Les tensions du marché du travail s’atténuent progressivement.
Depuis plus d’un an, le rythme des créations d’emploi dépasse chaque mois les attentes. Le prévisionniste médian se trompe de temps en temps, c’est inévitable, mais sur une aussi longue période, il y a quelque chose qui cloche. Certaines forces du marché du travail sortent du cadre de l’analyse. Il est usuel de supposer qu’à court terme, la tendance de la productivité est quasi invariante de sorte que si le rythme d’activité ralentit, ce qui est le cas depuis début 2022, il doit y avoir en parallèle une modération similaire des créations d’emploi. Et comme la croissance est passée sous son potentiel, on s’attendrait à ce que l’emploi progresse moins vite que la «normale» (environ +150’000 par mois). La hausse a en fait été de 354’000 par mois au H2 2022 et 314’000 par mois depuis début 2023. A première vue, cela suggère un recul de la productivité apparente du travail. Est-ce une conséquence de la pandémie qui aurait affaibli la force de travail (maladie) ou démotivé les employés (télétravail)? Il faudra beaucoup plus de recul pour en avoir le cœur net. Par ailleurs, outre l’emploi, il faut tenir compte de la durée effective du travail. Le nombre moyen d’heures travaillées par semaine baisse à un rythme que, par le passé, on n’observe qu’en période de récession. En 2021, face à d’intenses difficultés de recrutement, les entreprises avaient fortement accru les heures supplémentaires; maintenant elles les réduisent. Les tensions du marché du travail américain sont donc bien en train de s’atténuer, mais c’est très graduel jusqu’à présent
Le mois dernier, le rapport sur l’emploi aux États-Unis était ambigu, affichant à la fois une hausse du chômage et une accélérations des créations d’emploi, tempérée toutefois par un recul de la durée effective du travail. Ces dernières semaines, l’actualité a été plutôt négative: annonce de licenciements, légère hausse des inscriptions au chômage. Selon l’enquête du Conference Board, les ménages jugent l’emploi toujours abondant. Dans ce sens, les inscriptions au chômage ont nettement baissé la semaine passée (-26’000 à 239’000). La moyenne sur quatre semaines pointe toute de même vers le haut mais pas dans des proportions qui font redouter un coup de froid imminent sur le marché du travail.
Les indicateurs manufacturiers régionaux américains étaient mitigés en juin. L’indice des directeurs d’achat a lui nettement baissé de 48,4 à 46,3. Il y a sept mois que l’ISM manufacturier est en territoire de contraction. Il n’y a pas de raison qu’il en sorte à brève échéance. Comme dans le manufacturier, les signaux dans les services sont mitigés entre un indice des directeurs d’achat en baisse et des indices régionaux un peu meilleurs. En mai, l’ISM-services avait déçu à 50,3, se rapprochant de la zone critique.
En Europe, l’estimation préliminaire de l’indice des directeurs d’achat avait déçu, marquant un nouveau repli à 43,6 points en juin, au plus bas depuis le début de la pandémie. Compte tenu des chiffres en Allemagne (41,0) et en France (45,5), il faut s’attendre à un repli ailleurs. La périphérie sud résiste mieux mais n’est pas épargnée.
Comme ailleurs en Europe, la confiance des industriels français est médiocre (l’indice des directeurs d’achat donne une image plus sombre que l’enquête INSEE, qui est sans doute plus représentative de la réalité). Le mois de mai a été marqué par de nombreux jours fériés dans un climat social dégradé. Malgré le net recul des prix de l’énergie, les tendances sont peu encourageantes.
En Allemagne, les enquêtes manufacturières n’annoncent pas un redressement des carnets de commande En mai, la production automobile est restée bien orientée. Les exportations hors Union Européenne ont augmenté. Cela peut laisser penser que la production manufacturière résiste à un bas niveau. La situation est plus compliquée dans la construction où l’on peine à imaginer que la production tienne longtemps alors que les commandes sont en forte baisse.