La digitalisation de la gestion de fortune, défi ou solution?

Xavier Ricbour, Forum Finance Group

2 minutes de lecture

Répondre aux attentes d’une nouvelle génération qui cherche la simplicité de fonctionnement, l’accessibilité à ses comptes, la flexibilité et la rapidité d’exécution … à moindre coût.

Depuis la crise des crédits subprime de 2008, la banque privée Suisse a fait face à de nombreux défis. L’explosion réglementaire, la fin du secret bancaire, la révolution digitale, les taux bas, une pandémie… Ces défis ont testé les limites de la structure des modèles d’affaires existant, mettant à jour la fragilité et le manque de flexibilité de nombreux établissements. De tous ces défis, le plus considérable est sans doute la digitalisation des processus et des structures existantes. Nous allons voir comment certains gérants indépendants ont su industrialiser leur modèle d’affaire et pourquoi les grandes banques prennent généralement du retard.

Pendant les dix dernières années, les gestionnaires de fortune ont vu leur rentabilité se détériorer régulièrement alors même que la taille de leur marché n’a cessé de grandir. Cette évolution a débouché sur deux constats: la difficulté des banques à s’adapter rapidement au changement, ce qui a causé la disparition de quelques 70 établissements dans les dix dernières années. Le modèle actuel qui incorpore presque toute la chaine de valeur n’est pas rentable.

Certains gérants indépendants n’ont pas attendu leurs partenaires bancaires pour simplifier et digitaliser leur modèle d’affaire.

Les banques privées s’assimilent à de gros paquebots qui peinent à manœuvrer. Les progrès technologiques sont longs à adopter, coûteux à mettre en place et les résultats restent timides. Il faut dire, pour leur défense, que ces institutions partent rarement d’une feuille blanche lorsqu’elles s’engagent dans la digitalisation: elles doivent surmonter les limites de leurs systèmes informatiques existants, peu flexibles, qu’elles ont hérité au gré de leur croissance par fusions et acquisitions.  Si elles ont grandi de manière organique, elles investissent dans une nouvelle plateforme informatique qu’elles réoutillent aussitôt pour qu’elle fasse ce que faisait l’ancienne.  Cette lenteur donne des ailes à de plus en plus de sociétés de technologie financière (fintechs) œuvrant dans la gestion de fortune et bousculant les structures traditionnelles de l'industrie.

Pour capturer les nouveaux clients millionnaires et maitriser ses coûts il devient donc essentiel d’accélérer la simplification et la digitalisation du modèles d’affaires du gestionnaire de fortune. Il faut développer des solutions intelligentes et fluides pour répondre aux attentes de cette nouvelle génération de clients qui cherchent avant tout la simplicité de fonctionnement, l’accessibilité à leur compte, la flexibilité et la rapidité d’exécution, le tout à moindre coût. Pour cela, il ne faut pas hésiter à exploiter les fintechs spécialisées et reproduire à l’extérieur la chaîne de valeur que les banques s’évertuent à garder en interne au prix de leur rentabilité.

Forts de ce constat, certains gérants indépendants n’ont pas attendu leurs partenaires bancaires pour simplifier et digitaliser leur modèle d’affaire. Souples et flexibles, ces gérants de fortune 2.0 ont anticipé et ont décidé de s’adapter et de s’équiper. Ils ont embrassé la digitalisation au lieu de la retarder. Cette approche commence généralement par la mise en place d’une architecture informatique basée sur le cloud. Les données anciennement stockées à grands frais sur de nombreux serveurs locaux, sont migrées vers un cloud basé en Suisse. Cette stratégie permet de baisser radicalement les coûts informatiques tout en augmentant la productivité des employés. Ces derniers peuvent désormais travailler en mode virtuel depuis n’importe où, sur n’importe quel support (mobile, notebook…). Grâce à cette architecture, la continuité de l’entreprise se voit optimisée: en cas de sinistre, le travail peut reprendre rapidement, car tous les fichiers sont accessibles sur le cloud.

La digitalisation des processus et des structures est indispensable pour pouvoir gérer de manière rentable la fortune de nos clients actuels.

Ensuite, le suivi des clients et la gestion des portefeuilles s’optimise par le biais de solutions PMS (Portfolio Management System) et CRM (Client Relationship Management) de dernière génération. Cette solution permet d’automatiser certains aspects règlementaires et de conformité, comme le suivi des risques ou la surveillance des limites dans les portefeuilles. Elle permet également passer des transactions, calculer les frais, consolider les comptes et produire des rapports pour les clients en quelques minutes.

La partie purement administrative de l’entreprise est gérée avec la même légèreté et flexibilité : la gestion de la comptabilité, des frais et des dépenses peut se faire par le biais d’applications qui permettent de scanner et de comptabiliser une facture ou une addition avec son portable. Cette dépense est envoyée, aussitôt vérifiée en ligne en interne, et, avant même que vous ayez réglé votre restaurant ou votre hôtel, la note de frais est déjà comptabilisée et souvent remboursée. La maintenance informatique, le marketing sur les réseaux sociaux ou les ressources humaines se font par le biais de sociétés spécialisées, supervisées par un COO en interne.

La prochaine grande étape sera l’enregistrement des données clients sur une blockchain, ce qui diminuera le temps pour leur ouvrir un compte auprès d’une banque.

En conclusion, la digitalisation des processus et des structures est indispensable pour pouvoir gérer de manière rentable la fortune de nos clients actuels et répondre aux demandes de la nouvelle génération. Mais l’avantage principal est qu’elle libère du temps aux gérants pour qu’ils puissent se concentrer sur leurs clients et développer leur principal avantage concurrentiel: la relation de confiance qu’ils ont avec eux.

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