reste être perçue également par de nombreux épargnants encore relativement jeunes: en matière de solutions de prévoyance, l’âge moyen des clients de the prosperity company atteint en effet d’un peu plus de 34 ans, relève le directeur.  

La simplicité d’utilisation, un facteur de différenciation clé

Compte tenu de l’abondance d’offres dédiées au pilier 3a déjà existantes, comment est-il possible de se démarquer dans ce domaine? Pour Reto Näscher, il est important avant tout d’apporter des solutions qui ne soient pas seulement compétitives en matière de prix mais qui apportent un «mix» intéressant en combinant épargne et sécurité. «Notre offre doit être concurrentielle – non seulement au regard du pricing mais aussi grâce à la combinaison de plusieurs prestations d’assurance», comme la protection accordée en cas d’incapacité d’exercer une activité lucrative ou de décès, explique le directeur de the prosperity company. Pour le spécialiste des domaines de la fintech et de l’insurtech, la simplicité d’utilisation constitue un autre critère de différenciation clé. Le fait de pouvoir gérer différentes prestations, allant de l’épargne à la prévoyance en passant par les assurances, au sein d’une seule et même application est un avantage important pour de nombreux clients.

Il souligne aussi l’importance de pouvoir s’appuyer sur une analyse en continue des données des clients afin de leur proposer des solutions adaptées à l’évolution de leur situation. «Grâce à ce travail d’analyse, nous avons pu réagir très tôt aux difficultés rencontrées par nos clients au sein de certaines branches lorsque la pandémie de Covid-19 a éclaté au printemps 2020. Nous avons alors pro-activement proposé à nos clients qu’ils puissent suspendre le versement de leurs primes», cite à titre d’exemple Reto Näscher. A l’inverse, l’analyse de données permet aussi de reprendre contact avec des clients lorsque ceux-ci ne versent par exemple plus de nouveaux montants dans l’épargne 3a, par exemple. Actuellement, the prosperity company compte environ 70'000 clients en Suisse. La société, déjà bien implantée sur les marchés de Suisse alémanique et du Tessin, a aussi l’intention de prendre pied en Suisse romande, ne manque pas d’ajouter Reto Näscher.

Fonds ESG, cryptos: les offres pour le pilier 3a ne cessent de se diversifier

Les offres ne cessent de se diversifier dans le domaine de la prévoyance privée. En plus des solutions qui étaient déjà proposées par les établissements bancaires classiques, des nouvelles plateformes ciblent spécifiquement la clientèle du pilier 3a, soit en mettant une offre de placements très spécifiques - tels que les cryptomonnaies ou les placements ESG -, soit en se démarquant grâce à des frais de gestion très bas.

Dans la première catégorie, on trouve par exemple les offres d’Inyova, une start-up zurichoise spécialisée dans l’investissement d’impact, qui propose aux épargnants de placer leurs avoirs du troisième pilier de façon entièrement durable via un compte proposé en partenariat avec la fondation de prévoyance Liberty Pension.

Depuis l’automne dernier, les fans de cryptomonnaies peuvent désormais aussi investir une partie de leurs avoirs du pilier 3a dans un fonds dédié aux cryptomonnaies, le «Crypto Market Index Fund». finpension, une société spécialisée dans la gestion et l’administration d’actifs de retraite des 2e et 3e piliers, permet aux clients de placer des avoirs de prévoyance dans ce fonds. Ce premier «cryptofonds» de droit suisse a été validé fin septembre par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma).

Des frais bas ne sont pas à eux seuls une garantie de succès

Dans la seconde catégorie, plusieurs plateformes ont lancé des offres qui privilégient des frais de gestion très bas. Dès 2018, la fintech VIAC a été la première société a lancé une offre entièrement numérique dédiée au pilier 3a, franchissant le milliard de francs d’actifs sous gestion en février 2021. Frankly, l’application dédiée au pilier 3a de la Banque cantonale de Zurich (ZKB) a aussi annoncé fin novembre avoir franchi le seuil du milliard de francs d’avoir de la clientèle dans pilier 3a. S’y ajoutent aussi les offres de nouveaux acteurs numériques tels que Descartes Finance qui propose des solutions de type robo advisory pour le pilier 3a via sa plateforme DescartesPrévoyance. Fondée en 2019, Tellco SA propose aussi des solutions pour la prévoyance privée pour les pilier 3a et 1e.

Proposer des stratégies axées sur les prix les plus bas n’est toutefois pas toujours une garantie de succès. Ainsi, Sparbatze, une plateforme qui s’était lancée en 2020 sur le marché de la prévoyance, ciblant en particulier les avoirs du pilier 3a en Suisse alémanique, a annoncé récemment sur son site qu’elle allait cesser ses activités opérationnelles à fin janvier, précisant que les clients pouvaient aller retirer leurs avoirs déposés en toute sécurité auprès de la Banque cantonale de Zoug.

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