L’ingéniosité des géants du Web

Salima Barragan

2 minutes de lecture

«Le modèle d’affaires des FAANG n’est pas à remettre en question», estime Julian Cook de T. Rowe Price.

Depuis la perte de vitesse des FAANG (acronyme de Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google), marquée par la décorrélation de l’indice FAANG avec celui du Nasdaq 100 durant l’été, qu’espérer des géants du web après des années de croissance époustouflante? Pour répondre à cette question, Allnews est allé à la rencontre de Julian Cook, le spécialiste des actions américaines chez T. Rowe Price, une société de gestion d’actifs basée à Baltimore qui est l’une des rares sociétés d’investissement à rencontrer Jeff Bezos régulièrement.

Aversion au risque

Pour Julian Cook, la perte de momentum de l’indice FAANG est liée à la diminution de l’appétit du risque des investisseurs. En cause: la dégradation des conditions économiques globales reflétées par les indices des directeurs d’achats majoritairement en-dessous du seuil de l’expansion économique. «Les PMI sont en contraction dans beaucoup de pays et seuls les États-Unis affichent un PMI juste en-dessus de 50», commente le spécialiste qui soutient que même si les investisseurs changent leur fusil d’épaule pour se réfugier dans les actifs dits sûrs au détriment des valeurs technologiques, les perspectives de FAANG resteront favorables. N’empêche…

Nouveau rythme de croissance

Malgré la détérioration du climat des affaires, les FAANG pourront-ils maintenir des ROE à 25%? Suite au succès de leurs produits innovants, ces entreprises ont connu des taux de croissance spectaculaires. Or aujourd’hui, elles sont rentrées dans une phase de maturité caractérisée par un rythme de croissance plus atone et «la décélération de leur croissance est indépendante de leur modèle d’affaire et de leurs fondamentaux», affirme Julian Cook.

Certaines sociétés à l’instar de Facebook ont été épinglées par les autorités
européennes pour violation de la protection des données privées.

Les géants du web engrangent une grande partie de leur revenus grâce au marché de la publicité (représentant plus de 500 milliards de dollars américains) qui pourrait connaître un second souffle grâce à leur ingéniosité. «Facebook qui détient 6% du budget mondial de la publicité a rajouté sur Instagram de nouvelles fonctionnalités de merchandising en partenariat avec 25 entreprises mondialement connues* de la cosmétique au luxe en passant par les marques sport», relève-t-il à titre d’exemple.

Lorsqu’on demande à Julian Cook si les tarifs douaniers pourraient pénaliser Amazon qui travaille avec une multitude de sous-traitants chinois, il argumente que la société de Jeff Bezos gagne ses revenus sur trois segments d’activités (la publicité, les ventes directes et les commissions sur les ventes de tiers via son Marketplace). De ce fait, son chiffre d’affaires est marginalement affecté par la guerre commerciale: «Les ventes directes représentent 110 milliards alors que les commissions des vendeurs tiers – le segment en plus forte croissance - pèse 160 milliards de dollars US. L’impact sur les ventes directes d’Amazon est beaucoup plus faible que chez Wal-Mart dont la moitié du chiffre d’affaires est directement exposé aux importations chinoises».

Rédemption des mauvais élèves

Certaines sociétés à l’instar de Facebook ont été épinglées par les autorités européennes pour violation de la protection des données privées. Le réseau social a déboursé un montant record de 5 milliards de dollars US. Une amende bien salée pour apprendre de ses erreurs… «Ces entreprises ont amélioré leur comportement car elles ont pris conscience de leur devoir de responsabilité. Par exemple, Facebook a dépensé plus que les autres sociétés sur la protection des données et propose dorénavant de nouvelles options de non-consentement à la collecte des données de ses utilisateurs», note Julian Cook.

Aussi, il rajoute que les plaintes liées à la concurrence déloyale et aux abus de position seraient en réalité infondées car des produits inédits tels que Gmail ou YouTube ont créé des monopoles naturels: «Ces accusations émanent principalement de leurs concurrents mais les consommateurs n’ont pas été forcés d’utiliser Google Search ou Google Maps! Ils les utilisent parce que ces produits sont incontournables».

Ainsi, les FAANG arrivent bel et bien à un âge de maturité. Cela signifie de meilleurs comportements en matière de gouvernance, mais également un taux de croissance plus faible auquel les investisseurs devront dorénavant s’habituer. Néanmoins, ces géants du web continueront d’afficher une excellente croissance du free cash-flow qui reste, pour le spécialiste, la meilleure mesure pour prévoir la performance future des titres et ce, même pour Netflix, dont le cash-flow aujourd’hui négatif deviendra positif en 2022.

 

* Dont MAC, Nike, Adidas,  Prada, Gucci, H&M, Zara, Uniqlo etc

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