La décision de la BCE

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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La BCE a laissé ses taux directeurs inchangés mais fournit des liquidités abondantes et bon marché.

Les taux directeurs de la BCE sont restés inchangés à 0,25% pour la facilité de prêt marginal, à 0,0% pour le taux des opérations principales de refinancement et à -0,5% pour la facilité de dépôt. Lors de la conférence de presse, Christine Lagarde, présidente de la BCE, a souligné que la décision de laisser les taux inchangés n'était pas due au fait que la banque centrale considère que les taux actuels se situent à la limite inférieure effective, c'est-à-dire au taux en dessous duquel de nouvelles réductions pourraient être contre-productives. Ce message clair indique que la BCE considère toujours qu'elle a une marge de manoeuvre pour d'éventuelles futures baisses. Les taux resteront à leur niveau actuel ou à un niveau inférieur jusqu'à ce que les perspectives d'inflation approchent résolument les 2% sur l'horizon de prévision.

En ce qui concerne les perspectives d'inflation, la présidente Lagarde a déclaré que le contexte actuel exercera une pression à la fois à la hausse et à la baisse sur différents prix, mais qu'avec la forte baisse des prix du pétrole, l'effet net sera très probablement une inflation plus faible à court terme dans la zone euro.

Les opérations de refinancement à plus long terme, appelées LTRO, seront menées temporairement, non pas pour faire face aux tensions actuelles sur les marchés monétaires ou aux pénuries de liquidités, mais pour assurer un soutien efficace en cas de besoin. Elles seront effectuées par le biais d'un appel d'offres à taux fixe, la totalité des soumissions étant servie, c'est-à-dire que la limite de soumission par opération est supprimée pour toutes les opérations futures, avec un taux d'intérêt égal au taux moyen de la facilité de dépôt. Cette facilité permettra de couvrir la période jusqu'à l'opération TLTRO III en juin 2020.

La BCE se tient prête à fournir des liquidités
supplémentaires si nécessaire.

L'opération de refinancement à plus long terme, TLTRO III, qui s'étendra du 24 juin 2020 au 23 juin 2021, sera assortie d'un taux d'intérêt inférieur de 25 points de base au taux moyen appliqué aux opérations principales de refinancement de l'Eurosystème. Pour les contreparties qui maintiennent leur niveau d'octroi de crédit, le taux peut être aussi bas que 25 points de base au-dessous du taux moyen de la facilité de dépôt, c'est-à-dire -0,75% ou moins. Les montants maximums seront portés de 30% à 50% de l'encours de crédit éligible des contreparties. La limite de 10% de l'encours des prêts éligibles pour le montant des fonds pouvant être empruntés est supprimée sur toutes les opérations futures. Le seuil de performance des prêts pour atteindre le taux d'intérêt minimum a été abaissé de 2,5% à zéro. Le remboursement des montants empruntés sera possible un an après le règlement, au lieu de deux ans. En outre, des mesures d'assouplissement de collatéral seront étudiées.

Les achats nets d'actifs seront augmentés de 120 milliards d'euros jusqu'à la fin de l'année. Les achats d'actifs dureront aussi longtemps que nécessaire et prendront fin peu avant que la BCE ne commence à relever ses taux directeurs. Les réinvestissements des paiements en principal des titres arrivant à échéance se poursuivront intégralement et pendant une période prolongée après la date à laquelle la BCE commencera à relever les taux directeurs.

La BCE se tient prête à fournir des liquidités supplémentaires si nécessaire.

Christine Lagarde a qualifié la crise actuelle de grave, mais elle estime qu’elle restera temporaire, tant que la réponse budgétaire est adéquate et efficace. Elle a également souligné que l'on peut s'attendre à de nouvelles révisions des perspectives économiques et que les risques sont clairement orientés à la baisse. Au départ, on pensait que les effets se limiteraient au premier trimestre, alors qu'aujourd'hui on pense qu'ils affecteront également le deuxième trimestre de cette année. Un rebond de l'économie est désormais prévu pour le second semestre de 2020.

Les acteurs du marché ont été déçus par ces mesures de la BCE, tout comme les dirigeants politiques en France et en Italie. Cependant, la présidente de la BCE a quantifié les mesures fiscales de la zone euro à ce jour à 0,25% du PIB de la région, ce qui suggère fortement que la banque centrale estime que l’effort fiscale est insuffisante.

