La confiance dans le deuxième pilier continue de s’éroder

Yves Hulmann

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Selon le Baromètre de la prévoyance Raiffeisen, l’épargne du troisième pilier gagne en importance aux yeux des Suisses.

De nombreuses études prennent régulièrement le pouls des caisses de pension en Suisse. Qu’il s’agisse de l’enquête annuelle de Swisscanto ou encore des rapports régulièrement publiés par les deux grandes banques au sujet de la performance des caisses de pension, les informations ne manquent pas pour suivre l’évolution des avoirs de prévoyance. Quelles sont toutefois des attentes des Suisses au sujet de la prévoyance vieillesse et quel est leur degré de connaissance en la matière? C’est à cet exercice que s’est attelé Raiffeisen Suisse qui a présenté jeudi à Fribourg les résultats du Baromètre de la prévoyance Raiffeisen.

L’étude, réalisée en collaboration avec la Haute école des sciences appliquées de Zürich (ZHAW), repose sur un sondage effectué en juin dernier auprès de plus de mille personnes âgées de 18 à 65 ans provenant de toutes les régions du pays ainsi que sur l’analyse de données économiques.

L’ajustement automatique de l’âge de la retraite séduit

Parmi les principaux résultats de l’étude, il ressort que plus du tiers (33,6%) des sondés se prononcent en faveur d’un âge de la retraite fixé à 65 ans pour tous. Le maintien du statu quo, soit la retraite à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes, a en revanche de moins en moins de succès, n’étant soutenu que par 21,1% des sondés. Autre point intéressant à ce sujet : l’idée d’établir un âge de la retraite qui serait adapté au fil des années convainc de plus en plus. Ainsi, 29,8% des personnes interrogées se prononcent en faveur de l’ajustement automatique de l’âge de la retraite. Ce concept séduit particulièrement les Romands (37%) et les Suisses italiens (30%) mais un peu moins les Alémaniques (27%). Par ailleurs, les Suisses sont désormais moins nombreux à planifier une retraite anticipée : seuls 27,4% des sondés l’envisagent encore, contre 32% un an plus tôt.

Les jeunes veulent épargner davantage

La pandémie de coronavirus n’a pas changé le comportement d’épargne des Suisses. Plus de sept sondés sur dix n’envisagent pas de modifier leur comportement en matière d’épargne, alors qu’une personne interrogée sur dix souhaiterait même épargner davantage dans le futur. A noter que les jeunes âgés entre 18 et 30 ans sont plus nombreux à indiquer qu’ils souhaitent épargner davantage à l’avenir, soit une proportion de 13%, que les personnes âgées entre 51 et 65 ans (7%). Selon l’étude Raiffeisen, la disposition à prendre des risques pour les placements d’épargne reste faible : «Nombreux sont ceux qui continuent à épargner pour leurs besoins privés avec un compte du pilier 3a classique et ont peur d’un engagement sur les marchés des actions», indique Damien Combelles, spécialiste en planification financière et prévoyance chez Raiffeisen Suisse, qui a commenté jeudi les résultats de l’étude.

La confiance est la plus élevée concernant le troisième pilier

La volonté d’épargner davantage affichée par une partie de la population peut aussi être mise en lien avec la diminution de la confiance envers le deuxième pilier. En effet, alors que 16,1% (16,8% en 2019) des sondés affichaient en juin encore une confiance élevée ou très élevée envers le premier pilier (AVS), cette proportion n’atteint plus que 14,6% (16,1% en 2019) en ce qui concerne la prévoyance professionnelle (LPP) deuxième pilier. Bien qu’également en recul, la confiance affichée envers le troisième pilier (3a et 3b) atteint encore 43,1% (45,9% en 2019).

Démographie, baisse des rendements et effets de redistribution

Qu’est-ce qui inquiète le plus les sondés en matière de prévoyance? Aux yeux de 28,8% des personnes interrogées, l’évolution démographique constitue le plus grand risque pour la prévoyance vieillesse. Ensuite, pour plus du quart des sondés (26,2%), la baisse de la rentabilité des capitaux de prévoyance est jugée comme étant le plus grand facteur de risque, tandis qu’une personne sondée sur cinq (19,6%) s’inquiète de l’impact de la redistribution sur la prévoyance. Plus les connaissances sur la prévoyance sont importantes, plus la redistribution est considérée comme un risque.

Dans l’ensemble, l’étude ne fait pas apparaître de réelle progression des connaissances des sondés en matière de prévoyance en comparaison annuelle. Même si seulement une personne sur dix (11,6%) admet ne rien connaître à ce sujet, plus du tiers des personnes interrogées (33,8%) reconnaissent avoir seulement une «certaine connaissance de base sur la prévoyance». A l’inverse, 35,5% des personnes interrogées qualifient leurs connaissances de «moyennes», tandis que 16,6% des sondés les considèrent comme étant supérieures à la moyenne. Les femmes évaluent leurs connaissances en prévoyance comme étant moins bonnes que celles des hommes.

Les hommes sont plus nombreux à vouloir retirer leur capital

Des différences entre hommes et femmes apparaissent aussi sur certains points. Ainsi, 53% des hommes interrogés choisirait le retrait, au moins partiel, de leur capital, alors que ce n’est le cas que pour 45% des femmes. En revanche, l’étude n’indique pas quelles sont les attentes des femmes concernant le montant de leur futur capital de prévoyance en comparaison de celles des hommes.

Récemment, une étude publiée début septembre par AXA IM relevait un écart particulièrement prononcé à ce sujet. Selon l’étude de l’assureur, le capital accumulé par les hommes au moment de la retraite devrait s’élever, en moyenne, à un plus de 400'000 francs en Suisse contre un peu plus de 300'000 francs pour les femmes. Un tel écart peut s’expliquer par le cumul sur la durée de plusieurs facteurs défavorables pour les femmes, à savoir en particulier des salaires plus bas, les pauses maternité et une proportion plus élevée d’emplois à temps partiel, avance en guise d’explication Damien Combelles.

Dans l’ensemble, les Suisses feront-ils encore confiance à l’avenir à la prévoyance professionnelle du deuxième pilier (LPP) ou miseront-ils davantage sur la prévoyance individuelle? Pour Damien Combelles, il apparaît clairement que les gens ont aujourd’hui davantage confiance dans le troisième pilier que dans les deux premiers. «Il s’agit d’une tendance lourde», considère l’expert en prévoyance de Raiffeisen. Plus largement, il estime qu’«il y a aujourd’hui une véritable prise de conscience chez les gens que les trois piliers sont nécessaires pour assurer sa retraite».

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