L’OPEP peine à s’accorder pour prolonger sa politique de réduction de l’offre jusqu’en 2024 et endiguer la baisse des prix.
Les marchés n’ont pas été impressionnés par la réduction de quotas de production annoncée la semaine passée, soit plus de 2 millions de barils par jour (mbpj), dont la moitié reflète l’effort de l’Arabie Saoudite. Les prix du brut restent ainsi inférieurs au niveau observé avant la réunion de l'OPEP+, s'échangeant à près de 77 dollars sur le Brent et proche de 70 dollars sur le West Texas Intermediate (WTI) avec une configuration en contango baissier (prix au comptant inférieurs à ce niveau dans les mois suivants). En outre, la structure par terme des prix du WTI, semble impliquer que les prix d'équilibre à long terme se situent actuellement à un niveau bas de 60 dollars le baril.
Les participants au marché ont souligné que ces nouvelles réductions ne représentent en réalité que la moitié du montant annoncé. Par ailleurs, la mise en œuvre effective des réductions promises apparaît incertaine. Certains pays membres de l'OPEP sont mécontents des niveaux de production qui leur sont assignés. L’Iran, qui n’est pas soumis aux restrictions de production en raison des sanctions américaines, a commencé à produire davantage. Les Émirats arabes unis cherchent également à produire plus pour monétiser leurs investissements massifs en matière de capacité. De plus, le Brésil rejoindra l’année prochaine l’organisation OPEP+, en tant que plus grand producteur d’Amérique latine.
La confiance entre les pays membres de l’OPEP est une chose, la confiance du marché est encore plus importante. L’équilibre de cartel est difficile à maintenir. Chaque participant a un intérêt à dévier de la stratégie collective de maximisation du profit pour récolter les fruits de la discipline des autres producteurs. Ainsi, l’accord de cartel n’est pas un équilibre de Nash. Il est extrêmement difficile de garantir que les membres du cartel adhéreront à la stratégie commune.
La Russie entretient une relation amour-haine avec l’Arabie saoudite. La méfiance entre Riyad et Moscou a contribué à la chute des prix du pétrole jusqu'à l’absurdité des prix négatifs en avril 2020, alors que l'économie mondiale s'était arrêtée, suite à l'épidémie de Covid. La Russie contribue aux efforts de l’OPEP+ visant à contrôler les prix uniquement en limitant les exportations, et non en réduisant sa production.
Un second problème est que les sanctions occidentales n’ont pas réussi à réduire le pouvoir de marché de la Russie. Les revenus mensuels de Moscou provenant des exportations de pétrole sont désormais plus élevés qu’avant l’invasion de l’Ukraine. Un accord de sanctions conclu il y a un an, visant à réduire l’attrait du pétrole russe, a plutôt favorisé un commerce lucratif pour de nombreux intermédiaires et compagnies maritimes difficile à tracer.
La revanche du pétrole de schiste américain
Les données de la production américaine ont été très bien orientées au cours des derniers mois. Les investissements dans le secteur ont repris après des années de restriction. Les vagues de faillites de 2015 et 2020 ont remodelé le secteur énergétique américain. En outre, les capitaux et les financements sont plus difficiles à obtenir, car les considérations ESG ont contraint un certain nombre d’investisseurs institutionnels à désinvestir du secteur pétrolier.
Malgré ces défis, la production pétrolière américaine atteint désormais un niveau record. La production de brut est remontée à 13,2 mbpj fin novembre. C’est la première fois que le cap des 13 mbpj est atteint depuis la crise Covid. En conséquence, les importations américaines de pétrole ont diminué d’un peu moins de 1 mbpj pour atteindre environ 6 mbpj au cours des dernières semaines.
La production élevée actuelle est imputable à la reprise des investissements pétroliers depuis 2021. Les quelques 8’000 puits de pétrole creusés, sont progressivement devenus opérationnels. Le nombre de puits inutilisés est tombé à 4’000. Ces capacités marginales sont entrées sur le marché à mesure que les prix du pétrole se stabilisaient autour de 75 dollars, au début de cette année.
En 2022, le président Joe Biden a puisé dans ses réserves stratégiques de pétrole pour protéger le consommateur des prix de l’essence après l’invasion de l’Ukraine. Les réserves stratégiques sont désormais stabilisées à de faibles niveaux et le gouvernement américain cherchera à reconstituer ses stocks à long terme. Les achats publics devraient ainsi fixer un plancher durable aux prix du pétrole. Il est difficile de croire que ce plancher serait aussi bas que les 60-65 dollars actuellement pratiqués sur le marché. En outre, le contexte international et la militarisation des approvisionnements énergétiques devraient entraîner une hausse durable des prix du pétrole.
Dans un contexte d’augmentation de la production pétrolière aux États-Unis, les stocks se sont redressés, ce qui a entraîné une baisse des prix au comptant. La constitution des stocks intervient au moment de la réduction saisonnière des stocks, d’où l’impact important sur les prix du brut.
L’Arabie saoudite est isolée dans sa tentative de contrôler la production, alors que de nombreux membres de l’OPEP+ cherchent à augmenter leur production. La renaissance du schiste américain a fait basculer le marché dans une offre excédentaire. L’Arabie Saoudite parviendra-t-elle à convaincre l’OPEP de réduire sa production? Dans le cas contraire, les prix du pétrole devraient encore baisser.