Investissements en dette privée: les risques à la loupe

Clément Schappler, Hermance Capital Partners

3 minutes de lecture

Le risque de marché ne vient pas à l’esprit de manière spontanée dans le contexte d’une stratégie d’investissement en dette privée mais celui-ci est bel et bien présent.

Nous avons largement communiqué, durant ces 12 derniers mois, sur l'attractivité de la dette privée en tant que stratégie d'investissement. Celle-ci est indéniable dans le contexte actuel, en particulier la base variable de son rendement (lié à des taux d'intérêts variables), la capacité (et le niveau) de distribution régulière de ce même rendement et le niveau relativement faible de la volatilité de sa performance.

La dette privée étant avant tout une stratégie de crédit, le risque principal est logiquement un risque de crédit, lequel peut être défini comme le risque qu’un emprunteur ne rembourse pas son prêt ou ne paie pas ses intérêts au moment défini par le contrat de crédit. Il peut également prendre en compte toute autre violation des termes du contrat de prêt, par exemple le dépassement de «covenants». Les covenants sont des limites à ne pas dépasser par l'emprunteur, en particulier son niveau global d'endettement par rapport à sa performance financière.

Les covenants les plus communs sont le «Interest Service Coverage Ratio» («ISCR») et le «Debt Service Coverage Ratio» («DSCR»). Le ISCR représente la capacité d'un emprunteur à payer ses charges d'intérêts alors que le DSCR représente la capacité d'un emprunteur à payer toutes les charges liées à son emprunt, y-compris le remboursement du nominal. La capacité de remboursement est généralement représentée par l'excédent brut d'exploitation («EBITDA» en anglais), avec les ajustements nécessaires pour rendre compte de la vraie capacité de l'emprunteur à générer de la trésorerie.

Bien que le risque de crédit puisse être mesuré à l’aide d’un scoring de crédit, il nécessite également une compréhension profonde du modèle d’affaire du débiteur, ainsi que de la qualité de son organisation. Il nous semble important de le noter ici car que ces facteurs sont des critères d’analyse traditionnellement liés à l’investissement en fonds propres (private equity ou actions listées). Ce risque et son corollaire le risque de perte, peuvent être gérés et atténués en utilisant de nombreuses techniques, parmi lesquelles la prise de sécurités et/ou de garanties. Du point de vue d'un portefeuille, le risque de perte sera réduit en assurant une bonne diversification.

Comme toute stratégie obligataire ou de crédit, la dette privée présente un risque de taux d’intérêts. Les contrats de prêts contiennent généralement des clauses d’ajustement du taux d’intérêts et il s’agit donc de comprendre quelle proportion des actifs est à taux variable et quelle proportion à taux fixe. Si les taux variables semblent permettre une participation des investisseurs à la hausse potentielle des taux, ils augmentent néanmoins le risque de crédit de l’emprunteur en pesant sur ses liquidités. Nous observons de nos jours une vaste majorité des portefeuilles de dette privée à taux variables, également assortis d'un taux plancher, assurant un rendement minimum aux investisseurs (hors situation de défaut).

Le risque de marché ne vient pas à l’esprit de manière spontanée dans le contexte d’une stratégie d’investissement en dette privée mais celui-ci est bel et bien présent. Ce risque se présente lorsque le crédit est sécurisé par un actif réel dont la valeur de marché peut varier, ou lorsque que le crédit est vendu sur le marché secondaire. La sécurité du crédit est la plupart du temps constitué par les actions du débiteur. Nous observons actuellement des taux d'avance de 50% à 60%, ce qui veut dire que la valeur nominale du crédit bénéficie d'un coussin de valeur de 40% à 50%, au cas où le débiteur devait faire défaut, et le prêteur saisir et réaliser les actions de la société détenues en collatéral.

Le risque de change est un autre risque qui ne vient pas nécessairement à l’esprit dans le contexte d’une stratégie d’investissement en dette privée. Nous ne parlons pas ici d’un risque de change lié à une différence de monnaie entre le mandat et l’actif sous-jacent. Nous parlons ici d’un risque de change au sein même des actifs ou du portefeuille sous-jacent. Ce risque est certainement absent de nombreux portefeuilles mais dès que l’on s’intéresse à des stratégies internationales, il y a forcément des discordances entre la monnaie de référence du portefeuille, la monnaie de certains contrats de prêt et la monnaie de référence de l’emprunteur.

Bien que plus abstrait que les risques précédents, un niveau de risque légal est bel et bien présent dans les portefeuilles de dette privée. Le risque sera fonction du for juridique du contrat de prêt mais également de la juridiction de l’emprunteur et se traduira par la facilité (ou non) d’exécution des contrats, dont les collatéraux qui sécurisent les prêts.

Au niveau des risques de portefeuille, nous pouvons également noter le risque de concentration, les risques géographiques et sectoriels, lesquels sont largement décrits dans les documents de commercialisation du véhicule d’investissement. Et ici de rappeler un principe de base de gestion des risques, à savoir la diversification.

En conclusion, il nous semble important de vérifier comment ces risques sont abordés et gérés par les gérants de fonds lors d’un processus approfondi de «due diligence». Idéalement, ce processus devra être répété de manière annuelle, afin d’évaluer la gestion des risques dans un environnement en constante évolution.

La bonne nouvelle est que le marché de la dette privée s’est fortement développé ces dernières années avec un large choix de gérants et de produits, ce qui permet à la fois une sélection et une diversification des risques en fonction de l’appétit et du profil de chaque investisseur. De plus, ce fort développement a favorisé l'émergence de gérants ayant l'expérience et les leçons apprises durant l'exposition à la crise financière de 2007-2008. La qualité des équipes que nous sélectionnons, combinant les compétences d'origination et de structuration du private equity, ainsi que les compétences d'analyse et de recouvrement du crédit, est l'un des points clés nous donnant une grande confiance quant à la performance de cette classe d'actif sur le moyen terme.

A lire aussi...