The Jolly Banker – Revue de marché d’Unigestion

Unigestion

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La croissance économique montre de fragiles signes de stabilisation mais d'importantes divergences sont visibles entre différentes régions du monde.

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En juillet, la dynamique déjà observée depuis quelques mois sur le front macroéconomique et sur les marchés financiers s’est poursuivie: la croissance économique montre de fragiles signes de stabilisation mais d'importantes divergences sont visibles entre différentes régions du monde. Le risque de désinflation est cependant suffisamment inquiétant pour occuper une place prépondérante dans l'esprit des banquiers centraux, justifiant leurs tentatives de relance de la croissance et leur volonté d’allonger le cycle économique aussi longtemps que possible. Notre processus d’allocation dynamique examine le monde sous l’angle de trois facteurs de risque clefs: les conditions macroéconomiques, le sentiment de marché et la valorisation des actifs. Ces facteurs de risque sont tous les trois aussi importants sur le long terme, cependant toute l’attention a été portée à court terme sur les politiques monétaires et leur capacité à continuer à retarder l’arrivée de la prochaine récession. Ceci a entraîné les actifs financiers vers de nouveaux sommets tandis que les investisseurs se rebattent les oreilles de «The Jolly Banker», mettant en scène la figure du banquier joyeux américain pendant la Grande Dépression.

Conditions macroéconomiques: vents contraires combattus par les Jolly Bankers

La croissance économique mondiale a fortement décéléré par rapport aux niveaux observés en octobre dernier où elle se situait largement au-dessus de son potentiel. Depuis le début de l’année, notre Nowcaster de croissance a indiqué un déclin continu et depuis le mois de mars, une stabilisation autour du niveau de son potentiel. En juillet, le niveau de croissance mondiale restait sous contrôle alors que les divergences se creusaient dans les pays développés. La zone euro, le Canada et le Royaume-Uni ont montré des signes persistants de décélération, tandis que l'économie américaine est restée stable. Il n’est donc pas surprenant que la BCE ait récemment renforcé sa rhétorique accommodante pour faire face à cette situation préoccupante. Le principal détracteur reste les anticipations de production à cause de l'incertitude liée aux tensions commerciales pesant sur l'optimisme des entreprises et les investissements.

Les anticipations d’inflation ont été le principal frein
au niveau mondial.

En ce qui concerne l’inflation, aucun signe de reprise n’est apparu à l’horizon au cours du mois. Les indices de diffusion du Nowcaster d'inflation, indiquant la dynamique des données sous-jacentes, ont chuté de 10%, soit une détérioration de 60% des données sous-jacentes. Cela illustre la dynamique baissière de l'inflation, que la plupart des banquiers centraux a reconnu dans ses dernières déclarations. Cette dynamique leur permet de parer les vents contraires créés par la guerre commerciale et la fin du cycle économique. Les anticipations d’inflation ont été le principal frein au niveau mondial, tandis qu’aux Etats-Unis c’est la croissance des salaires qui a joué ce rôle et ce, malgré des données relativement solides sur le front de l’emploi: la courbe de Phillips a donc toujours du mal à fonctionner.

Les banques centrales ont par conséquent fermement réagi pour endiguer la dégradation économique et les forces désinflationnistes. Le temps de réponse a été court pour transformer des positions moins accommodantes, en politiques monétaires favorables. En juillet, les décideurs européens, japonais, turcs, sud-africains, et américains ont augmenté leur soutien financier. Cela a été de loin le facteur le plus important pour la performance des actifs financiers cette année et continuera de l’être jusqu’au prochain point d’inflexion quand les fondamentaux macroéconomiques s’amélioreront sensiblement.

Sentiment de marché: complaisance légitime?

