Investir dans l’économie bleue

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Près de 24’000 milliards de dollars de «produit intérieur bleu». Avec Marisa Drew de Credit Suisse.

Si l'océan était un pays, il serait la septième économie du monde avec ses 24’000 milliards de dollars de «produit intérieur bleu» émanant d’une multitude d’activités: de la pêche au fret, en passant par la médecine et l’énergie. Mais si les entreprises du secteur ne le préservent pas dès à présent, les rendements futurs de l’océan ne seront pas au rendez-vous, avertit Marisa Drew, Chief Sustainability Officer & Global Head Sustainability Strategy Advisory and Finance Group chez Credit Suisse. Les modèles d’affaires qui rejettent les approches à très court terme et destructrices des ressources océaniques pourront contribuer à réaliser tout le potentiel de cette gigantesque économie marine. Exploration d’opportunités d’investissement inconnues.

L'OCéAN EN QUELQUES CHIFFRES

Entre 2009 et 2016, le rythme de croissance de l'économie bleue - qui comprend la pêche, l'aquaculture, la biotechnologie marine, le tourisme, le transport maritime et l'énergie - a enregistré une belle moyenne annuelle de 9,7%. Les experts estiment que la pêche et l'aquaculture emploient à elles seules entre 10 et 12% de la force de travail mondiale, et jusqu'à 90% dans certains pays côtiers non industrialisés. En 2019, la production directe (valeur des actifs océaniques mondiaux) générée par l'économie bleue s'est élevée à 6’900 milliards de dollars dont 2’500 milliards de produits marins alimentaires qui constituent l’unique source de protéine d’une population de 3,1 milliards de personnes, alors que le fret a généré 5’200 milliards de dollars. 

Le transport maritime consommerait en réalité moins d'énergie
par kilo de marchandise que le train, le camion ou l'avion.

Destiné à un rôle crucial dans les routes commerciales mondiales grâce à sa configuration géographique, l’océan a toujours été la voie la plus employée. Et de loin. A ce jour, 90% du fret mondial y transite malgré la disponibilité de modes d’expédition alternatifs. Selon Marisa Drew, le transport maritime consommerait en réalité moins d'énergie par kilo de marchandise que le train, le camion ou l'avion, ce qui explique sa position dominante dans l’acheminement des biens à travers le globe.

Dans un rapport très fourni, Credit Suisse prévoit que l’économie bleue affichera d’ici 2030 un rythme de croissance deux fois supérieur à celle traditionnelle. Cependant, certaines difficultés pourraient altérer cette belle progression. Actuellement, un tiers des réserves de poissons sont surexploitées. Sur la terre ferme, les activités dites «on-shore» causent 80% de la pollution côtière, et 100'000 mammifères marins meurent chaque année à cause des débris de plastiques disséminés dans les eaux mondiales. «Or, nous dépendons d'écosystèmes océaniques sains pour l'abondance des ressources que l'océan fournit, de la médecine à l'emploi, de la nourriture aux moyens de transport», constate-t-elle.

DES MODèLES D’AFFAIRES DURABLES

A l’instar de Rockefeller Asset Management, les investisseurs jouent plus que jamais un rôle de catalyseur dans le financement des entreprises durables, quitte à s'engage proactivement avec les multinationales sur la santé des océans. La prestigieuse firme new-yorkaise sélectionne les entreprises non seulement en fonction de leur business plan, mais aussi de leur évaluation sur la santé des océans ainsi que leur volonté de s’engager dans un dialogue constructif avec les actionnaires afin de réduire les risques sur le patrimoine marin et in fine, de garantir de belles performances futures.

L’aquaponie est une industrie émergente qui consiste à appliquer
les principes de l'économie circulaire afin de réduire la pression sur les océans.
LES PIONNIERS DE L’éCONOMIE BLEUe

Peu connue du grand public, l’aquaponie est une industrie émergente qui consiste à appliquer les principes de l'économie circulaire afin de réduire la pression sur les océans. Elle explore des approches alternatives pour remplacer l’élevage traditionnel en combinant la pisciculture et l'hydroponie, afin de cultiver des poissons et utiliser leurs eaux usées comme engrais pour les cultures. La double activité d'élevage, la faible utilisation de l'eau et une complexité technique réduite à son strict minimum sont les principaux facteurs de croissance de ce marché mondial prometteur évalué à 523,7 millions de dollars en 2017 et dont la demande grandissante d'aliments biologiques devrait alimenter la croissance.

L'aquaculture, une industrie plus vaste qui inclus de surcroît la production végétale en milieu aquatique, est au centre d’intérêt d’Aqua-Spark, un fonds d'investissement néerlandais qui investit dans des entreprises durables tout au long de sa chaine de valeur. Le fonds investit globalement dans des petites et moyennes capitalisations qui travaillent à la production d'une vie aquatique sûre et accessible, tout en offrant des rendements attrayants.

Enfin, le marché des carraghénanes, un dérivé d'algues, devrait également connaître une envolée au cours des dix prochaines années, même si pour l’heure, il est mis au défi par l'opacité de sa chaine d'approvisionnement. Mais certaines entreprises telles Coast 4C se positionnent déjà pour promouvoir la transparence de ce marché et exploiter le potentiel de la révolution des algues.

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