La Commission européenne présentera un ensemble de mesures aujourd'hui vendredi, et les ministres des finances se réuniront à Bruxelles le lundi 16 mars. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que le gouvernement peut reconsidérer sa promesse d'équilibre budgétaire si les circonstances l'exigent. L'UE devrait assouplir les règles relatives aux limites de déficit budgétaire et aux aides d'État. Certains gouvernements ont reporté le paiement de la TVA ou de la dette des entreprises, et d'autres mesures pourraient inclure des garanties de prêt ou des subventions aux entreprises. Les compagnies aériennes auront probablement besoin d'aides d'État rapidement.

Le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, a déclaré
que le Sénat resterait en session la semaine prochaine.

Le conseil de surveillance de la BCE autorisera les banques à fonctionner temporairement en dessous des ratios de fonds propres et de liquidité qui s'appliquent normalement (les orientations du deuxième pilier, le volant de conservation des fonds propres et le ratio de couverture des liquidités). Les autorités macro-prudentielles nationales assoupliront, le cas échéant, les volants de fonds propres contracycliques. Les instruments de capital qui remplissent les conditions requises pour les fonds propres ordinaires de catégorie 1 seront élargis. L'Autorité bancaire européenne a décidé de reporter les tests de résistance à l'échelle de l'UE pour 2020.

Citation tirée du communiqué de presse: «Les banques devraient utiliser les effets positifs de ces mesures pour soutenir l'économie et non pour augmenter les distributions de dividendes ou les rémunérations variables». A cela, l'économiste en chef de la BCE, Philip Lane, a ajouté que tout risque pour la transmission de la politique monétaire ne sera pas toléré.

Interrogé sur la clé de répartition des capitaux, la présidente de la BCE a déclaré que si les conditions justifient de s'écarter temporairement des clés de répartition des capitaux, «nous le ferons aussi».

Christine Lagarde a également souligné que l'on peut s'attendre à une augmentation des émissions dans un certain nombre d'États membres, ce qui atténuera effectivement les contraintes liées à la clé.

Les décisions prises hier par la BCE l’ont été à l’unanimité.

Parmi les mesures prises par d’autres banques centrales, on peut citer l'engagement de la Fed à verser un total cumulé de plus de 5000 milliards de dollars pour l'achat d’obligations du Trésor dans une gamme de maturités allant au-delà des bons du Trésor. Cette mesure n'est pas encore appelée une mesure de QE en soi, car elle vise à soutenir la liquidité sur une base temporaire. Elle pourrait néanmoins ouvrir la voie à de réelles mesures d'assouplissement quantitatif pourraient être annoncées lors du FOMC de la Fed le 18 mars. La Banque du Japon a offert d'acheter des obligations pour une valeur de 200 milliards de yens (1,9 milliard de dollars), la Banque de réserve d'Australie a ajouté 8,8 milliards de dollars australiens (5,5 milliards de dollars) par le biais de ses opérations de rachat quotidiennes (repo) et la Banque du Canada a augmenté la fréquence de ses opérations de rachat à une fois par semaine, au lieu de toutes les deux semaines. La banque centrale de Norvège a réduit son principal taux directeur de 50 points de base, à 1%. La Riksbank suédoise accordera 500 milliards de couronnes suédoises de prêts aux entreprises par l'intermédiaire des banques et la banque centrale danoise lancera une facilité de prêt extraordinaire à partir du 20 mars. Ces mesures font suite à la réduction de 50 points de base du taux principal de la Banque d'Angleterre le 11 mars, le ramenant à 0,25%.

De l'autre côté de l'Atlantique, la Chambre des représentants espère annoncer aujourd'hui vendredi une proposition de mesures supplémentaire qui devra ensuite être votée. Ce plan devrait inclure des tests gratuits de dépistage du coronavirus, 14 jours de congés maladie payés, une augmentation des fonds pour Medicaid, ainsi qu'une amélioration des allocations de chômage et de l'aide alimentaire.

Le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, a déclaré que le Sénat resterait en session la semaine prochaine, plutôt que de quitter Washington comme prévu précédemment.

 

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