La biodiversité est attrayante pour investir à long terme

Elena Tedesco & Matthias Fawer, Vontobel

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Le monde du vivant pèse 44 billions de dollars, sa dégradation engendre des pertes énormes.

©Keystone

Le changement climatique et la biodiversité sont interconnectés. La biodiversité est affectée par le changement climatique avec des conséquences négatives pour le bien-être de l’humanité; mais au travers des services écosystémiques qu’elle soutient, elle contribue également de façon essentielle à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets. Par conséquent, la préservation et la gestion durable de la biodiversité est d’une importance cruciale pour traiter les enjeux liés au climat.

La valeur économique générée par la biodiversité est estimée à 44 billions de dollars, soit à peu près deux fois le PIB des Etats-Unis. La destruction de notre capital naturel engendre donc des pertes énormes. A titre d’exemple, l’Institut Paulson affirme que la disparition des pollinisateurs tels que les abeilles entraînerait des pertes annuelles de 217 milliards dans l’agriculture1, ce qui aurait des conséquences sociales désastreuses en termes de faim dans le monde. La dégradation de la nature et de la biodiversité à son rythme actuel érodera significativement les progrès effectués sur 35 des 44 cibles ODD concernant la pauvreté, la faim, la santé, l’eau, les villes, le climat, les océans et les sols2.

Une meilleure information sur les risques liés à la nature est importante pour les investisseurs.

Contrairement à la COP27, conférence de l’ONU sur les changements climatiques qui s’est déroulée en Egypte le mois dernier, la COP15, conférence de l’ONU sur biodiversité, a attiré peu de chefs d’Etat. Une déception pour un événement censé être «la conférence la plus importante de la décennie sur la biodiversité», selon l’ONU qui l’a comparée à la COP21 de 2015 sur le changement climatique à Paris. Néanmoins, le Cadre Mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal (CMB) adopté lors de la COP15 pose les bases d’un nouveau chapitre où la nature redevient un élément-clé du système économique. Les négociateurs se sont entendus sur plusieurs objectifs à atteindre d’ici 2030: protéger 30% des terres et des mers dans le monde, mobiliser au moins 200 milliards de dollars par an pour la préservation de la biodiversité et éliminer les subventions (estimées à 500 milliards par an) aux activités dommageables à l’environnement telles que la déforestation. Pour mettre ces montants en perspective, l’engagement à mobiliser 200 milliards pour la protection de la nature représente certes le double des 100 milliards prévus pour l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets, mais n’est pas à la hauteur des 700 milliards nécessaires pour inverser le cours de la perte de biodiversité, selon l’Institut Paulson3. Un autre point essentiel d’un point de vue social est la reconnaissance des droits des peuples autochtones et de leur leadership pour la préservation de leur environnement. L’engagement a également été pris d’accroître les flux de capitaux des pays développés vers les pays en développement avec des objectifs annuels de 20 milliards de dollars par an qui doivent être portés à 30 milliards d’ici 2030.

En tant qu’investisseurs, nous saluons le soutien financier additionnel au groupe de travail sur les informations financières liées à la nature (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures, TNFD), qui vise à mieux mesurer et rendre compte des risques liés à la nature. Nous espérons que les progrès se poursuivront en temps voulu dans l’évaluation et le suivi de l’impact des pays, des entreprise et/ou des fonds de placement sur la biodiversité.

La réglementation devrait entraîner des changements stratégiques.

En outre, la phase de mise en œuvre à l’issue du CMB de la COP15 devrait définir des règles détaillées concernant les incitations visant à récompenser la protection et la conservation de la biodiversité et à sanctionner les acteurs qui lui portent atteinte, avec les mécanismes déjà mis en place au niveau du climat pour calculer les coûts des externalités positives/négatives. Une réglementation et des incitations claires pourraient amener les entreprises à réorienter leurs stratégies et favoriser une croissance du bénéfice par action (BPA) pour celles qui ont une longueur d’avance.  

Nous l’avons vu auparavant avec les subventions pour l’énergie propre, qui ont changé le regard des investisseurs sur ces problématiques. Si l’histoire se répète, les solutions centrées sur la biodiversité pourraient être attrayantes pour investir avec une vision à long terme. Nous anticipons des perspectives positives pour les entreprises offrant des solutions visant notamment à réduire les déchets plastiques et à évaluer les risques liés à la nature, pour ne citer que deux exemples.

 

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