La crise de la COVID-19 favorisera l’émission d’obligations vertes

Sacha Bernasconi, SYZ Asset Management

3 minutes de lecture

Les obligations vertes ne sont pas les seuls outils permettant d’investir durablement. Mais ces titres présentent des avantages non négligeables.

La catastrophe de la COVID-19 aura au moins eu le mérite de sonner comme un rappel à l’ordre salutaire. Elle donne en effet à réfléchir sur l’avenir et sur les conséquences économiques et sociales désastreuses du changement climatique. En tant qu’investisseurs responsables, nous devons tenir compte de ce présage pour l’avenir et redoubler d’efforts pour faire évoluer les choses. Il est temps de changer de paradigme.

A l’instar de la COVID-19, le changement climatique aura un coût. Déjà en 2006, le rapport Stern estimait le coût du changement climatique à pas moins de 5% du PIB par an à compter de cette date. Dans une enquête plus récente menée en 2017, les économistes prévoyaient que le PIB mondial serait amputé de l’ordre de 2 à 10%. Le gouvernement américain tablait quant à lui sur une perte pouvant atteindre jusqu’à 10% du PIB.

Nous ne pouvons tout simplement pas nous le permettre. Un ralentissement prolongé d'une telle ampleur plongerait l’économie mondiale dans une crise financière du même ordre que celle qu’a connue la Grèce, mais pour les 30 prochaines années. Il est impératif d’agir et les obligations vertes peuvent contribuer à bâtir un monde plus durable.  

Si ces titres ne représentent encore qu’une petite fraction du marché obligataire mondial, le secteur devrait toutefois tirer parti de la crise actuelle, après des émissions records en 2019 et un premier trimestre 2020 solide.

Mettre la crise à profit

Bien que la période de confinement liée à la COVID-19 risque de peser sur le volume des nouvelles émissions, la dynamique du marché pourrait en revanche sortir renforcée de la crise.

À vrai dire, l'épidémie de coronavirus a permis de favoriser une prise de conscience collective plus profonde des enjeux tels que le changement climatique et la pollution plastique. Pour relever ces grands défis de notre temps, il sera nécessaire de trouver des solutions innovantes, d’où la nécessité des investissements responsables. Qui plus est, les initiatives vertes et un cadre réglementaire adapté continueront de favoriser les émissions.

Dans une perspective «bottom-up», on constate que des entreprises
intéressantes ont rejoint le marché des obligations vertes en 2019.

Les obligations vertes ne sont pas les seuls outils permettant d’investir dans des projets durables. Cependant, ces titres présentent certains avantages non négligeables. Le marché n’a pas été créé sous la pression réglementaire, mais en réponse aux convictions profondes des émetteurs. Les émissions d’obligations vertes ont ensuite rapidement augmenté. Elles comptent aujourd’hui pour 4% des obligations émises chaque année, soit près de 300 milliards de dollars.  

L’impact des obligations vertes est en outre mesurable et transparent. En effet, chaque émetteur doit déclarer une fois par an les répercussions de chacune de ses obligations vertes.

Les obligations vertes à l’assaut du monde

Les Etats-Unis restent les principaux émetteurs d’obligations vertes, avec 20% des volumes émis en 2019, soit 51 milliards de dollars. Ils sont suivis par la Chine et la France, qui regroupent chacune 12% des émissions mondiales. Le nombre d’émetteurs à l’échelle mondiale a pour sa part grimpé de 46% pour atteindre 506 émetteurs.

En 2019, les Pays-Bas ont réalisé leur première émission d’obligations vertes souveraines, pour un montant de 6,7 milliards de dollars. Dans le même temps, la République du Chili a émis une obligation verte en euros et une autre en dollars américains, pour un montant total de 2,4 milliards de dollars. Enfin, on recense huit nouveaux pays émetteurs d’obligations vertes en 2019, à savoir la Barbade, l’Équateur, la Grèce, le Kenya, le Panama, la Russie, l’Arabie saoudite et l’Ukraine. Cela porte à 62 le nombre de pays ayant déjà émis des obligations vertes.

L’Allemagne a quant à elle réalisé sa première émission en septembre 2020. Les souscriptions ont atteint 33 milliards d’euros et l’Agence financière allemande a autorisé le placement de 6,5 milliards d’euros auprès d’investisseurs.

Dans une perspective «bottom-up», on constate également que des entreprises intéressantes ont rejoint le marché des obligations vertes en 2019. Les acteurs tournés vers l’avenir comme PepsiCo ont mis en place des pratiques conformes aux dispositions de l’Accord de Paris, quitte à s’inscrire en contradiction avec la politique nationale des Etats-Unis.

Même les climatosceptiques ne peuvent nier
le bien-fondé du développement durable.
Les entreprises relèvent le défi

PepsiCo a émis pour 1 milliard de dollars d’obligations vertes à 30 ans. Cette émission fait suite à la publication de son Rapport de durabilité 2018. Ce rapport fiable cite beaucoup d’exemples concrets visant à illustrer la manière dont l’entreprise contribuera à bâtir un système alimentaire durable. Pour ce faire, elle s’attache notamment à œuvrer en faveur de l’engagement pris lors de la COP21 en 2015, qui consiste à atteindre zéro émission nette de carbone d’ici à 2050. Les entreprises comme PepsiCo ont conscience de la nécessité de développer des stratégies à long terme et ne peuvent se permettre d’avoir une vision à court-terme. C’est la raison pour laquelle elles ont décidé de se préparer à relever les défis de demain, indépendamment des intérêts politiques en jeu.

Du reste, les Etats-Unis ont signé l’Accord de Paris en avril 2016 et, bien que le président américain ait annoncé le 4 août 2017 que les Etats-Unis se retiraient de l'Accord, ce retrait ne pourra pas avoir lieu avant le 4 novembre 2020, autrement dit, le lendemain des élections américaines. D’ici là, les Etats-Unis continueront de siéger aux réunions sur le changement climatique et de soutenir des mesures visant à réduire les émissions de carbone.

On compte également de nouveaux émetteurs en francs suisses en 2019. Raiffeisen Genossenschaft, prêteur hypothécaire de premier plan, a ainsi émis sa toute première obligation verte. BKW, l’entreprise énergétique célèbre pour avoir fermé la centrale nucléaire de Mühleberg en 2019 après 47 ans de service, a émis une obligation verte. Cette émission devrait l’aider à utiliser au moins 75% de ses capacités de production en vue de produire exclusivement des énergies renouvelables d’ici à 2023. Enfin, Swiss Life a émis trois obligations vertes en 2019. Le groupe d’assurance-vie investira le produit de ces placements dans des constructions écologiques.

Les entreprises devraient être de plus en plus nombreuses à mettre à profit les marchés d’obligations Investment Grade américains et européens et à émettre de la dette pour financer des projets à visée écologique et sociale, tandis que la Covid-19 continue de mettre en lumière les effets potentiels du changement climatique.

Même les climatosceptiques ne peuvent nier le bien-fondé du développement durable. Des technologies abordables permettant de nettoyer les océans et de réduire la consommation de plastique existent déjà et feront émerger de nouveaux domaines de la croissance économique. Rien ne justifie de remettre ces changements à plus tard. Et les obligations vertes font partie intégrante de cette transformation.

A lire aussi...