L’ampleur de la faille économique est encore largement inconnue

Communiqué, Candriam

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Les mesures prises jusqu’à présent ne suffiront sans doute pas à remettre l’économie mondiale sur ses rails. Perspectives macroéconomiques de Florence Pisani et Anton Brender.

Pour lutter contre la propagation du coronavirus, les gouvernements ont mis à l’arrêt des pans entiers de leurs économies. En même temps, les autorités leur ont apporté un soutien rapide et massif. Malgré leur ampleur, les mesures prises jusqu’à présent ne suffiront sans doute pas à remettre l’économie mondiale sur ses rails.

Economie mondiale: un choc violent

La contraction de l’activité a partout été si profonde qu’en mesurer l’intensité est délicat. Prévoir à quelle vitesse l’économie mondiale parviendra à reprendre son souffle l’est tout autant. Début juin, l’épidémie était en effet loin d’être partout endiguée. De plus prévoir les comportements de dépense des ménages à l’issue de la période de confinement est difficile : l'incertitude accrue, la concentration de l’excès d’épargne qui vient de se former dans les mains de la partie la plus riche de la population mais aussi une éventuelle évolution vers une consommation plus «frugale», pourraient ne conduire qu’à un rebond modéré de leurs dépenses. «En outre, l’ampleur de la détérioration du tissu économique est encore largement inconnue» souligne Anton Brender, chef économiste de Candriam. Dans la plupart des pays développés, les gouvernements ont certes agi avec force, compensant l’essentiel des pertes de salaires par des transferts. Mais nulle part, ils n’ont compensé la chute du résultat d’exploitation des entreprises. Aux Etats-Unis comme en Europe, leurs pertes risquent pourtant de représenter entre 15 et 30% de leurs dépenses d’investissement. Sans un surcroît de stimulation budgétaire, l’investissement productif a peu de chances de retrouver rapidement son niveau d’avant crise et l’activité pourrait rester durablement déprimée!

Etats-Unis: de la crise sanitaire à une crise politique

Aux Etats-Unis, la baisse d'activité semble avoir été moins profonde que dans la moyenne des pays de la zone euro. «La crise n’en a pas moins fortement touché des secteurs ‘grands employeurs’» note Anton Brender et malgré un soutien budgétaire massif comprenant notamment un volet incitant les petites entreprises à maintenir l’emploi (le Paycheck Protection Program), le taux de chômage a approché 20% en avril pour retomber un peu en mai. L’explosion du taux d’épargne des ménages a été tout aussi spectaculaire: elle est le reflet d’une baisse marquée de leur consommation et d’une relative stabilité de leurs revenus grâce à la hausse des transferts reçus (allocations chômage, chèques Trump…). Les désaccords entre Démocrates et Républicains sur l’aide à apporter aux États et collectivités locales bloquent pour l’instant la conclusion d’un nouvel accord budgétaire, mais l’approche de l’élection présidentielle et le contexte politique encore dégradé par la récente exacerbation des tensions raciales, pourraient pousser à trouver un compromis. Dans ce contexte, le PIB américain serait toujours, fin 2020, 5% en-deçà du niveau attendu en début d’année et, en moyenne sur l’année, l’activité se contracterait de près de 6,5%.

Zone euro: enfin un acte de solidarité…

Au premier semestre, la récession liée à la crise sanitaire a été particulièrement prononcée dans trois des quatre plus grands pays de la zone (France, Italie et Espagne). Malgré le «dé-confinement» progressif, l’économie européenne était encore début juin très loin d’avoir retrouvé un niveau d’activité normal. «Sans mesures supplémentaires de soutien, un retour d’ici la fin d’année vers le niveau d’avant crise paraît peu probable» note Florence Pisani, directeur de la recherche économique. Surtout, « cette crise va aggraver les divergences entre Etats membres » souligne-t-elle. Si, en moyenne sur l’année 2020, l’activité devrait se contracter d’un peu plus de 8% dans la zone euro, la baisse serait nettement plus sévère en France, en Italie ou en Espagne (entre -10 et 12%) qu’en Allemagne (-6%). 

Dans ce contexte, le programme Next Generation EU proposé par la Commission européenne est bienvenu: les économies les plus touchées ou les moins développées en sont les principales bénéficiaires. En outre, sur les 750 milliards d’euros du plan, 500 seront des transferts et non des prêts. Enfin, en tentant de contourner l’interdiction faîte à l’UE d’emprunter pour financer son budget, la Commission pose les bases d’un véritable mécanisme de transferts au sein de l’Union. «Le temps des processus de décision européen est toutefois trop long pour espérer que ce programme apporte un soutien à l’activité en 2020» prévient Florence Pisani. Surtout, même si ce projet qui nécessite l’aval des 27 Etats membres, est accepté, «il n’en faudra pas moins aller plus loin encore si l’on veut éviter que les marchés ne s’interrogent régulièrement sur la soutenabilité de la dette publique italienne et ne finissent par mettre en doute l’intégrité de la zone euro» conclut Florence Pisani.

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