L’espoir «d’atterrir en douceur»

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Aux Etats-Unis, l’économie s’affaiblit, mais sans risque de glisser vers une récession.

  • Dans ce contexte, les actions et les obligations d’entreprise demeurent intéressantes, et une courte duration est une option importante pour les investisseurs
  • Il reste à attendre de savoir si la Federal Reserve (Fed) poursuivra son cycle de redressement au même rythme, au regard de la haute inflation et des bonnes performances du marché du travail américain.
Deux scénarios se distinguent à l’horizon

Les prix du marché et les pronostics économiques indiquent actuellement un doux atterrissage conjoncturel aux Etats-Unis. Ceci devrait encourager les investisseurs à continuer de s’intéresser aux actions des Etats-Unis et aux obligations d’entreprise et à moins se soucier des pays émergents. Toutefois, ces atterrissages en douceur sont plutôt rares, surtout avec une inflation élevée et un taux de chômage bas. Ce point de vue pourrait subsister si l’inflation devait atteindre prochainement son maximum. Mais les investisseurs doivent aussi garder en vue un scénario impliquant des taux d’intérêt qui continuent d’augmenter. Dans ces deux scénarios, les obligations sans risque jouent un rôle dans une stratégie d’investissement sur le moyen terme.

La croissance diminue

Au regard des prix actuels du marché et des pronostics économiques correspondants, le Fed Funds Rate atteindra l’année prochaine, à cette période, un niveau légèrement supérieur au taux d’inflation du prix à la consommation. Mais pas beaucoup plus que dans les cycles antérieurs. Ceci devrait signifier que les conditions monétaires sont moins tendues, que la Fed est encouragée par la baisse de l’inflation et que la croissance diminue sans devenir négative. Le redressement suffit donc pour maintenir les attentes inflationnistes à un faible niveau et ralentir la croissance de manière à ce que le marché du travail reste équilibré.

Perspectives positives

Le scénario d’un atterrissage en douceur est positif pour la duration, les obligations d’entreprise et les actions. La courbe du taux d’intérêt montre que les rendements des obligations souveraines pourraient redevenir positifs. Les Credit Spreads sont suffisamment élevés pour réaliser des rendements positifs. Le rendements du marché pour la catégorie Investment Grade des Etats-Unis n’est plus qu’à 60 points base (bp) de la valeur de 2018 (suivi d’un rendement global cumulatif de près de 25 pour cent dans les deux années successives). Tant qu’il n’y a pas de récession, les bénéfices peuvent continuer d’augmenter.

De nombreux points d’interrogation

Le scénario alternatif est une peur de l’inflation si importante que la Fed va augmenter les taux d’intérêt jusqu’à ce que jusqu'à ce que quelque chose s'écroule dans l'économie. Les taux d’intérêt pourraient ainsi aller au-delà de ce que le marché reflète actuellement. Toutefois, les pays émergents, déjà touchés par une Chine moins forte, un taux d’inflation élevé et des sorties de capitaux pourraient contribuer par exemple à un changement d’opinion. Il se pourrait aussi que le dollar des Etats-Unis augmente par rapport à un euro affaibli ou quelque chose de spécifique aux Etats-Unis comme le marché de l’immobilier ou les marchés du crédit qui s’affaiblissent. Mais il est également probable que la Fed subisse une pression politique an cas d’augmentation du taux de chômage (le gouvernement ne va pas vouloir une augmentation du chômage en 2024, une année marquée par des élections). Par conséquent, les pronostics de la politique monétaire dépendent principalement de l’évolution des autres facteurs économiques - de la croissance aux Etats-Unis, de l’économie mondiale, des marchés financiers et même de la politique.

Proche du pic?

Les données économiques publiées ne vont pas toutes dans la même direction. L’indice du prix à la consommation (IPC) publié cette semaine pour le mois de mars est important pour les marchés si les investisseurs concluent qu’il s’agit du summum. Au regard de l’augmentation de 20 pour cent des prix de l’essence en mars, les données pourraient être négatives, mais le pronostic du consensus de Bloomberg part actuellement d’une hausse mensuelle de 1,2 pour cent et d’une augmentation de 8,4 pour cent dans la comparaison annuelle. S’il s’agit du pic et si la confiance dans les pronostics augmente, à savoir une inflation qui passera à moins de deux pour cent dans les deux années à venir, la Fed pourra peut-être diminuer ses efforts.

Comment se présentera la Fed à l’avenir?

Par la suite, le focus portera avant tout sur le marché du travail et les conséquences sur le taux de chômage et les salaires. Ceci pourrait soutenir le redressement de la politique monétaire. Au cours des douze à 18 mois à venir, une récession devrait pouvoir être évitée et même plus. Toutefois, il s’agit d’une vision trop lointaine pour la plupart des investisseurs contraints à prendre des décisions tactiques. Les trois scénarios suivants pourraient apparaître: L’«atterrissage en douceur» optimiste avec une normalisation de la croissance en 2023 et une inflation inférieure à trois pour cent et pour conséquence, un maintien du pic (attendu) actuel des taux d’intérêt du marché. Dans le deuxième scénario, l’inflation ne diminuera pas suffisamment rapidement. Par conséquent, la Fed va faire passer les taux d’intérêt réels dans la marge positive. La troisième possibilité est un atterrissage tout d’abord en douceur, suivi d’une période de taux d’intérêt stables ou même d’un certain assouplissement, avec un marché du travail fort et une deuxième vague de peur inflationniste.

Courte duration, rendements élevés

La forme actuelle de la courbe de rendements des Etats-Unis signifie qu’une obligation sur cinq ans avec une duration de 4,6 ans et une obligation sur 30 ans et une duration de 21 ans présentent des rendements comparables. L’une ayant «quatre fois plus de risques» que l’autre. Sur le court terme et indépendamment des arguments en faveur d’une allocation défensive sur le plus long terme dans les bons du Trésor des Etats-Unis et autres obligations souveraines, il continue d’y avoir de bons arguments en faveur d’une courte duration dans les portefeuilles à rémunération fixe. Mais il est préférable de choisir des stratégies de crédit à courte duration. Le marché High Yield des Etats-Unis offre une majoration de 350 PB par rapport aux obligations souveraines sur cinq ans, avec la même duration. En Europe, la majoration pour les High-Yields par rapport aux obligations souveraines allemandes sur cinq ans s’élève à 400 PB pour une duration d’un an en moins.

La Banque centrale européenne suit un autre cours

Pour l’Europe, les conséquences globales des taux d’intérêt des Etats-Unis ont une moindre importance. Toutefois, la Banque centrale européenne (BCE) ne va probablement pas augmenter les taux d’intérêt tant que la situation en Ukraine n’est pas éclaircie. Dernièrement, l’Europe se voit de plus en plus souvent confrontée aux exigences concernant la suppression de l’approvisionnement en gaz russe. Dans ce cas, il est estimé que le produit intérieur brut de l’Allemagne diminuera de trois à cinq pour cent. L’Europe va avoir des difficultés à éviter une stagflation. Le redressement de la politique monétaire sera moins prononcé qu’aux Etats-Unis, mais ce sera le devoir de la politique fiscale de soutenir une économie menacée par des problèmes énergétiques.

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