L'optimisme semblait être omniprésent jusqu'à la toute fin du mois de juillet lorsque la Fed a procédé à une « baisse de taux décevante ». Les indicateurs de sentiment de marché présentaient une faible aversion au risque et notre indicateur n’a pas fait exception: il est retombé à des niveaux bas après une brève hausse en mai. Les écarts de rendement du crédit ont continué à se resserrer dans tous les segments du marché, les mesures de la volatilité ont reculé et la liquidité s'est améliorée grâce à l'assouplissement des banques centrales. Jusqu'ici tout va bien donc, mais on pourrait dire que le sentiment de marché a été artificiellement maintenu à des niveaux très élevés par les Jolly Bankers. En effet, dans des circonstances normales (cycle traditionnel et banquiers centraux moins omnipotents), le ralentissement de la croissance et l'intensification des tensions géopolitiques devraient peser sur le sentiment du marché plutôt que le soutenir.

C’est ce que nous avons appelé depuis un certain temps une situation de «mauvaise nouvelle, bonne nouvelle», où la complaisance devient légitime tant que les banques centrales restent autant présentes. Le pragmatisme demeure essentiel dans cet environnement et il est difficile de ne pas réduire l'exposition au marché à un moment où de nombreux actifs sont devenus beaucoup plus chers. Dans l'intervalle, le risque global est resté élevé et a resurgi violemment à la fin de la semaine dernière, à la suite d'une rhétorique de plus en plus dure entre les États-Unis et la Chine. La nouvelle menace d'un droit de douane de 10% sur 300 milliards de produits chinois et les craintes de représailles potentielles ont sapé les actifs risqués… et la complaisance d'un seul coup.

Le coût élevé des actifs de couverture alimenté par les Jolly Bankers
pourrait avoir de fâcheuses répercussions.

Enfin, les «smart money» (CTA et gérants de fonds Macro) ont récemment accru leur exposition aux actifs risqués, de sorte que le taux de participation dans la dernière phase de hausse a augmenté. Le positionnement sur les actifs de croissance n'est par conséquent plus «léger» et pourrait bientôt devenir une source d'inquiétude: il se situe actuellement autour des niveaux d'octobre 2018, soit élevé par rapport aux normes historiques sans être extrême, pour le moment.

Valorisation des actifs: chers mais est-ce vraiment important?

C’est la conséquence habituelle des politiques monétaires accommodantes: elles créent une valorisation élevée, quand ce n’est pas une bulle, et de l’exubérance parmi toutes les classes d’actifs. A ce jour, le niveau de valorisation de la plupart des primes de risque clignote en rouge. Cependant, en comparaison, les actifs risqués (actions et crédit) sont relativement bon marché par rapport aux actifs dits défensifs (obligations d'État et liées à l'inflation, métaux précieux). Par conséquent, même s’il est trop tôt pour anticiper une correction liée aux valorisations, le coût élevé des actifs de couverture alimenté par les Jolly Bankers pourrait avoir de fâcheuses répercussions: distorsions de corrélation et protection réduite si et lorsque l’appétence pour le risque chutera fortement.

Les marchés ne prêtent actuellement pas d’importance à ce facteur pour une bonne (ou une mauvaise) raison mais il serait néanmoins utopique de considérer cette forte expansion de multiples comme un environnement durable. Les valorisations boursières pourraient revenir à des niveaux explicables suite à une forte croissance des bénéfices, les écarts de rendement du crédit pourraient continuer à se resserrer tant que le risque de récession reste modéré grâce à l’action des banques centrales. Néanmoins, certains segments du marché obligataire semblent nettement hors de prix, tels que les obligations d’entreprise «investment grade» et les obligations d’État.
Conclusion pour l’allocation multi-actifs: bêta réduit, portage accru

L’environnement actuel n’exige pas de réduire sensiblement et durablement les risques mais il a été opportun de prendre des bénéfices sur les plus grandes surpondérations. De ce fait, la réduction du bêta peut être compensée par des opportunités de valeur relative et notre préférence actuelle se porte sur le portage du crédit, avec une position longue sur les titres haut-rendement et courte sur les emprunteurs de qualité. Compte tenu de la très faible volatilité, nous avions également mis en œuvre un certain nombre de stratégies de couverture optionnelles sur les indices actions afin de nous protéger en cas de choc inattendu sur le marché.

Unigestion Nowcasting

Sources: Unigestion, Bloomberg, au 5 août 2019.

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